Ce n’est sans doute pas le scénario qu’il avait imaginé.

En presque trois décennies derrière des bancs de la Ligue midget AAA du Québec, de la LHJMQ, de la Ligue américaine et de la LNH, sans doute avait-il déjà visualisé, au moins une fois ou deux, ce à quoi ressemblerait le jour où il serait enfin nommé entraîneur-chef dans la meilleure ligue du monde.

La grande promotion de Pascal Vincent s’est toutefois faite « très vite ». À Traverse City, au Michigan, il assistait au camp des recrues des Blue Jackets de Columbus lorsque son téléphone a sonné. Au bout du fil, Jarmo Kekäläinen, directeur général du club, l’a informé que l’entraîneur-chef Mike Babcock annoncerait sa démission. Ce faisant, il lui offrait de renoncer à son rôle d’adjoint pour remplacer son patron.

« J’ai dit oui. Ça s’est fait comme ça. »

Voilà donc quelque 48 heures que le Québécois est entraîneur-chef d’une équipe de la LNH. Sans surprise, il n’a « pas encore pris le temps » de s’asseoir pour apprécier ce qui lui arrive. La tempête est quasi parfaite.

L’organisation est dans l’embarras après des révélations selon lesquelles Babcock, embauché il y a deux mois, avait forcé des joueurs à lui dévoiler le contenu de leur cellulaire. Le voilà déjà parti, alors que s’amorce le camp d’entraînement de l’équipe.

Heureusement, Vincent et ses nouveaux adjoints avaient travaillé de concert avec Babcock pour préparer le camp. « De petits changements, mais rien de majeur », ont été nécessaires. Mais voilà déjà le train en marche.

« La transition devrait se faire assez facilement », a assuré le principal intéressé, mardi, lors d’un point de presse virtuel. « Si c’était une nouvelle organisation et que rien n’était préparé, ç’aurait été plus difficile. On met beaucoup d’heures, mais on était pas mal prêts. »

Confiance

Ce n’était sans doute pas le scénario qu’il avait imaginé, donc. Mais Vincent n’arrivera pas à reculons pour autant.

Il a suffisamment confiance en ses moyens pour savoir qu’il n’a pas volé sa place. « Ce qui me rend le plus fier, c’est de n’avoir jamais abandonné », raconte-t-il.

Au terme d’une carrière junior peu prolifique sur la glace, il a rapidement fait le saut vers une carrière d’entraîneur, avec en tête un poste dans la LNH.

À 27 ans, il a quitté la Ligue midget AAA pour la LHJMQ. Il s’est exilé au Cap-Breton en ne parlant pas un mot d’anglais. Neuf ans plus tard, il est rentré à la maison pour diriger le Junior de Montréal.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Pascal Vincent lors de sa nomination avec le Junior de Montréal, en 2008

Après trois saisons, le premier appel de la LNH est venu, faisant de lui l’entraîneur adjoint des Jets de Winnipeg. Cinq autres années ont passé et il est redevenu patron, cette fois dans la Ligue américaine, avec le club-école des Jets. Cinq saisons plus tard, en 2021, retour dans la LNH, cette fois à Columbus, comme entraîneur associé. Jusqu’à ce coup de téléphone de Kekäläinen.

Je sais d’où je viens, dit-il. J’ai monté les échelons un par un, et j’ai toujours travaillé fort. […] Je sais que ça va arriver, mais je n’ai encore jamais été congédié. Je pense que ça veut dire quelque chose.

Pascal Vincent

Du même souffle, il rend hommage à toutes les personnes qu’il a croisées le long de son parcours. Celles qui ont cru en lui pendant les inévitables périodes de doute. Celles qui lui ont fait confiance. Celles, aussi, dont il s’est entouré, qui le « poussent à devenir meilleur » et dont il dit avoir tellement appris. « J’ai toujours dit : tu es aussi bon que la somme des gens avec qui tu travailles. »

À chaque moment de son parcours, il a été méticuleux, patient, sans chercher à brûler les étapes. « Il y a 10 ans, je pensais que j’étais prêt à être entraîneur-chef [dans la LNH]. Peut-être que je l’étais, prêt, mais je n’avais pas la confiance que j’ai en ce moment. »

Dans son nouveau rôle, il ne changera pas le style « direct » qu’il a toujours eu comme adjoint. « La description de tâches a changé, mais mon approche est la même. Je reste la même personne. »

Défi

À 51 ans, voilà donc Pascal Vincent face au plus grand défi professionnel de sa vie.

Car il est de taille. Les Blue Jackets sortent d’une saison absolument atroce, dont le principal fil conducteur a été la quantité effarante de blessures ayant touché pratiquement tous les joueurs du club.

L’épisode Mike Babcock est évacué, assure-t-il. Le directeur général a fait le point avec les joueurs, et le personnel d’entraîneurs a rencontré le capitaine Boone Jenner, mardi. « Les gars sont prêts pour le camp, assure Vincent. Ils ne regardent pas derrière. »

Avec une formation enfin en santé, il tente de préciser sa « vision » sur la « culture et l’attitude » qu’il attend de son club. Il parle d’emblée de « travail et d’intensité », de structure, d’une « méthode de travail unique à tous ».

Il s’engage à déployer « une équipe rapide », sans se mouiller davantage sur la nature de son effectif ou sur les objectifs à atteindre.

Le reste ? « On s’en reparle après le camp. »