Une semaine s’est écoulée depuis l’achat de la Premier Hockey Federation (PHF) par les actionnaires de contrôle de l’Association des joueuses de hockey professionnelles (PWHPA), et Ann-Sophie Bettez est toujours habitée par des sentiments partagés. Même si ça signifie la fin pour la Force de Montréal, cette évolution amorce un renouveau nécessaire pour le hockey féminin.

CE QU’IL FAUT SAVOIR

  • Le 30 juin, un groupe mené par Mark Walter, propriétaire entre autres des Dodgers de Los Angeles, ainsi que Billie Jean King Enterprises, deux entités déjà impliquées dans la PWHPA, ont acheté la PHF dans le but de mettre sur pied une seule ligue professionnelle de hockey féminin.
  • Il ne s’agit pas d’une fusion, mais bien d’un rachat. Ainsi, les équipes de la PHF, comme la Force de Montréal, sont dissoutes et seules quelques joueuses de cette ancienne ligue pourront se greffer aux joueuses évoluant dans la PWHPA. Tous les contrats des joueuses de la PHF ont été annulés.
  • La PHF était formée de sept équipes, tandis que la PWHPA comptait quatre formations. Selon les premières informations, les activités de la nouvelle ligue commenceront en janvier 2024 et la ligue comprendra six équipes de 23 joueuses.
  • La PWHPA pouvait compter sur plusieurs olympiennes, comme Marie-Philip Poulin, Sarah Nurse, Hilary Knight et Megan Keller. Ann-Sophie Bettez, Elizabeth Giguère et Jade Downie-Landry, entre autres, évoluaient dans la PHF.

Le ton de voix de Bettez était moins sombre que prévu. Après tout, l’équipe dont elle était la capitaine n’existe plus, plusieurs de ses anciennes coéquipières prendront des chemins différents du sien et l’incertitude marque toutes ses réflexions.

« Ç’a été une surprise et ça prend quelques jours à digérer », souffle-t-elle au bout du fil.

Personne n’avait vu venir une telle nouvelle. Pas même les joueuses concernées. Si toutes les joueuses de la Force et de la PHF s’attendaient à renouer avec l’action en octobre, certaines d’entre elles devront attendre de voir comment la nouvelle ligue procédera à la répartition des effectifs. D’autres devront tout simplement revoir leurs plans de carrière.

Il y a quelques semaines à peine, l’état-major de la Force avait été très actif. Les contrats pleuvaient et de nouvelles joueuses se préparaient à prendre part à l’aventure montréalaise. Finalement, tous ces contrats ont été déchirés.

« Ce qui est le plus difficile, c’est que certaines joueuses ont déménagé en prévision de la prochaine saison pour venir jouer ici. Elles ont loué un appartement, et là, on se retrouve devant beaucoup d’incertitude », relate Bettez.

Si les joueuses de la PHF « sont tombées sur le serpent », celles de la PWHPA ont joué de chance et gravi l’échelle. La création d’une telle ligue était dans les plans de l’association depuis sa fondation en 2019. En principe, la majorité de ses joueuses devraient être épargnées. « On perd plus là-dedans, pense Bettez, mais avec le recul, c’est vers là qu’on [le hockey féminin] s’en allait. »

Même si la déception est vive, l’avenir est radieux : « On est vraiment dans l’avancement du hockey féminin. »

La solution

Pour la plupart des observateurs, la cohabitation de deux réseaux féminins rivaux était un non-sens.

L’unification des meilleures joueuses au monde au sein d’une même ligue était inévitable et même souhaitée par l’athlète de 35 ans.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Ann-Sophie Bettez, lors de la présentation de la formation de la Force de Montréal, à l’été 2022

On va se dire les vraies choses : c’est exactement ce qui devait arriver pour le hockey féminin. Il y avait beaucoup de confusion. Dans aucun autre sport professionnel, il n’y avait une ligue en plus d’une association.

Ann-Sophie Bettez

La prochaine étape, croit-elle, sera une implication marquée de la Ligue nationale de hockey (LNH). Si l’idée d’avoir deux camps rebutait Gary Bettman et ses associés, avoir sacrifié la PHF, espère Bettez, pourra au moins porter ses fruits. « Et ouvrir peut-être à huit équipes pour donner la chance à un peu plus de joueuses de jouer », a-t-elle ajouté.

Beaucoup d’appelées, peu d’élues

À elles deux, la PHF et la PWHPA regroupaient 11 équipes. Ce nombre sera pratiquement réduit de moitié, avec six équipes au sein de la nouvelle ligue.

Les joueuses les plus affectées seront sans doute celles issues depuis peu des rangs universitaires. Simplement parce qu’elles n’ont pas eu la chance de faire leurs preuves chez les professionnelles. En conséquence, si repêchage il y a, les équipes auront un échantillon trop faible pour les sélectionner, en comparaison des joueuses établies de la PHF.

Pour les filles universitaires, voir leur rêve s’envoler du jour au lendemain, c’est ce qui me rend triste.

Ann-Sophie Bettez

La place d’une vétérane comme Bettez n’est pas assurée pour autant : « Il n’y a rien qu’on peut tenir pour acquis », précise-t-elle.

Il est toutefois évident que sa situation est moins précaire que celle de certaines de ses jeunes coéquipières. « Mes pensées vont à toutes celles qui ont fait des sacrifices pour s’entraîner et vivre du hockey à temps plein. »

La fin de la Force

Bettez aura donc été la première et dernière capitaine de la Force de Montréal.

L’aventure québécoise de la PHF aura fait le charme des amateurs de hockey aux quatre coins de la province, de Sept-Îles à Saint-Jérôme en passant par Québec, mais le projet est arrivé à terme de manière abrupte. Trop abrupte, sans doute.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Ann-Sophie Bettez (24), lors du premier match à domicile de la Force de Montréal, à l’automne 2022

Cette acquisition est arrivée peut-être trop tôt dans notre histoire féerique, du fait qu’on aurait pu faire un bon bout de chemin.

Ann-Sophie Bettez

Résiliente, Bettez a décidé d’être optimiste plutôt que fataliste. « Qu’on soit fâchées, qu’on soit déçues, ce sont des émotions avec lesquelles on doit vivre. »

Le regard tourné vers l’avenir, Bettez refuse de s’attarder à son propre sort. Elle s’est battue toute sa vie pour faire avancer la cause du hockey féminin, et maintenant que l’horizon s’éclaircit, elle veut faire partie de cette révolution.