Il y a parfois des images qui résument tout, et de ce petit mardi soir assez ordinaire au Centre Bell, nous retiendrons celle-ci : Jake Allen, pas super content de sa soirée, qui fracasse son bâton dans un élan de rage.

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Ça, c’est arrivé après… le septième but de la visite. Un geste qui a tout résumé, vraiment, peut-être encore plus que la marque finale, criante de vérité : Sabres 7, Canadien 2.

Quelques minutes plus tard, Martin St-Louis, tout de même souriant dans les circonstances, y allait d’une citation elle aussi criante de vérité : « Ce ne fut pas notre soirée… »

Il aurait pu se lever et partir juste là, on aurait compris.

Alors oui, on pourrait mettre celle-là sur le compte d’une mauvaise soirée, de la férocité des adversaires, qui venaient d’en perdre huit de suite, on pourrait mettre ça aussi sur le dos de la fatalité, parce qu’on ne peut pas toutes les gagner, comme on le sait.

Mais mine de rien, le Canadien se retrouve avec une fiche de trois défaites à ses quatre derniers matchs.

En fait, si l’on recule encore un peu jusqu’au 1er novembre, ça donne une fiche de quatre victoires en dix matchs pour le Canadien, un rythme qui est en phase avec la plupart des prédictions effectuées en septembre.

Personne ne devrait tomber de sa chaise.

« On savait que les Sabres allaient amorcer le match en force, a admis le défenseur David Savard. Le match a commencé, et on n’était pas prêts. Ça a mal parti pour nous et ça s’est mis à dégringoler par la suite… »

Au fait, ce n’est pas la première fois qu’on voit ça, un si mauvais départ de la part de cette équipe. Est-ce inquiétant ? « Ça commence à être une tendance, on va en parler », a constaté Martin St-Louis.

Il y a peut-être, aussi et plus simplement, que ce Canadien est ce qu’il devait être, c’est-à-dire un club moyen, capable de frôler le sublime à l’occasion, mais un club moyen quand même. Les victoires de cette saison ont d’ailleurs tendance à survenir lorsque tout, absolument tout, fonctionne. Des gardiens en forme de Vézina aux défenseurs en forme de Norris. C’est ce que ça prend, rien de moins.

Cette fois, la soirée s’est ouverte sur trois buts de la visite en cinq tirs, ce qui a fini par mener à ce bâton brisé. Jake Allen, d’ordinaire un garçon fort sympathique, a choisi de ne pas venir répondre aux questions après cette très longue soirée, probablement parce qu’il allait être un peu moins sympathique.

« C’est un gardien solide et on ne l’a pas aidé, a résumé David Savard. On a essayé de l’aider… ce fut une soirée à oublier pour tout le monde. »

Il fallait bien que la réalité finisse par se pointer le bout du nez au Centre Bell, et c’est en plein ce qu’elle a fait. Jake Allen, bien sûr, mais cette défense se retrouve trop souvent débordée, et avec un peu de chance, les Sabres auraient pu finir le match avec plus de 10 buts.

Qu’est-ce qui devrait nous surprendre là-dedans ? Rien. Absolument rien. La loterie Connor Bedard était le seul sujet de discussion valable en septembre, et personne ne parlait d’une place en séries. Un club qui gagne quatre matchs sur dix ne participe pas aux séries.

Ce qui change un peu, toutefois, c’est la manière ; une telle claque, le Canadien de cette saison ne nous avait pas habitués à ça. Ce fut de loin sa pire performance de 2022-2023, et c’est un résultat qui évoque la saison précédente, le bout sous Dominique Ducharme, quand le Canadien était rarement compétitif. Peut-être que les choses n’ont pas tant changé, finalement.

Ça sert aussi de rappel : passer de la 32place à une place parmi l’élite, ça se peut au PlayStation, mais dans la vraie vie, c’est pas mal plus compliqué.

En hausse

Cole Caufield

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Cole Caufield

Très difficile de trouver un candidat ici, mais son but était son quatrième à ses cinq derniers matchs.

En baisse

Jake Allen

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Alex Tuch contourne le filet de Jake Allen.

Après un gros début de saison, c’est de plus en plus difficile pour le gardien, qui a mal paru sur presque tous les buts mardi soir. Surtout le septième.

