Il a 35 ans. Il a été opéré deux fois pour la même blessure. Il a gagné quelque 60 millions de dollars jusqu’ici. Et il a cinq enfants.

Face à cet état des lieux, Max Pacioretty aurait très bien pu accrocher ses patins. Après tout, il arrive dans une tranche d’âge pas très populaire dans la Ligue nationale, son avenir financier est assuré et avec une telle marmaille, il ne se tournerait pas les pouces à la maison.

Mais ce samedi au Centre Bell, Pacioretty occupera bel et bien un casier dans le vestiaire des visiteurs, à l’occasion du passage des Capitals de Washington.

L’ancien capitaine du Canadien disputera seulement un 18match cette année, un 23e dans les deux dernières saisons. Ses deux dernières années ont été mouvementées :

  • 13 juillet 2022 : échangé des Golden Knights aux Hurricanes ;
  • 10 août 2022 : opéré au tendon d’Achille droit après une blessure subie à l’entraînement ;
  • 5 janvier 2023 : de retour au jeu avec les Hurricanes ;
  • 19 janvier 2023 : il se déchire de nouveau le tendon d’Achille droit et est opéré une semaine plus tard ;
  • 1er juillet 2023 : il signe un contrat d’un an avec les Capitals, même s’il est en rééducation ;
  • 3 janvier 2024 : de retour au jeu

En plus de ses deux blessures, il a donc eu à se farcir deux déménagements, soit deux changements de milieu de vie pour lui, sa conjointe et leurs enfants âgés de 1 à 10 ans. Pour sa deuxième opération, il s’est même rendu en Finlande, en plus de consulter un médecin en Allemagne.

PHOTO GEOFF BURKE, USA TODAY SPORTS

Max Pacioretty lors de la visite du Canadien à Washington le 6 février

Ce qui nous ramène à une question débattue par de nombreux philosophes, dont Maripier Morin, au fil des siècles : mais pourquoi ?

« Des gens diront que les deux dernières années ont été dures pour ma famille, mais ces épreuves rendent une famille plus forte, explique-t-il, en entrevue téléphonique avec La Presse. Ce n’était pas nécessairement facile de vivre ça, de louer des maisons, de déménager, tout ça au moment où je pouvais à peine marcher ou faire quoi que ce soit… Mais ça nous a permis de passer du temps de qualité ensemble. »

Je voulais vivre ça pour prouver, à moi et à ma famille, que je pouvais rejouer après une blessure si difficile.

Max Pacioretty

Des propos qui rejoignent ce que Martin St-Louis, son ami via le petit monde du hockey du Connecticut, disait de lui la semaine dernière.

« Comme parent, quand tu as des obstacles, tu te demandes comment tu aimerais que tes enfants réagissent, disait St-Louis, à Brossard, le 5 février. Je pense que ça motive Max, ces obstacles. Il veut montrer l’exemple à ses enfants. »

Heureux de jouer

Pendant son séjour à Montréal, Pacioretty avait hérité du surnom de « Wolverine », parce qu’il déjouait toujours les pronostics. Pour rappel, en 2011, il aurait pu revenir au jeu moins de deux mois après que Zdeno Chara lui eut infligé une commotion cérébrale et une fracture à une vertèbre. Dans un registre moins dramatique, en janvier 2013, il subissait une appendicectomie ; malgré une absence annoncée de trois à quatre semaines, il revenait dans l’action huit jours plus tard.

Sauf que ça s’est compliqué ces dernières années. En remontant à l’automne 2021, il n’a disputé que 61 matchs sur 216, soit 28,2 % des matchs de ses équipes.

PHOTO GEOFF BURKE, USA TODAY SPORTS

Max Pacioretty célèbre après avoir marqué un but contre le Kraken.

Il a maintenant 17 matchs au compteur cette saison et a récolté huit points, dont un seul but. Sa performance de la semaine dernière contre le Canadien, au cours de laquelle il a été le Washingtonien le plus menaçant, rappelle qu’il a retrouvé un certain niveau. Mais entre ça et redevenir le compteur d’un point par match qu’il était voilà deux ans, il y a une marge. Rappelons que pendant les saisons écourtées 2019-2020 et 2020-2021, il était 10e dans la LNH avec 56 buts, 20e avec 117 points.

C’est pourquoi Pacioretty appuie sur le frein lorsqu’on lui demande si le plateau des 1000 matchs (il est à 872) ou la perspective d’une première Coupe Stanley lui servent de motivation.

« C’est beaucoup trop loin, répond l’Américain. Je suis vraiment heureux de ce que j’ai accompli pour revenir au jeu, mais ça n’a pas été facile et ce ne l’est toujours pas. Je dois encore en faire beaucoup avant de me sentir en pleine confiance et en sécurité.

« Mais au bout du compte, tu veux toujours accomplir un maximum de choses, et j’espère accomplir tout ça un jour. »

St-Louis, le « capitaine »

À l’époque où les deux passaient leurs étés au Connecticut, Pacioretty et Martin St-Louis faisaient partie d’un même groupe d’entraînement estival.

Pacioretty n’est pas sûr des années exactes, mais croit avoir commencé à côtoyer St-Louis autour de 2008, quand celui qui était alors un choix de 1er tour du Canadien n’avait que 19 ans. St-Louis en avait 33.

« Avec le recul, je réalise aujourd’hui à quel point il était compétitif en été, note Pacioretty. Je n’ai pas connu beaucoup de joueurs de cet âge avec un tel niveau. »

Ce qu’il a appris du petit numéro 26 ? « Le travail, les sacrifices, l’engagement, tous les clichés que ça prend pour être un des meilleurs. Il n’avait jamais d’excuse pour éviter de travailler plus fort. Je n’ai jamais été son coéquipier, mais le groupe d’entraînement était comme une équipe et il en était le capitaine. »

Pacioretty nous décrit aussi un St-Louis qui ressemble drôlement à celui que les amateurs écoutent en point de presse au quotidien depuis deux ans.

« J’adorais écouter ses opinions sur les joueurs, les bâtons, les concepts. J’aimais lui poser des questions, car il avait toujours des réponses non traditionnelles. Il se faisait sa propre idée, ce qui est rare dans notre sport. Tout le monde voit les choses de la même façon, mais lui nage à contre-courant. »

Pacioretty aimerait-il être dirigé par St-Louis un jour ? Il ne répond pas directement.

Les joueurs apprécient les entraîneurs comme lui, les coachs qui n’analysent pas le jeu avec des clichés. Une autre chose que j’ai toujours aimée de lui, c’est qu’il respecte le niveau d’habiletés de chacun et travaille avec ça. Il comprend qu’il y a plusieurs façons de jouer. Des gars qui ont joué pour lui disent qu’il n’essaie jamais de t’enlever tes habiletés et ça, c’est très plaisant.

Max Pacioretty, au sujet de Martin St-Louis

Les deux hommes ne se sont pas vus depuis un bout, puisque Pacioretty est désormais établi en Floride l’été. Mais ils demeurent en contact par messagerie.

« On parle surtout de hockey mineur. C’est une bonne ressource, car avec mes enfants, je commence à vivre ce qu’il a vécu avec ses trois garçons. Je me souviens encore des étés, quand Martin jouait à Tampa, où je patinais avec son fils Ryan, qui était tout petit. Et là, il est au collège. Ça passe tellement vite ! »