(Las Vegas) En janvier 2022, un drame d’une tristesse sans nom a secoué le comté de Fairfield, au Connecticut. Un jeune hockeyeur de 16 ans, Teddy Balkind, est mort après avoir eu la gorge tranchée par un patin au cours d’un match entre deux écoles secondaires.

Martin St-Louis n’a rien oublié de cette tragédie. Ce soir-là, l’école St. Luke, pour laquelle jouait Balkind, affrontait l’école Brunswick, que fréquentait alors son plus jeune fils, Lucas. Ce dernier n’était toutefois pas impliqué dans cette rencontre puisqu’il était un peu plus vieux que Balkind.

Les petites communautés voisines de Greenwich et de New Canaan avaient été fortement ébranlées. Sur Twitter, en signe de solidarité, St-Louis avait, comme ses concitoyens, publié une photo de bâtons de hockey sur le perron du domicile familial. « Pour Teddy », avait-il écrit.

Lorsqu’il a eu vent du tragique accident qui a coûté la vie à Adam Johnson, le week-end dernier, St-Louis a donc revécu un mauvais souvenir. Johnson, 29 ans, un ancien de l’organisation des Penguins de Pittsburgh, a eu la gorge tranchée samedi pendant un match des Panthers de Nottingham, dans la Ligue élite d’Angleterre. Il est mort au cours des heures qui ont suivi.

« C’est un accident terrible », a reconnu St-Louis, lundi matin, après l’entraînement du CH.

Dès le lendemain de l’évènement, des joueurs des Bruins de Providence, dans la Ligue américaine, ont adopté le protège-cou, pièce d’équipement essentiellement inexistante au hockey professionnel. Les Americans de Rochester, club-école des Sabres de Buffalo, viennent d’en commander, a révélé lundi le journaliste Patrick Williams, qui suit les activités de la Ligue américaine. Et l’Association de hockey d’Angleterre rendra son port obligatoire à compter du 1er janvier 2024 partout au pays.

Si Martin St-Louis doute que cette réglementation fasse son chemin jusqu’à la LNH, il se dit fortement en faveur que les jeunes joueurs, « ceux en bas de 18 ou 20 ans », soient obligés de mieux protéger cette partie de leur corps. Car un accident comme celui qui a coûté la vie à Adam Johnson, « ça n’arrive pas souvent, mais ça arrive pareil », a-t-il rappelé.

Comme la visière

La discussion que suscite ce drame n’est pas sans rappeler celles ayant mené à l’adoption du casque par les joueurs de la LNH, puis à celle de la visière.

Traditionnellement, une « clause grand-père » a permis aux joueurs les plus âgés de conserver leurs anciens privilèges. « Peut-être que la ligue ira dans cette direction » avec le protège-cou, a soulevé Brendan Gallagher, visiblement peu emballé par l’idée. « Si quelque chose de nouveau » émerge de cette situation, « ça peut être une bonne chose », a enchaîné Nick Suzuki avec plus d’aplomb. Car, en définitive, « les gars veulent être en sécurité ».

Craig MacTavish a été le dernier à jouer sans casque, et ce, jusqu’à sa retraite en 1997. Depuis la retraite de Zach Kassian, il y a quelques jours, il n’y a plus que sept joueurs qui patinent sans visière.

Martin St-Louis a adopté la visière en 2011 après avoir reçu une rondelle en plein visage pendant un entraînement du Lightning de Tampa Bay. Sa vision n’a plus jamais été la même du côté gauche. « Je regarde la game d’aujourd’hui… C’est débile, les lancers, les bâtons sur les rondelles, la vitesse du jeu… J’aurais de la misère à jouer sans visière. En fait, je n’en reviens pas que j’aie joué sans visière. »

L’accident de samedi dernier est-il susceptible de changer des choses ? « Oui, ça se peut », a-t-il convenu. Encore qu’à ses yeux, les joueurs de la LNH ont « plus de contrôle » que ceux qui évoluent dans d’autres ligues.

Cela n’a pas empêché Richard Zednik d’être atteint au cou par le patin de son coéquipier Olli Jokinen, en 2008. Et personne n’a oublié les images du gardien Clint Malarchuk, en 1989, au milieu de son demi-cercle ensanglanté.

Réflexion

La mort d’Adam Johnson a provoqué une onde de choc dans le monde du hockey. Quelques joueurs du Canadien ont partagé des hommages sur les réseaux sociaux. À l’évidence, cet accident a animé leurs discussions au cours des derniers jours. Mais ce n’est pas demain la veille qu’on verra apparaître des protège-cous dans leur sac d’équipement.

En bon politicien, Brendan Gallagher a affirmé qu’une « conversation » aurait lieu à ce sujet, mais que pour l’heure, il préférait dédier ses pensées à Johnson et à sa famille.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Brendan Gallagher

Un de ses amis, Josh Nicholls, évolue pour les Steelers de Sheffield, adversaire des Panthers de Nottingham samedi. Il a eu l’occasion de lui parler et de constater l’ampleur du traumatisme vécu par les personnes sur place. Cela ne changera toutefois pas son approche du jeu, assure-t-il. « Quand tu es sur la glace, il ne faut pas penser à ça. On comprend les risques. [Ce qui est arrivé] est malheureux, mais les risques que ça se reproduise sont minces. »

Puisque le protège-cou n’est pas obligatoire au hockey mineur aux États-Unis, Jordan Harris n’en a jamais porté de sa vie. « Je n’y ai jamais trop pensé », avoue celui qui serait néanmoins « prêt à l’essayer ». Kaiden Guhle, lui, a abandonné dès qu’il a pu cette pièce d’équipement imposée aux jeunes hockeyeurs canadiens. Il se rappelle à quel point son protège-cou lui donnait chaud. Il n’en porte donc plus depuis son accession aux rangs juniors.

Il rappelle toutefois que quiconque le souhaite est libre d’en porter un. Ce qui tomberait sous le sens dans un sport où les bâtons et les lames de patin « sont essentiellement des armes ».

Du groupe présent dans le vestiaire du CH lundi matin, c’est probablement Rafaël Harvey-Pinard qui semblait le plus avancé dans sa réflexion. « Ça peut arriver à n’importe qui, a-t-il dit. Peut-être qu’une vie aurait pu être sauvée avec un protège-cou. »

Sera-t-il le premier de son camp à en porter un ? « Il faudrait l’essayer à l’entraînement, a-t-il répondu. Ça fait quand même quelques années que je n’en ai pas mis un, je ne sais pas si ça dérangerait ma respiration. Mais oui, c’est une option que je vais considérer. »

« Je pense que tout le monde va y réfléchir dans la ligue, a-t-il conclu. En tout cas, s’il faut en mettre un, je ne contesterai pas, c’est sûr. »