(Columbus) Zéro but. Zéro point. En 48 matchs. Non, « ce n’est pas une anomalie » sur HockeyDB, confirme Pascal Vincent. « C’était ma première année. J’aurais pu abandonner, aller jouer ailleurs. Et je me suis dit non, je vais rester. »

C’était pendant la saison 1988-1989, dans la LHJMQ. Pascal Vincent, aujourd’hui entraîneur-chef des Blue Jackets de Columbus, disputait sa première année en tant que joueur avec les Castors de Saint-Jean. Il avait 17 ans.

Il a le sourire lorsque La Presse évoque avec lui ce souvenir lointain. Notre entretien d’une quinzaine de minutes a lieu dans la salle de conférence des Jackets, dans les entrailles du Nationwide Arena au centre-ville de Columbus, vendredi.

Ça fait 35 ans, mais « Pazzy » – c’est son surnom, ici – nous surprend en se souvenant de cette saison dans les moindres détails.

« J’ai été repêché en 16ronde à l’époque, dit l’ancien joueur de centre. Je ne pensais pas faire l’équipe. Je suis arrivé au camp, et à ce moment-là, je faisais 5 pieds 8 pouces, je pense. Je pesais 140 livres. Il y a eu beaucoup de matchs que je ne jouais pas. J’étais dans les gradins pendant sept, huit matchs consécutifs. Et les matchs que je disputais, je ne jouais pas. »

Mais cette « drôle d’année » a forgé celui qu’il est aujourd’hui, estime-t-il.

« Tu regardes en arrière et tu te dis : “Cette année-là, qu’est-ce que j’ai appris ? Eh bien, j’en ai appris sur moi.” »

Il dit avoir découvert sa « force de caractère », qui l’a poussé à « continuer à travailler », parce que ça a été une « année difficile ».

« Aucune rancune »

C’est peut-être ce qui l’a aidé à passer à travers un autre moment « difficile » lorsque Mike Babcock a été embauché à titre d’entraîneur-chef des Blue Jackets, l’été dernier. Pascal Vincent estimait qu’il méritait le poste, lui qui travaillait comme adjoint à Columbus depuis 2021.

« Ça m’a pris environ une semaine à gérer ces émotions-là, explique-t-il avec franchise. Après ça, moi, je suis un gars d’équipe. J’étais all in. Je vais être le meilleur adjoint que je peux être avec Mike. »

La suite de l’histoire a été bien documentée : Babcock a remis sa démission après les révélations voulant qu’il ait demandé à des joueurs de parcourir les photos que contenaient leurs téléphones cellulaires.

PHOTO ADAM CAIRNS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’entraîneur-chef des Blue Jackets de Columbus, Pascal Vincent

J’ai rencontré la direction. Ils ont dit : “Regarde, il se passe quelque chose ici. On a besoin d’un entraîneur-chef, t’es notre gars. Veux-tu la job ?” “OK, parfait.”

Pascal Vincent

Vincent dit ne ressentir « aucune rancune » lorsqu’on lui demande s’il aurait préféré que le poste lui soit offert avant que la saga Babcock ne survienne.

« Pour moi, c’est de l’énergie inutile. »

« Pas besoin de lancer des poubelles »

Pascal Vincent n’a pas mis de temps à faire sa marque sur son équipe. Dès la première semaine de la saison, il a fait des gestes qui ont fait jaser. Damon Severson, acquis à fort prix l’été dernier, a été cloué au banc après une erreur en deuxième période contre les Red Wings. L’espoir de premier plan Kent Johnson ainsi que le défenseur pilier Andrew Peeke ont été laissés de côté. L’ailier Eric Robinson, joueur important des quatre dernières saisons, a été placé au ballottage et s’est joint à la Ligue américaine.

PHOTO JAY LAPRETE, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le défenseur Damon Severson lors d’un match contre les Flyers de Philadeplphie à Columbus

Vincent justifie ces décisions en disant vouloir « améliorer la culture de l’équipe ». « On veut développer une tangente qui est basée sur la responsabilisation. On va grandir là-dedans jusqu’à ce que ces choses, qui sont non négociables, deviennent des habitudes. »

Pour un entraîneur-chef recrue, ça demeure une entrée en matière fracassante, non ?

« Je sais que je suis un entraîneur recrue, mais je ne me sens pas comme un entraîneur recrue, assure-t-il. Ça fait plusieurs années que je suis dans l’entourage du hockey professionnel. »

En jetant un coup d’œil à son parcours, on peut difficilement le contredire. Pascal Vincent a été entraîneur-chef dans la LHJMQ de 2000 à 2011. Il s’est joint aux Jets de Winnipeg en tant qu’adjoint (2011-2016), a pris les rênes du Moose du Manitoba dans la LAH (2016-2021), puis est retourné dans la LNH à titre d’adjoint à Columbus (2021-2023).

Ça aurait été « plus compliqué » de faire ces gestes s’il n’avait pas déjà été avec l’organisation dans les dernières années, dit-il.

L’avantage que j’ai, c’est que je connais l’équipe. […] J’ai une relation avec tous les joueurs, j’ai une compréhension de ce qu’ils peuvent faire.

Pascal Vincent, à propos de son expérience à Columbus

Oui, Vincent a joué la ligne dure envers des joueurs qui n’ont peut-être pas mis l’effort attendu de leur part. « Mais ils ne sont pas pris au dépourvu », souligne-t-il.

« On n’a pas besoin de crier, pas besoin de lancer des poubelles dans la chambre, illustre Vincent. Mais [ce que je demande à mes joueurs] c’est blanc, ou c’est noir. »

Il aime mieux l’approche de la discussion honnête pour faire comprendre son propos, ce qui ne peut que le distinguer de la précédente génération d’entraîneurs.

« Ultimement, qu’est-ce qui est mieux pour le joueur ? Se faire crier après quand il fait une erreur, ou le rendre responsable et lui expliquer ? »