(Tempe, Arizona) Un vieux cliché emprunté au football veut que la meilleure défense soit l’attaque.

Johnathan Kovacevic n’en est pas là. Pas encore, du moins. Dans son cas, la meilleure défense passe par… la défense.

Lorsque Kaiden Guhle et David Savard se sont blessés, il y a quelques jours, les projecteurs se sont instantanément braqués sur Justin Barron, qui a intégré la formation après avoir été laissé de côté. Or, sans faire de vagues, Kovacevic a lui aussi pris du galon, au point d’obtenir une promotion au côté de Mike Matheson dans le principal duo.

En réalité, ses responsabilités avaient déjà légèrement augmenté lorsque Savard, droitier comme lui, était en santé. Le voilà déjà à quatre affectations supérieures à 20 minutes dans une même rencontre cette saison, ce qui ne lui était arrivé que 12 fois en 77 matchs en 2022-2023.

Ce changement n’est pas tombé du ciel. « Je pense qu’il s’est amélioré partout, a lancé Matheson, mercredi, après l’entraînement du club à Tempe. Son tir est meilleur, son coup de patin est meilleur, sa confiance avec la rondelle est plus grande… Plus il joue, plus il a confiance en lui. »

Il est bon de rappeler que Kovacevic, en dépit de ses 26 ans, fait partie du populeux groupe de joueurs de deuxième année chez le CH. « C’est un gars qui essaie de s’améliorer tout le temps », a souligné Martin St-Louis à son sujet.

Le principal intéressé affirme lui-même qu’il cherche constamment à se remettre en question, à « trouver ce qu’[il] peut faire de plus ». Cela en suivant le « cadre » que lui a soumis le personnel d’entraîneurs. « Un cadre clair de ce qu’ils attendent de moi, du défenseur qu’ils veulent que je sois », précise-t-il en entrevue avec La Presse.

Mais encore ? « Un défenseur défensif capable de bien faire circuler la rondelle et difficile à affronter. »

Il n’y a donc rien de vraiment surprenant de le voir remplacer Savard dans les missions défensives les plus corsées. Ce profil qu’il développe est toutefois différent de celui qu’il avait avant d’accéder à la LNH.

D’offensif à défensif

À ses deux dernières saisons dans la Ligue américaine, le grand gaillard de 6 pi 5 po carburait en effet à un rythme d’un demi-point par match. Une production semblable à celle qu’il a maintenue pendant trois ans à l’Université Merrimack et qui lui avait valu d’être repêché au troisième tour par les Jets de Winnipeg.

Chez le Tricolore, ce ne sont pas ses qualités offensives qui sont mises de l’avant. Dans ce rayon, on s’en remet plutôt à Matheson, Barron, Guhle et Arber Xhekaj. Même qu’à cinq contre cinq, lorsqu’une mise en jeu a lieu en territoire offensif, on le rappelle quasi systématiquement au banc. En neuf rencontres jusqu’ici, il a été impliqué dans à peine 13 duels en zone ennemie, contre 53 en zone défensive. Le message est clair.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Johnathan Kovacevic, l’an dernier

Si je peux être complètement honnête, cette facette du jeu [l’attaque] me manque. C’est ce qui est le plus le fun ! Mais nous sommes une équipe : c’est évident que des gars meilleurs que moi offensivement obtiendront les départs en zone adverse.

Johnathan Kovacevic

Dans la Ligue américaine aussi, il a dû être patient avant qu’on diversifie son rôle. Alors il ne se plaint pas de son sort. Au contraire.

« [Les entraîneurs] me donnent une voie pour rester dans la LNH longtemps, et j’en suis reconnaissant. J’essaie donc de faire ce qu’ils me disent et de me faire assez confiance pour faire des jeux. »

À écouter Martin St-Louis, l’élève fait bien ses devoirs. Il souligne sa capacité à amorcer l’attaque dans son territoire en choisissant « le meilleur jeu sur la glace, pas juste un jeu ». L’entraîneur-chef s’attend, du reste, à ce que son défenseur « continue à travailler ses touches » en possession du disque.

Compétiteur

En évoluant dans le premier duo d’arrières, ce sont non seulement ses habiletés défensives qui sont sollicitées, mais aussi son instinct de compétiteur. Il se retrouve ainsi à affronter le meilleur trio adverse à cinq contre cinq, ce qu’il faisait déjà en désavantage numérique.

Le « défi » n’est pas simple, convient Kovacevic. La marge d’erreur est mince. « Ça peut paraître convenu, mais jouer 59 bonnes minutes, ce n’est pas assez, contre ces gars-là, illustre-t-il. Parfois, tu joues deux bonnes périodes et tu te sens en contrôle. Puis tu as une mauvaise présence et ils marquent. Tu ne peux jamais te satisfaire de rien. »

La réflexion est la même en désavantage numérique. « Si tu écoules quatre avantages numériques et que tu cèdes au cinquième, ça peut te coûter le match. »

Quelle impression lui laisse néanmoins cette tâche en apparence ingrate ? « J’adore ça ! », répond-il du tac au tac.

Ça me donne l’occasion de lire des jeux et de me mesurer aux meilleurs joueurs du monde. C’est dur, mais j’adore ça.

Johnathan Kovacevic

Sans se consulter, son partenaire et lui utilisent à peu près les mêmes mots pour décrire leur complémentarité. Avec sa portée et son gabarit, l’un couvre beaucoup d’espace dans sa zone, et son jeu minimaliste permet à l’autre de s’envoler et d’appuyer l’attaque.

« [Matheson] aime prendre des risques parce qu’il a le coup de patin pour le faire, explique encore Kovacevic. Je n’aime pas prendre ces risques ; notre rapport risque/récompense n’est pas le même. Mais je peux couvrir pour lui et lui donner de la liberté. Et quand il est libre, il est incroyable. »

Un constant défi, pour les joueurs en début de carrière, est de prouver leur utilité, voire leur nécessité au sein de leur équipe. Mine de rien, dans l’état actuel des choses chez le Tricolore, Johnathan Kovacevic ressemble de plus à plus à un incontournable.