Et dire que tout ce temps-là, une solution se trouvait juste là, au bout du banc.

Peut-être pas l’unique solution. Parce que ça aura tout de même pris un but en prolongation à la suite d’un bond capricieux pour que les Maple Leafs de Toronto se sauvent de Boston avec un gain de 2-1. Mais une solution, et une bonne ? Assurément.

On peut raisonnablement se demander pourquoi Joseph Woll ne s’est vu confier le filet torontois qu’au cinquième match, au moment où son équipe, privée de son meilleur attaquant, luttait pour sa survie.

Le natif du Missouri a été simplement sensationnel. Pendant les 40 premières minutes, au cours desquelles il a parfois passé de longs moments sans recevoir de tirs. Au cours des 20 suivantes, alors que les Bruins, après avoir regardé les Leafs s’échiner, ont lentement pesé sur l’accélérateur. Mais surtout pendant la courte période de prolongation.

Les Bruins, à l’évidence, n’avaient pas envie de traverser la frontière une autre fois pour un sixième match. Ils ont rapidement cadré quatre tirs, dont un à bout portant de Charlie Coyle, posté dans l’enclave. Woll, d’instinct, a étiré la jambière. Un peu plus d’une minute plus tard, Knies donnait rendez-vous à tout le monde jeudi dans la Ville Reine.

PHOTO BOB DECHIARA, USA TODAY SPORTS, FOURNIE PAR REUTERS CON

Matthew Knies (23) marquant le but gagnant en prolongation

Ce n’est pas comme si le brio de Woll représentait une surprise. L’Américain a été, et de loin, le meilleur gardien de son club cette saison. Avant même que la campagne commence, en octobre dernier, on entendait à Toronto qu’il volerait le poste de numéro un au très instable Ilya Samsonov. Et c’est essentiellement ce qui s’est produit, en à peine quelques semaines.

Or, au début du mois de décembre, Woll a subi une grave blessure à une cheville qui lui a imposé une convalescence de presque trois mois. Son absence a été si longue que Samsonov, dans l’intervalle, a eu le temps de vivre une descente aux enfers, d’être cédé à la Ligue américaine, d’être rappelé et de réapprivoiser le succès.

À son retour en santé, le gardien recrue a connu quelques départs plus hasardeux, si bien que son camarade a retrouvé son filet pour de bon en fin de saison et a amorcé la série contre les Bruins.

Déboires

L’histoire récente nous l’a appris : ça ne s’est pas vraiment bien passé depuis 10 jours pour Samsonov. Ni pour son équipe, d’ailleurs. Les hauts cris pour dénoncer la timidité de l’attaque n’ont pas été poussés au hasard. Le gardien, donc, n’était pas le seul à blâmer, au contraire.

Il n’empêche que le refrain se répétait pour le Russe, qui n’avait pas été à la hauteur l’an dernier. Il avait certes connu de bons moments contre le Lightning de Tampa Bay au premier tour, mais avait peiné au tour suivant contre les Panthers de la Floride, jusqu’à ce qu’il se blesse au troisième match. Il avait alors, tiens donc, été remplacé par Joseph Woll.

Ce dernier avait ensuite remporté le quatrième match grâce à une performance inspirée et avait gardé son club dans le coup jusqu’en prolongation lors du duel suivant. Mais les Panthers étaient trop forts.

Nous voilà donc en 2024, dans une série où tout avait semblé tourner en défaveur des Maple Leafs. Face à des Bruins en grande forme et à un gardien, Jeremy Swayman, en état de grâce, les ténors offensifs torontois ont été silencieux, presque muets. Et Samsonov a été ordinaire, au mieux. Qu’à cela ne tienne, comme de coutume sous le règne de l’entraîneur-chef Sheldon Keefe, on a été patient. Jusqu’à ce qu’on ne le soit plus et qu’on appelle Woll en renfort en troisième période, samedi dernier, dans une cause perdue.

Mardi, les pronostics n’étaient donc pas encourageants. Et Auston Matthews, malade, a dû déclarer forfait pour ce match névralgique. En son absence, l’attaque des Leafs a néanmoins connu un assez bon match, sans toutefois provoquer beaucoup de chances de marquer de qualité.

Il fallait donc un vol. Et Woll le leur a donné. Nos yeux ont tout vu du larcin, et les statistiques avancées aussi. Le site MoneyPuck évalue que les Leafs ont concédé trois buts anticipés (xG). Woll a cédé une fois ; il a donc sauvé deux buts. Son club, lui, a gagné par un but. Vol confirmé.

Après la rencontre, le gardien de 25 ans a dit aux journalistes sur place qu’il vivait « les meilleurs moments de [sa] vie ». Son coéquipier Matthew Knies a quant à lui affirmé qu’il se sentait « en sécurité » lorsque Woll est devant le filet. Des mots lourds de sens.

Rien n’est encore gagné pour les Leafs, qui tirent encore de l’arrière 3-2 dans cette série. Leurs défauts sont encore nombreux – l’absence de profondeur en attaque, notamment, est saisissante –, et on ne sait pas encore si Matthews pourra jouer. Il faudra donc garder les célébrations sobres et courtes.

Rien n’est gagné non plus pour les Bruins, remarquez. Ceux-ci étaient en plein contrôle de leur duel de premier tour contre les Panthers, l’an dernier, et ont pourtant vu fondre leur avance de 3-1. Ils ont encore beaucoup à prouver.

Force est donc de constater qu’on a une série. Une bonne, en plus. On ne s’en plaindra pas.