Ce n’est pas parce qu’une négociation se conclut par une entente « gagnant-gagnant » que les deux parties repartent avec un gain équivalent.

C’est un peu ce que l’on conclut, maintenant que le Canadien a consenti une prolongation contractuelle de trois ans à Samuel Montembeault, au prix moyen de 3,15 millions par saison.

Le sympathique gardien, évidemment, a plusieurs raisons de sourire. Reconnu comme un gars de famille, très proche de ses parents, ce natif de Bécancour ne jouera jamais aussi près de chez lui. Il souhaite sincèrement faire partie de la reconstruction de l’équipe. Il n’aura plus à répondre aux questions sur son avenir, alors qu’il s’apprêtait à devenir joueur autonome sans compensation l’été prochain. Et le voilà plus riche de 9,45 millions de dollars. Cela devrait, on l’imagine, lui accorder une certaine paix d’esprit devant l’incessante hausse du prix de la livre de beurre.

Il reçoit en outre une marque de confiance que l’administration en place semblait tarder à lui manifester – en public, en tout cas. Depuis l’entrée en poste du tandem de Jeff Gorton et Kent Hughes, il y a deux ans, le portier semble en observation.

Cela fait déjà un bon moment que ses performances sont supérieures à celles de Jake Allen, mais l’alternance, dont fait maintenant partie Cayden Primeau, a été scrupuleusement respectée. L’entraîneur-chef Martin St-Louis, il est vrai, semble plus chaleureux qu’auparavant dans ses remarques au sujet de Montembeault.

Voilà donc la tape dans le dos du gardien qu’attendaient les partisans, qui se sont rapidement attachés à leur compatriote.

C’est par ailleurs la direction du club qui a pris les devants en amorçant les discussions au sujet d’un nouveau contrat. La reconnaissance est réelle. Si on s’est entendu avec lui, ce n’est certainement pas pour l’échanger sur-le-champ. Allen et Primeau peuvent maintenant se partager à deux les rumeurs de transaction.

Il n’en demeure pas moins que, dans les circonstances, c’est le Tricolore qui semble avoir conclu la meilleure affaire. En minimisant les risques, surtout.

Évaluation

Car malgré les succès actuels du gardien, il n’est pas facile pour autant d’en faire une évaluation précise ou exhaustive. Où se positionne-t-il au sein de sa confrérie ? Ce n’est pas encore tout à fait clair.

Si l’on s’en tenait à la saison actuelle, ce serait évidemment très facile. Avec un taux d’efficacité de ,948 et une moyenne de seulement 1,47 but accordé par tranche de 60 minutes, Montembeault est l’un des meilleurs gardiens de la LNH, sinon le meilleur, à cinq contre cinq. Il a déjà sauvé quelque sept buts dans ce contexte.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Samuel Montembeault

Toutes phases de jeu confondues, le voilà à ,910 et 2,73. Surtout, sa fiche gagnante de 5-3-1 est bien supérieure à celle de son équipe (10-11-2). Et il a aidé l’équipe canadienne à gagner la médaille d’or au plus récent Championnat du monde.

Or, on se rappellera froidement que le Québécois n’a, à 27 ans, pas encore franchi la barre des 100 départs, et que son taux d’arrêts en carrière est de ,897. L’échantillon qu’il a offert est donc relativement limité. Il est aussi teinté du fait qu’il évolue, depuis son arrivée à Montréal en octobre 2021, pour l’une des pires équipes du circuit.

En lui accordant un contrat de trois ans, la direction lui dit qu’elle voit en lui un gardien digne de confiance. À un prix de 3,15 millions, elle ajoute : mais pas tant que ça. Le stage d’observation se poursuit.

Sous le prix du marché

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, qui a affecté la réalité économique de la LNH et de ses clubs, un total de 41 gardiens ont signé un contrat à sens unique de trois ans ou plus. Leur âge moyen, à la signature : 27 ans, tiens donc. La valeur annuelle moyenne des ententes : 4,14 millions.

Montembeault, donc, profitera d’une généreuse augmentation, mais son chèque de paie restera relativement conservateur. On ne lui donne pas les clés de la ville.

Cette espèce de contrat « pont » sert bien les deux camps. Le CH a ainsi trois années de plus pour déterminer si le numéro 35 sera son homme quand l’équipe aura présumément retrouvé son prestige. Si la réponse est non, même à court terme, son nouveau salaire, loin d’être pharaonique, reste très acceptable pour un adjoint de luxe, à plus forte raison avec le plafond salarial qui est appelé à monter.

Le gardien, aussi, y trouvera son compte. D’ici trois ans, il peut encore ajouter des couches à son jeu et frapper à la porte de la trentaine au sommet de sa carrière. Et si l’équipe ne gagne toujours pas en 2027, il n’y est pas lié jusqu’à ce que la mort les sépare.

Leo Luongo, entraîneur de gardiens qui a travaillé pendant quatre ans avec Samuel Montembeault dans la Ligue américaine, s’était demandé, lors d’une entrevue avec La Presse en 2022, si son ex-protégé n’allait pas « cliquer » sur le tard, à la manière de Jack Campbell.

On peut aujourd’hui avoir une pensée pour le même Campbell et constater que Kent Hughes n’a pas commis l’erreur des Oilers d’Edmonton en couvrant d’or un vétéran qui n’a pas encore fait la preuve, hors de tout doute, qu’il est un gardien partant capable de faire gagner son équipe de façon durable.