Depuis les rangs midget, Gabrielle David n’a jamais terminé une saison avec une moyenne inférieure à un point par match. À son ultime campagne à l’Université Clarkson, l’an dernier, elle a terminé au 10e rang des marqueuses de la première division de la NCAA. Personne n’a donc à s’inquiéter pour son flair offensif.

Or, quand une attaquante recrue, aussi talentueuse soit-elle, arrive dans une équipe dont les premiers trios sont bourrés de joueuses étoiles, il est probable qu’elle doive remplir un autre rôle. Ou occuper une autre chaise, pour employer un terme à la mode.

C’est ce qui arrive à la native de Drummondville. À 24 ans, elle est l’une des plus jeunes patineuses de l’équipe de Montréal, dans la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF). Au tournoi présaison d’Utica, au début du mois de décembre, elle formait un trio dit « d’énergie » avec les vétéranes Sarah Lefort et Jillian Dempsey. Autrement dit, une unité, vraisemblablement la troisième de la hiérarchie, dont la mission est d’abord fondée sur le travail acharné, en soutien aux meilleurs éléments.

L’entraîneuse-chef Kori Cheverie salue le jeu « gritty » de Gabrielle David, un qualificatif quasi impossible à traduire – Google Translate nous suggère tristement « graveleux ».

En marge de la séance de repêchage de la LPHF, à la mi-septembre, où David a été sélectionnée par Montréal au neuvième tour, Marie-Philip Poulin avait parlé d’elle comme d’une « travaillante », « très intense », qui déploie beaucoup de vitesse. On se référera donc à l’image largement répandue du papier sablé.

« Elle s’engage dans beaucoup de batailles ; elle est agressive, elle est gritty, elle nous apporte beaucoup de profondeur, a détaillé Cheverie. Mais elle a aussi la capacité de marquer des buts, on ne veut pas lui enlever sa créativité. »

L’entraîneuse semble vouloir prôner la prudence envers les joueuses qui sortent à peine de l’université. « On veut qu’elles soient en position de connaître du succès », résume-t-elle.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Gabrielle David, le mois dernier, au début du camp d’entraînement de l’équipe montréalaise de la LPHF

La Québécoise est, par exemple, habituée à jouer au centre ; au camp d’entraînement, elle a toutefois été utilisée surtout à l’aile. On comprend qu’elle aura probablement sa chance en avantage numérique ; à ce point-ci, elle est plutôt chargée d’écouler les pénalités de son équipe.

La principale concernée ne se formalise aucunement des responsabilités qu’on lui confie. Tout au contraire. « À ma première année à Clarkson, c’était aussi ça, mon rôle, d’apporter de l’énergie, rappelle-t-elle en entrevue. Je suis capable de m’adapter à n’importe quelle situation. »

Quant au travail en infériorité numérique, « ça ne [me] dérange vraiment pas ! », s’exclame-t-elle. Même si, « quand tu te fais scorer, ça reste dans la tête un peu », ajoute-t-elle dans un grand sourire.

Passion

Il y a chez elle une candeur qui a résolument charmé ses coéquipières au cours des dernières semaines.

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Marie-Philip Poulin, capitaine de l’équipe de Montréal

C’est un rayon de soleil. Tu vois qu’elle aime ce qu’elle fait. Cette passion-là, c’est ce qu’on veut ici à Montréal.

Marie-Philip Poulin, à propos de sa coéquipière

Les deux compatriotes ont eu l’occasion de se côtoyer sur la glace depuis plusieurs mois, d’abord dans une ligue estivale à trois contre trois, puis au camp de sélection de l’équipe canadienne et enfin au Centre de haute performance 21.02, où s’est entraîné tout l’automne un groupe de joueuses professionnelles – notamment la quinzaine de Québécoises qui font aujourd’hui partie de la LPHF.

« C’est une personne incroyable, abonde Sarah Lefort, ancienne des Canadiennes de Montréal. Elle est souriante, elle est tout le temps contente d’être sur la glace. Elle accepte les défis, elle veut ça. Elle n’a pas peur de reconnaître ses erreurs et de recevoir le feedback. C’est une joueuse qui va se développer très vite. »

Par son engagement et sa personnalité, « elle fitte dans le type de joueuses que [l’équipe] veut avoir », confirme la directrice générale Danièle Sauvageau. « Pour moi, ça compte beaucoup », précise la gestionnaire.

Nouveaux visages

Attendue depuis longtemps, la LPHF permettra de découvrir des joueuses de haut calibre qui ne sont pas, ou pas encore, membres de leur sélection nationale.

La défenseure Maude Poulin-Labelle, repêchée par Montréal mais qui a finalement signé un contrat à Toronto, et l’attaquante Rosalie Demers, attaquante de réserve à Ottawa, font ainsi partie de la nouvelle génération de Québécoises sur le point d’amorcer leur carrière professionnelle. Même Elizabeth Giguère (New York) n’a disputé qu’une saison dans l’ancienne PHF.

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Repêchée par Montréal, Maude Poulin-Labelle jouera pour Toronto.

Non seulement Gabrielle David fait-elle partie de cette cohorte, mais elle amorce en outre sa carrière près de la maison, dans une équipe qui aligne par ailleurs neuf natives de la province.

Sans surprise, elle se réjouit de pouvoir jouer devant parents et amis. Elle est consciente que jouer à Montréal peut aussi venir avec des critiques sévères et sur les réseaux sociaux quand les choses fonctionnent moins bien. Or, jusqu’ici, l’expérience ne semble que positive. Après que l’équipe eut annoncé qu’elle avait signé un contrat d’un an, il y a quelques jours, elle a été submergée de messages.

Même des garçons avec qui j’ai joué atome m’ont écrit. Je suis vraiment contente !

Gabrielle David

En apparence interminable, le camp d’entraînement tire (enfin) à sa fin. La saison du club s’amorcera à Ottawa le 2 janvier, et la grande rentrée montréalaise aura lieu le 13 janvier. Ces deux rencontres seront disputées à guichets fermés.

L’attente a été longue, surtout pour les vétéranes. Mais même pour les recrues, comme Gabrielle David, il s’agira de l’aboutissement d’années de travail et de patience. Alors que ses débuts aient lieu sur le premier ou le quatrième trio, ça lui importe peu. Elle portera l’uniforme de Montréal, dans une ligue professionnelle. Pour l’heure, c’est pas mal tout ce qui compte.