« Quand il va devenir pro, Jayden va avoir besoin de temps dans la Ligue américaine. »

Celui qui parlait ainsi n’était pas analyste à la télévision, intervenant dans une tribune téléphonique ou client au chic Bar de la Plaza.

C’était plutôt Kent Hughes. Et le directeur général du Canadien ne tenait pas ces propos en 2019, dans la foulée du repêchage de Jayden Struble par le Canadien. Il les a tenus il y a 10 mois, en février dernier.

Les plus zélés diront que Hughes n’a pas précisé ce qu’il entendait par « du temps ». Mais il est permis de croire qu’il ne se serait pas exprimé ainsi s’il avait cru qu’une vingtaine de matchs suffirait à Struble.

Or, nous voici vendredi midi, au centre d’entraînement du Canadien, à entourer Struble autour de son casier. Depuis qu’il a eu droit à son baptême dans la LNH, le 22 novembre à Anaheim, le défenseur a disputé tous les matchs de son équipe. Et à moins qu’un enfant malin pousse un coffre à outils dans les marches pour l’écraser sur le mur, tout indique qu’il jouera samedi soir, contre les Islanders de New York, son 12match dans la LNH.

« Il faut voir jusqu’où un athlète peut aller, savoir s’il a un autre niveau, a rappelé l’entraîneur-chef du Canadien, Martin St-Louis, après l’entraînement de vendredi. Jusqu’à maintenant, Strubs nous montre un autre niveau. C’est encourageant. »

Les circonstances

Évidemment, après un si mince échantillon, il serait imprudent de proclamer la fin de son stage dans la Ligue américaine. Disons simplement qu’il est en suspens, après qu’il eut joué 9 joutes en fin de saison dernière, et 12 cette saison.

Il reste qu’au moment d’écrire ces lignes, le numéro 47 a doublé quelques rivaux dans la hiérarchie pour s’approprier une chaise. À commencer par Arber Xhekaj, qui a fait le chemin inverse ; le voici à Laval pour la première fois de sa jeune carrière, après 68 matchs dans la LNH. S’il y a une preuve qu’il ne faut jamais tenir pour acquise la place d’un jeune, elle est là.

Mattias Norlinder et Gustav Lindström semblaient eux aussi devant Struble dans l’échiquier, si on se fie au fait qu’ils sont restés au camp jusqu’à la toute fin. Même Logan Mailloux est resté jusqu’à l’avant-dernier match préparatoire.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Logan Mailloux

Aujourd’hui, Mailloux et Norlinder sont à Laval, tandis que Lindström est devenu surnuméraire lors du retour de David Savard, il y a deux matchs. Struble est certes aidé par le fait qu’il est gaucher, mais s’il était réellement mauvais, St-Louis ne le garderait pas dans son effectif simplement pour compter trois gauchers et trois droitiers.

La menace la plus immédiate à son poste, c’est son bon ami Jordan Harris, blessé, et dont le retour est prévu quelque part autour de Noël. Mais des blessures, ça arrive au hockey, le Canadien des deux dernières années vous en passe un papier.

Si on se rapporte aux propos de Hughes en début d’article, Struble avait donc beaucoup de rivaux à devancer au moment où il s’est entendu avec le CH, en mars. Certains espoirs, dans une telle situation, auraient été tentés de laisser tomber l’offre du Canadien et d’explorer le marché de l’autonomie afin d’aboutir dans une organisation comptant moins de profondeur.

« Mon approche, c’était que j’allais devoir gagner un poste, peu importe où, a raconté Struble. De toute façon, il y a trop de bons joueurs partout pour se mettre à avoir peur. Je savais que si je faisais ce que j’avais à faire, je me placerais en bonne position. Et j’essaie maintenant de commencer du bon pied. Je pense l’avoir fait, je me suis fait un nom, j’espère continuer. »

Discipliné et protégé

C’est avec du jeu sans artifice que Struble s’accroche, pour l’heure. Ses deux buts retiennent certes l’attention, mais sa formulation à ce sujet (« les deux fois où j’y ai été, ça a fonctionné ») indique qu’il ne se voit pas comme un défenseur offensif. Ses neuf buts en quatre saisons à Northeastern en donnaient déjà un bon indice.

Struble est aussi protégé dans ses affectations. Son temps d’utilisation a été limité à 12 min 45 s par match en moyenne, presque exclusivement à 5 contre 5. Trevor Lewis, Lars Eller et Ryan Lomberg font partie des attaquants qu’il a le plus affrontés, selon Natural Stat Trick, un rappel que St-Louis tente de le confronter aux trios de profondeur.

PHOTO ERIC BOLTE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Jayden Struble bloque un tir lors d’un match contre les Kings de Los Angeles au Centre Bell.

Mercredi, lors de la visite des Penguins, il a passé exactement 28 secondes sur la patinoire en même temps que Sidney Crosby. « En le voyant, je savais que j’allais probablement devoir débarquer rapidement. J’ai juste savouré mon trajet vers le banc ! », a blagué l’Américain.

La statistique la plus impressionnante, dans son cas, est possiblement le « 0 » dans la colonne des minutes de pénalité. Il en avait cumulé 190 en 104 matchs dans la NCAA, et 29 en 12 matchs à Laval.

J’essaie de faire ma place et je ne veux pas faire mal à l’équipe. Je joue dur, mais je fais attention à ce qui peut entraîner des pénalités, par exemple avec mon bâton. Donc j’essaie de toujours être en bonne position pour ne pas avoir à accrocher. Je tire beaucoup de fierté à éviter les pénalités.

Jayden Struble

Doit-on aussi rappeler que Xhekaj, même s’il n’a joué que 17 des 29 matchs du CH cette saison, est encore 2e dans l’équipe avec 11 pénalités mineures ? On ignore si ceci explique cela, mais dans tous les cas, Struble a bien choisi son moment pour faire preuve de discipline.