« Rien n’arrive pour rien dans la vie. » Cette phrase, Julien Tremblay la répétera à quelques reprises pendant notre entretien au téléphone.

Il la dit avec une certaine joie, un peu comme pour se rappeler que les épreuves du passé prennent aujourd’hui tout leur sens. Le voici en effet, à 31 ans, fraîchement embauché par une équipe de la LNH pour la première fois de sa vie. Il a décroché le poste d’adjoint au directeur du développement chez les Ducks d’Anaheim. La semaine prochaine, il s’envolera pour la Californie pour amorcer son mandat.

Concrètement, il occupera le rôle d’entraîneur d’habiletés. Son travail consistera à sauter sur la patinoire avec les espoirs de l’organisation afin de les aider à s’améliorer individuellement.

« Ça a toujours été mon rêve de travailler dans la LNH », convient-il. C’est maintenant chose faite, mais la route a été parsemée d’embûches.

À un millimètre de la catastrophe

Comme l’écrasante majorité des entraîneurs au hockey, Tremblay commence son parcours comme joueur. Une carrière somme toute intéressante, qui lui vaut d’être repêché par les Wildcats de Moncton et de jouer trois ans dans la LHJMQ.

Il file ensuite vers la France pour y amorcer sa carrière professionnelle. C’est là, en janvier 2015, qu’il frôle la catastrophe. En tentant une banale mise en échec, il trébuche et se cogne la tête contre le genou d’un coéquipier du club de Chamonix, en Ligue Magnus. Tremblay l’ignore sur le coup, mais il se fracture la deuxième vertèbre cervicale.

« Je me suis relevé, je suis rentré au banc, se souvient-il. Mais le corps est bien fait. Les muscles de mon cou se sont raidis et je ne pouvais plus bouger ma tête. L’ambulance est arrivée, ils m’ont immobilisé au banc et m’ont transporté à l’hôpital pour des tests. Ils ont vu que c’était trop sérieux pour cet hôpital-là, donc le lendemain, j’ai été transporté en Suisse, dans un hôpital où ils font de la neurochirurgie. »

Les médecins m’ont dit que je suis passé à un millimètre que ma moelle épinière soit sectionnée, et que je sois paralysé.

Julien Tremblay

L’accident le laisse finalement sans séquelles à long terme, si bien que sept mois plus tard, en août, il tente sa chance au camp d’entraînement de l’Isothermic de Thetford Mines, dans la Ligue nord-américaine de hockey. Mais après un match préparatoire, c’est déjà la fin de l’expérience, même si physiquement, il est pleinement remis.

« C’était vraiment la peur, admet-il. Chaque fois que je revenais au banc après une présence, c’était un soulagement. “OK, il n’est rien arrivé, je suis correct.” J’ai eu la maturité de comprendre que je ne pouvais pas jouer avec cette mentalité-là. »

De la couronne nord à la Californie

C’était donc la fin d’une carrière, mais le début d’une autre. Rapidement, il se lance dans le coaching, d’abord avec les Seigneurs des Mille-Îles, là où il a joué son hockey mineur. Il passe aussi du temps à l’Académie Joël Bouchard, puis au sein du programme de hockey de l’école secondaire Lucille-Teasdale.

C’est à Lucille-Teasdale qu’il rencontre Pascal Dupuis, vétéran de 871 matchs dans la LNH, qui demeure lui aussi impliqué dans le hockey. En parallèle de son travail avec les Diabolos, Dupuis s’implique avec les Cataractes de Shawinigan. L’ancien des Penguins de Pittsburgh passe donc le mot pour que Tremblay soit embauché par les « Cats ».

Tremblay se met aussi à entraîner des joueurs professionnels sur une base individuelle. Parmi ses clients : Kristopher Letang, Alexis Lafrenière, Anthony Mantha et Rafaël Harvey-Pinard, pour ne nommer qu’eux.

Les pros veulent tous un entraîneur privé en été et ils voulaient tous lui ! C’est parti comme un incendie de forêt. Un a commencé, les autres ont dit : “Moi, moi, moi !”

Pascal Dupuis

« Il est toujours bien préparé, confirme l’attaquant Nathan Légaré, un nouveau venu dans l’organisation du Canadien. Il a été bon pour me montrer comment avoir plus de temps et d’espace en zone offensive. Il m’a montré comment placer la rondelle en fonction d’où je m’en vais. J’avais tendance à la garder devant moi, donc c’était plus facile pour l’adversaire de me l’enlever. Tu n’y penses pas, mais ce sont des détails importants. »

Voilà qu’après deux ans à Shawinigan, les portes de la LNH s’ouvrent à Tremblay. « Je disais toujours aux joueurs : “On va profiter de tous nos moments avec lui, parce qu’on va le perdre bientôt !” », raconte Dupuis.

Jason Clarke, qui est passé en coup de vent comme adjoint chez les Cataractes, a abouti comme entraîneur adjoint au sein du club-école des Ducks, à San Diego, l’an dernier. « Jason m’a dit de soumettre mon nom, parce que les Ducks cherchaient à rebâtir leur équipe de développement. J’ai fait deux ou trois entrevues téléphoniques, puis une par Zoom. Et Pat Verbeek [DG des Ducks] m’a appelé pour m’offrir la job il y a deux semaines. »

Tremblay obtient cet emploi à sa première tentative auprès d’une équipe de la LNH. Auparavant, il avait pris contact avec le Rocket de Laval, lors de la saison 2021-2022, la dernière qui a été bouleversée par la COVID-19.

« J’avais rencontré Jean-François Houle à la Place Bell, quand la nouvelle organisation rentrait avec Adam Nicholas. Je devais aller travailler une fois par semaine avec le Rocket. Mais c’était après Noël, et ils avaient eu plusieurs matchs annulés aux Fêtes qu’il fallait reprendre, donc ils ne s’entraînaient presque plus.

« C’était passé proche, mais rien n’arrive pour rien dans la vie. Je suis comblé avec Anaheim. Je n’étais pas destiné à me rendre à la LNH comme joueur. C’est comme si mon destin, c’était de m’y rendre comme entraîneur. »

Qui est Julien Tremblay ?

  • Attaquant à Moncton, Acadie-Bathurst, Drummondville et Baie-Comeau, dans la LHJMQ, de 2008 à 2011.
  • Entraîneur-adjoint et entraîneur d’habiletés chez les Cataractes de Shawinigan, de 2021 à 2023.
  • Maintenant adjoint au directeur du développement chez les Ducks d’Anaheim. Il visitera les espoirs des Ducks qui évoluent au hockey junior canadien, et ceux du club-école à San Diego « une ou deux fois par mois ».