(Rome) Debout devant environ 100 membres du Comité international olympique, Sofia Goggia et Michela Moioli avaient l’impression qu’elles étaient les reines du monde.

Goggia, une skieuse, et Moioli, une planchiste, sont championnes olympiques, et elles ont fait un « dab » à l’unisson qui a ensuite été considéré comme étant déterminant dans l’octroi des Jeux olympiques d’hiver de 2026 à la candidature conjointe de Milan-Cortina d’Ampezzo, notamment en raison de leur énergie contagieuse et de leur bonne humeur.

Huit mois plus tard, Goggia et Moioli nagent en plein cauchemar.

Confinées chez elles à quelques kilomètres seulement l’une de l’autre dans le secteur de Bergame, situé dans le nord de l’Italie, elles doivent composer avec la menace du coronavirus. Celle-ci est bien réelle, puisque la mort et le désespoir sont visibles partout autour d’elles.

PHOTO ANDERS WIKLUND, AFP

Sofia Goggia avait embrassé le trophée remis pour la deuxième place en descente à la Coupe du monde d’Aare, en Suède, le 14 mars 2018.

La grand-mère de Moioli est décédée après avoir testé positive à la COVID-19, et son grand-père, qui a aussi reçu un diagnostic positif, repose en quarantaine aux soins intensifs.

« C’est une zone de guerre à la maison, a dit Moioli. La ville est complètement déserte. Les seuls sons qu’on entend, ce sont ceux des cloches des églises environnantes pour annoncer les décès et celui des sirènes d’ambulance. À l’extérieur des cimetières, les cercueils sont empilés parce qu’il n’y a personne pour les enterrer.

« Chaque famille compte au moins une personne infectée par le coronavirus », a ajouté Moioli.

Bergame est au cœur de l’une des régions les plus touchées d’Italie, la Lombardie, où des centaines de vies ont été fauchées par le coronavirus. Là-bas, les familles ne peuvent dire un dernier adieu à des proches qui sont morts à cause de la COVID-19, et aucune cérémonie funéraire n’est permise. De plus, un cimetière du secteur est si débordé par l’ampleur de la crise que des camions de l’armée italienne ont dû transporter 65 corps dans une région voisine afin qu’on puisse les incinérer plus tôt cette semaine.

« C’est ce qu’on entend de la maison », a écrit Goggia en italien sur Twitter jeudi, en partageant une photo d’un convoi de camions de l’armée qui transportaient des dizaines de corps.

Ce devait être une année mémorable pour Bergame, puisque son équipe de soccer, Atalanta, s’est qualifiée pour les quarts de finale de la Ligue des Champions de l’UEFA, un exploit remarquable pour un modeste club de région.

Et maintenant, la Ligue des Champions est à l’arrêt.

« Les hôpitaux, particulièrement dans le secteur de Bergame, sont sur le point d’atteindre le point de rupture, a écrit Goggia sur Instagram. L’idée que tant de personnes âgées soient confrontées à une telle situation me brise le cœur. Elles sont confrontées à des sentiments de solitude et de découragement dévastateurs.

« Nous devons être résilientes », a ajouté Goggia, qui a remporté le titre féminin en descente aux Jeux olympiques de Pyeongchang en 2018.

Moioli, qui a obtenu l’or en snowboardcross à Pyeongchang, a dû quitter sa résidence située près de Bergame à la fin du mois de janvier alors que le virus commençait à se manifester. Elle a dû déménager dans une caserne militaire située à Courmayeur afin de compléter la saison en Coupe du monde et éviter d’être mise en quarantaine.

Bien qu’elle ait déjà acquis son troisième globe de cristal dans sa discipline, Moioli voulait absolument gagner la dernière course de la saison à Veysonnaz, en Suisse, la semaine dernière.

Elle a ensuite éclaté en sanglots pendant une entrevue d’après-course, en déclarant qu’elle avait couru « pour ma ville natale ».

Quelques jours plus tard, la grand-mère de Moioli, Camilla, est décédée.

« Les funérailles ont duré cinq minutes. Nous n’avons même pas eu le temps de nous rassembler en famille, a dit Moioli. Nous prions maintenant pour grand-papa Antonio. Quand tout ça sera fini, les Italiens seront meilleurs. Ce seront de meilleures personnes, moins égoïstes. »