« Il faut que ça cesse. » « J’espère que les équipes prennent ça au sérieux. » « Beaucoup de gens vont se remettre en question. »

D’ex-joueurs ayant évolué dans une des trois ligues juniors canadiennes au cours des dernières années ont exprimé leur stupéfaction et leur dégoût à la suite des plus récentes révélations qui entachent, une nouvelle fois, le monde du hockey.

Au détour d’une décision dans laquelle il a rejeté une demande d’action collective visant toutes les équipes juniors du pays, un juge de la Cour supérieure de l’Ontario a détaillé des exemples de sévices physiques et psychologiques qu’ont subis des joueurs âgés de 15 à 20 ans, notamment dans des activités d’initiation. La liste, troublante, fait état de cas de séquestration, d’agressions sexuelles, de mutilation et d’humiliations diverses.

Mardi matin, les représentants de La Presse, de Radio-Canada et du Journal de Montréal ont sondé huit joueurs du Canadien de Montréal et des Blackhawks de Chicago. Ceux-ci ont évolué dans la LHJMQ, la Ligue junior de l’Ontario (OHL) ou la Ligue junior de l’Ouest (WHL).

D’une même voix, ils disent n’avoir jamais assisté à des scènes aussi dégradantes que celles décrites dans la décision du juge Paul Perell. Luke Richardson, entraîneur-chef des Hawks et ancien des Petes de Peterborough (OHL), a tenu la même version.

Le seul qui a plus ou moins divergé est Martin St-Louis, qui n’a pas joué dans les rangs juniors canadiens, préférant se diriger vers la NCAA. Interrogé à savoir s’il avait déjà été témoin d’évènements qu’il juge inappropriés, il a succinctement répondu : « Je n’irai pas dans mon expérience. »

« On a tous entendu des histoires du genre, mais je n’ai jamais eu à gérer ça », a souligné Tyler Johnson, un ancien des Chiefs de Spokane (WHL).

« Je ne sais pas si j’avais la tête dans le sable, a humblement nuancé Alex Belzile. Mais pas une fois, je suis passé proche d’être témoin de ça. »

Pendant son passage chez l’Océanic de Rimouski (LHJMQ), les initiations étaient interdites, a-t-il ajouté. Néanmoins, « des fois, tu entends des histoires comme ça ailleurs et tu te dis que le monde en met un peu, mais quand [une histoire] comme ça sort, ça remet les choses en question ».

« Beaucoup de gens vont se remettre en question », a-t-il renchéri.

Traumatisme

Connor Murphy, qui a passé deux saisons avec le Sting de Sarnia (OHL), a qualifié les révélations de « troublantes ».

« C’est malheureux d’entendre que des gars ont vécu ça ; c’est un traumatisme qui peut suivre pendant toute une vie », a dit le défenseur des Blackhawks.

J’espère que les équipes prennent plus de précautions aujourd’hui et qu’elles prennent ça au sérieux. Ce sont des enfants, des adolescents…

Connor Murphy

Les joueurs interrogés ont tous raconté avoir vécu des expériences positives pendant leur stage junior, même dans des initiations.

« Ç’a été les quatre plus belles années de ma vie », a tranché Max Domi, qui a souligné qu’à son passage chez les Knights de London (OHL), les recrues devaient simplement transporter l’équipement des vétérans hors de l’autocar. « On leur a fait chanter l’hymne national devant un cinéma », a enchaîné Connor Murphy en souriant.

Samuel Montembeault a avoué avoir assisté à des fêtes arrosées chez l’Armada de Blainville-Boisbriand (LHJMQ), « mais ç’a toujours été de belles soirées », a-t-il insisté. Les gestes révélés au cours des derniers jours, « c’est humiliant pour un joueur qui arrive, tu ne veux jamais ça ».

Rafaël Harvey-Pinard affirme avoir été accueilli à bras ouverts à sa première année avec les Saguenéens de Chicoutimi (LHJMQ). C’est pourquoi il croit que les activités d’initiation ont encore leur place, pour peu qu’elles se déroulent dans le respect.

« Il faut que tout le monde soit à l’aise, c’est la clé, croit-il. Je n’ai que de beaux souvenirs de mes initiations. C’était de beaux moments, j’ai appris à connaître les gars. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Rafaël Harvey-Pinard

Les actes qui ont fait surface dans l’actualité sont « durs à entendre » ; selon lui, les évènements mettent « une tache » sur la réputation de tous les joueurs.

Que ces cas soient isolés ou non, « il faut que ça cesse », dit-il sans détour. « Il faut faire de la prévention pour que ça n’arrive plus. »

Martin St-Louis a tenu un discours dans le même sens. « Je pense que le sport amène beaucoup de positif, mais des fois, il y a de très gros négatifs et ça met de grosses taches noires. Il faut s’assurer qu’il n’y ait plus de taches noires. C’est la job de tout le monde qui fait partie de ça, qui est responsable de ces jeunes. Ce n’est pas une seule personne qui va changer ça. »

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