Le chiffre du match

70

Après 19 matchs, le Canadien a accordé 70 buts ; la saison passée, après 19 matchs sous les ordres de Dominique Ducharme, le club avait accordé 67 buts.

Ils ont dit

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Nick Suzuki et Cole Caufield

Il y a des erreurs qui sont commises et on doit s’assurer de corriger ces erreurs-là. Il faut nous en tenir au plan de match un peu plus que ça. Et il faut aussi aider Jake [Allen] plus que ça.

Cole Caufield

Les Sabres, ils ont joué avec un sentiment d’urgence, ils venaient d’en perdre huit de suite. La personne la plus dangereuse, c’est celle qui est désespérée. C’est ça que les Sabres ont été. Ce fut un match de même, on va passer par-dessus et on va corriger les erreurs. La seule bonne affaire, c’est qu’on va jouer dès mercredi…

Martin St-Louis

Ce fut un début de match difficile pour nous. Ça fait deux matchs de suite qu’on ne connaît pas un bon début de match… Dans cette ligue, ça te place dans une mauvaise position, parce que ce n’est pas facile de revenir de l’arrière par la suite.

Kaiden Guhle

Dix minutes avant de sauter sur la glace, on parlait de l’importance d’un bon départ… et puis c’était 3-1 pour eux après la première période.

Juraj Slafkovsky

Dans le détail

Le bonheur des uns…

En inscrivant trois buts dans les premières 2 min 13 s du match, les Sabres de Buffalo ont connu, mardi, ni plus ni moins que le septième meilleur début de match de l’histoire de la LNH. Cette réalisation a toutefois laissé un goût amer au Tricolore, récemment devenu un expert des faux départs. Au cours des deux derniers matchs, cinq buts ont été encaissés avant la barre des trois minutes. « Il faut se remettre sur le droit chemin, ce sont des choses qu’il ne faut pas laisser glisser, a souligné David Savard aux journalistes dans le vestiaire après la rencontre. Si on commence à adopter cette tendance-là, ça va être difficile de gagner des matchs. » Notons par ailleurs qu’après 16 matchs, le CH était la meilleure équipe de la LNH en première période, avec seulement 7 buts accordés. Depuis, il a encaissé 7 autres buts, mais en 3 petits matchs.

Skinner en extase

S’il le pouvait, Jeff Skinner disputerait probablement 82 matchs par année contre le Canadien. Mardi soir, il est devenu le premier joueur de l’histoire de la LNH, en excluant ceux du CH, à réussir deux performances de cinq points à Montréal. Depuis le début de la saison 2017-2018, il a maintenant récolté 24 points contre la Flanelle, devancé seulement à ce chapitre par Mitch Marner (25) et Auston Matthews (31). Détail notable : ces deux derniers ont eu besoin, respectivement, de 26 et 24 matchs pour atteindre ces totaux. Skinner, lui, l’a fait en 15 duels. Mardi, son trio avec Alex Tuch (3 points) et Tage Thompson (4) a été tout simplement dominant. Lorsqu’elle était réunie sur la glace à cinq contre cinq, cette unité a eu l’avantage 16-5 au chapitre des tentatives de tir, a calculé le site Natural Stat Trick. Elle a également généré six chances de marquer de qualité contre seulement deux.

Généreux, Allen

Jake Allen est loin d’être l’unique responsable de la défaite du Tricolore. Mais force est de constater qu’il ne connaît pas une bonne saison. Après avoir accordé cinq buts à cinq contre cinq mardi, il a vu son taux d’efficacité dans cette phase de jeu chuter à ,889. De tous les gardiens no 1 de la LNH, seuls Elvis Merzlikins et Jack Campbell font pire. Depuis le début de sa carrière, en excluant sa saison recrue, Allen a chaque année affiché un taux égal ou supérieur à ,912. Il reste encore beaucoup de matchs pour faire mieux, mais il part résolument de loin. Après la défaite contre les Sabres, ses coéquipiers se sont portés à sa défense. « Ça reste un excellent gardien, il a été victime de mauvais bonds », a estimé Juraj Slafkovsky. Martin St-Louis, pour sa part, a affirmé l’avoir laissé dans le match à 3-0 pour « lui donner une chance de se battre ». En outre, comme Samuel Montembeault obtiendra le départ mercredi soir à Columbus, l’entraîneur a préféré garder son auxiliaire au banc afin qu’il demeure bien reposé.

Simon-Olivier Lorange, La Presse