Somme toute, les joueuses ne faisaient que défiler une à une devant une ovation de la foule. Rien d’anormal pour un match d’ouverture locale. Mais cette ovation, justement, elle était particulièrement sentie. Chaleureuse. Émue. À l’image de ce que représentait ce premier match local pour les Montréalaises de la LPHF, une défaite de 3-2 en prolongation face aux Bostoniennes à l’Auditorium de Verdun.

En ce samedi après-midi historique, les décibels ont particulièrement monté lorsque la capitaine Marie-Philip Poulin s’est présentée sur la patinoire pour aller rejoindre ses coéquipières. Mais jamais autant que lorsque « Pou » a cru donner la victoire aux siennes avec un but en début de période supplémentaire.

L’histoire était parfaite, presque écrite au préalable… mais non. Malgré les candides appels de la foule qui scandait « BUT, BUT, BUT » pour encourager les arbitres en ce sens, le filet a été refusé. Interférence sur la gardienne. Quelques instants plus tard, Amanda Pelkey brisait les rêves montréalais, permettant à Boston de s’envoler avec la victoire.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Amanda Pelkey (16) a marqué en prolongation contre la gardienne Ann-Renée Desbiens.

Mais loin de se laisser abattre, les partisans ont rapidement surmonté leur déception pour acclamer leurs héroïnes avec enthousiasme. Elles les ont salués comme il se doit, regroupées au centre de la patinoire, bâtons en l’air.

« [Cette ovation] était très spéciale, je ne vous mentirai pas », a commenté une Marie-Philip Poulin souriante après la rencontre.

« Ça en dit long lorsque les gens dans les gradins t’ovationnent même quand tu perds », a-t-elle ajouté.

Tu peux gagner et avoir leur soutien, mais quand tu perds et que le monde t’encourage, à Montréal, c’est vraiment spécial.

Marie-Philip Poulin

Pour Laura Stacey, établie à Montréal depuis quelques années, le « moment » que représente ce match vaut « beaucoup plus qu’un but ou une défaite en prolongation ».

« Les jeunes filles, les jeunes garçons et tous les partisans dans les gradins ont attendu ça si longtemps, souligne l’Ontarienne. C’est tellement plus grand que [le seul match]. […] Ils ont aussi traversé des épreuves. Ils ont attendu avec espoir. Et ce soir, ça s’est finalement réalisé. C’était un match incroyable, mais ce moment juste avant le début du match, je ne vais jamais l’oublier. »

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France St-Louis, Caroline Ouellette, ses filles Tessa et Liv, Danièle Sauvageau, Kim St-Pierre et Danielle Goyette ont fait la première mise au jeu en présence des capitaines Hilary Knight (21) et Marie-Philip Poulin (29).

Caroline Ouellette, Kim St-Pierre, France St-Louis et Danielle Goyette, des légendes du hockey féminin québécois et canadien, ont pris part à la mise en jeu protocolaire. Leur accueil par la foule a été tout aussi chaleureux que pour les joueuses.

« Ce sont des femmes qui ont tellement bâti de choses pour le hockey partout au Canada, a assuré Poulin. Pour moi, ce sont des mentores, des modèles. J’ai eu la larme à l’œil quand je les ai vues rentrer sur la glace. »

« Trop excitées »

La première période a été compliquée pour Montréal, comme elles le sont pour toutes les équipes locales en ce début de première saison en LPHF. Nervosité, émotions, papillons : les joueuses locales ne sont pas parvenues à sortir de leur zone, et encore moins construire leur jeu dans le tiers offensif. Deux pénalités imposées coup sur coup à Dominika Lásková n’ont pas aidé à ce chapitre non plus.

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Dominika Lásková

Puis est arrivée la deuxième période. À peine 33 secondes s’étaient écoulées quand Erin Ambrose a fait exploser toute l’énergie que la foule montréalaise avait en banque. Trente et une secondes plus tard, la fête était bel et bien sur les rails. Laura Stacey a fait 2-0 sur un très beau tir du haut de l’enclave.

Mais ce qui rend cette ligue intéressante dans ses balbutiements, c’est le niveau de jeu équilibré de part et d’autre. Boston a répliqué trois minutes plus tard, gracieuseté de Taylor Girard. Particularité intéressante : ce but a été marqué alors que les visiteuses étaient en désavantage numérique, ce qui a permis à Emily Brown de sortir du banc des punitions, en vertu d’une règle inédite de la LPHF. En enfilant ce but, on pourrait ainsi dire que Girard a permis à Brown de s’évader de prison.

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L’équipe de Montréal s’est inclinée en prolongation.

« Cette nouvelle règle est excitante pour les joueuses, a estimé l’entraîneuse-chef des Montréalaises, Kori Cheverie. Elles peuvent retirer de la fierté d’avoir marqué en désavantage numérique. Aujourd’hui, notre message aux joueuses était qu’on devait [gérer nos émotions]. Après notre deuxième but, on a peut-être été trop excitées. »

À mi-chemin en deuxième, Hannah Brandt a nivelé la marque pour l’équipe du Massachusetts. Ce qui a confirmé ce qu’on décelait à vue d’œil : une fois la nervosité du début de match passé, il se jouait du hockey relevé à Verdun.

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Marie-Philip Poulin

La tendance s’est confirmée en troisième période. C’était tendu. Intense. Lorsque la gardienne de Boston Aerin Frankel avait enfin une pause de son côté, Ann-Renée Desbiens devait monter la garde. Heureusement pour Montréal, c’est ce que la Grande Muraille de Charlevoix sait faire de mieux.

C’est finalement Amanda Pelkey qui a trouvé la faille au terme d’un jeu rapide qui s’est déployé à trois contre trois.

« On pense qu’on méritait mieux aujourd’hui, a indiqué Cheverie. Mais ces matchs seront serrés, chacun d’entre eux donne l’impression d’être du niveau d’une rencontre pour la médaille d’or ou d’un match numéro 7. On va devoir travailler là-dessus. »

Il y avait salle comble dans les gradins, mais aussi chez les médias. Environ 100 membres de la communauté journalistique ont été accréditées à l’Auditorium de Verdun. Preuve que l’intérêt pour la LPHF, du moins à ses débuts, ne se dément pas.

« Je vous remercie beaucoup, c’est remarquable, a noté Marie-Philip Poulin. C’est quelque chose de grand qu’on commence, et on espère continuer comme ça. »

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Jayna Hefford, vice-présidente des opérations hockey de la LPHF

« Pas de presse » pour les images de marque

Sans l’étonner, l’attention des médias et des partisans envers la LPHF « dépasse les attentes » de Jayna Hefford, vice-présidente des opérations hockey de la ligue.

« On sait que ce n’est que le début, qu’il y a encore beaucoup de travail à faire, a-t-elle indiqué aux nombreux journalistes présents un peu plus d’une heure avant la rencontre. On était conscient qu’il y avait une demande pour le sport féminin et que si on faisait un bon travail, on attirerait ce genre d’attention. Maintenant, on doit s’assurer de mériter l’attention de tout le monde. »

Pour ceux qui se le demandent, Hefford a affirmé qu’« il n’y a pas de presse » chez la LPHF pour lancer des logos et des noms d’équipe.

« On ne veut pas se tromper, dit-elle. Il y a plusieurs choses qu’on peut faire urgemment, mais ça ne semble pas en faire partie. Je ne pense pas que ça a un impact sur la façon dont les joueuses jouent, sur le produit sur la glace ou sur la façon dont les partisans se sentent. Je pense honnêtement que c’est une belle occasion pour la ligue de bâtir sa marque. »