(Québec) Le commissaire de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), Gilles Courteau, promet de déposer un « code du vestiaire » dès la saison 2023-2024, un outil supplémentaire pour préserver l’intégrité des joueurs. Il assure que ses équipes n’ont pas été impliquées dans les allégations d’initiations violentes qui ont été rapportées dans un récent jugement.

« Aucune des situations énumérées […] n’impliquait une équipe de la LHJMQ. C’est un fait important à noter », a dit M. Courteau mercredi dans sa présentation aux députés réunis en commission parlementaire sur les initiations violentes au hockey et dans le sport.

« Cela ne nous exonère pas d’une réflexion. Nous ne sommes pas au-dessus des autres ligues. Il existe dans notre sport une culture qui peut être nocive. C’est beaucoup plus agréable d’être joueur de la LHJMQ aujourd’hui que ce ne pouvait l’être il y a 20 ans. Mon souhait le plus grand est que ça soit plus agréable dans 20 ans. […] Pour que le changement soit réel, il faut que la parole se libère », a-t-il ajouté.

Au cours des prochains mois, la LHJMQ entend travailler avec Sport’Aide pour préparer un plan d’action et un programme de prévention des comportements déplacés. Gilles Courteau promet aussi d’établir dès 2023-2024 un « code du vestiaire », que toute personne ayant accès au vestiaire des joueurs devra respecter pour être admise.

Les dirigeants de la ligue ont également détaillé les différentes étapes qu’ils suivent lorsqu’un joueur porte plainte concernant un traitement subi qu’il estime inadmissible. Cette plainte est traitée par la directrice des services aux joueurs. Selon Vincent Marissal, de Québec solidaire (QS), la LHJMQ doit revoir son mode de fonctionnement pour rendre le processus indépendant.

« On demande à un jeune de 16 ou 17 ans de prendre le téléphone et d’appeler la vice-présidente d’une ligue pour se plaindre d’un comportement probablement inadéquat et parfois même illégal. Ce n’est pas sérieux. Le moins qu’on puisse faire, c’est de revoir sérieusement le mode de traitement des plaintes », a-t-il dit.

Poursuivre les travaux au-delà de mercredi

La commission parlementaire sur les initiations violentes dans le sport est l’initiative des députés face au scandale qui bouleverse le milieu du hockey. Vincent Marissal, qui est à l’origine de ce mandat d’initiative en commission parlementaire, a proposé mercredi aux autres députés de poursuivre leurs travaux au-delà de cette seule journée d’audience. Les députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) formant la majorité des députés de la commission, le gouvernement devra donc donner son aval pour que les travaux se poursuivent.

La ministre responsable du Sport, Isabelle Charest, a dit espérer que la commission parlementaire permettra de voir si les mesures instaurées dans les dernières années, comme l’Officier des plaintes, sont « suffisantes » pour éviter, par exemple, des initiations violentes.

« L’objectif [de la commission] n’est pas de ressasser le passé, mais de voir si c’est bon, ce qu’on a en place, si ça prévient des situations comme celles-là » et s’il « faut faire plus », a-t-elle affirmé. Comme La Presse l’a écrit cette semaine, Mme Charest envisage de donner plus de mordant à l’Officier des plaintes.

Pour la ministre, le code du vestiaire proposé par la LHJMQ est la preuve que les dirigeants sont bien conscients qu’« il y a probablement quelque chose qui ne sort pas », qu’il y a une culture du silence. À propos du code, elle a ajouté : « Est-ce que c’est assez ? C’est dur à dire, on n’a aucune information. D’emblée, on pourrait penser que peut-être ce sera suffisant, peut-être ce ne le sera pas. Il faudra voir à l’application si c’est satisfaisant. »

« On manque de ressources »

Le directeur général de Hockey Québec, Jocelyn Thibault, a pour sa part souligné qu’il faut faire plus d’éducation et mieux sensibiliser les joueurs et les équipes. Son organisation, a-t-il ajouté, a aussi des limites concernant ses pouvoirs et ses ressources.

« Dans les premières semaines quand je suis arrivé à Hockey Québec à la fin de l’automne 2021, j’ai rapidement constaté qu’on n’avait pas les moyens de nos ambitions. Qu’on n’avait pas les pouvoirs de nos ambitions non plus », a dit M. Thibault.

« On parle de 85 000 joueurs de hockey, on est 20 personnes à notre fédération provinciale. […] On place les balises, on régit notre sport, mais il y a plein de choses qui se passent où Hockey Québec n’a pas le droit d’intervenir, n’est pas censé intervenir. […] Ça nous prend des leviers pour y arriver », a-t-il plaidé.

Rappel des faits

  • Le 3 février dernier, un juge de la Cour supérieure de l’Ontario a rejeté une demande d’action collective qui avait été déposée par trois plaignants au nom des 15 000 joueurs ayant évolué depuis 50 ans dans l’une des équipes de la Ligue junior de l’Ouest (WHL), de la Ligue junior de l’Ontario (OHL) ou de la LHJMQ. Le juge a refusé de recevoir l’action collective pour des raisons techniques, mais il n’a pas remis en doute la véracité des témoignages. On y décrit entre autres des actes liés à des joueurs mineurs qui font état de bâtons insérés dans l’anus, de mutilation génitale et de victimes humiliées en étant aspergées d’urine ou d’excréments.
  • Face à cette demande d’action collective contre les ligues, la Ligue canadienne de hockey (LCH) a chargé l’ex-joueur Sheldon Kennedy, l’ex-politicien Camille Thériault et l’ex-entraîneuse Danièle Sauvageau d’évaluer la situation. Leur rapport, soumis à l’automne 2020, notait une « culture systémique de mauvais traitements » et une « culture du silence » qui empêche les jeunes de porter plainte.
  • Dans un sondage réalisé par les trois experts auprès de 259 joueurs qui ont joué au hockey junior en 2020, 10 % des répondants se sont dits victimes d’intimidation ou de harcèlement, alors que 26 % des joueurs ont répondu avoir été témoins de cas d’intimidation ou de harcèlement.