(Laval) Le chiffre 50 est symbolique au hockey. La marque des 50 buts demeure l’étalon de mesure qui distingue les véritables tireurs d’élite des bons marqueurs.

Pour Noah Juulsen, le chiffre a une tout autre signification. La saison dernière, le choix de premier tour du Canadien en 2015 a atteint le chiffre de 50… dans la colonne des matchs joués. Pour un gars qui revient d’aussi loin, ce n’est pas banal.

« J’attendais depuis longtemps de jouer une saison complète, d’être avec les gars et de recommencer à me sentir comme un joueur de hockey. Ç’a été une année incroyable », nous confie Juulsen, rencontré après l’entraînement matinal des Canucks d’Abbotsford mercredi, en vue du duel en soirée contre le Rocket à Laval.

L’an dernier, Juulsen a disputé 50 matchs avec Abbotsford, huit autres avec le grand club, les Canucks de Vancouver. « J’ai manqué une fin de semaine parce que j’étais malade. Sinon, j’ai été en santé toute l’année », dit-il fièrement.

Pour comprendre sa joie, il faut remonter au 19 novembre 2018, jour où il a été atteint non pas une, mais deux fois au même œil pendant un match. Des problèmes récurrents de migraines ont alors fait dérailler une carrière qui s’annonçait prometteuse. Ses responsabilités allaient en augmentant, lors du match précédant l’incident, il avait même été employé 20 minutes par Claude Julien. Voyez son nombre de matchs joués ces dernières années.

Matchs joués de Noah Juulsen

  • 2018-2019 : 24 (dont 21 dans la LNH)
  • 2019-2020 : 13 (tous dans la LAH)
  • 2020-2021 : 9 (dont 4 dans la LNH)
  • Total : 46

Seulement la saison dernière, il a donc joué davantage que lors des trois campagnes précédentes réunies. Pendant ces trois années, Juulsen a broyé du noir.

On est des joueurs de hockey, mais hors glace, on a une vie. Hors glace, je ne me sentais pas moi-même. Il y a eu une longue période où je ne me sentais pas bien. Je ne sentais plus que j’aimais le hockey.

Noah Juulsen

Un joueur actif qui dit ne plus « aimer » le hockey, c’est plutôt rare. Certains atteignent des niveaux de découragement, mais rarement les propos vont aussi loin.

« Les deux ans et demi que j’ai manqués, ç’a été très difficile mentalement. C’était dur en tant que joueur, mais comme humain aussi. Plusieurs personnes s’attendent à ce que tu aides ton équipe, que tu fasses une différence. Quand tu arrives et que ça ne se passe pas à ton goût, c’est difficile. »

La transaction qui change tout

Sans la présence d’un DG bienveillant, Juulsen aurait pu continuer à broyer du noir la saison dernière.

À l’automne 2021, il participe en effet au camp des Panthers de la Floride, qui l’avaient recueilli au ballottage quand le Canadien l’y avait soumis l’hiver précédent. Sauf que Juulsen débarque avec très peu de millage dans le corps. Le 1er octobre, il est soumis au ballottage ; ignoré, il est rétrogradé le lendemain.

Le problème : le club-école des Panthers l’an dernier, les Checkers de Charlotte, était en garde partagée avec le Kraken de Seattle, qui possède sa propre filiale seulement depuis cet automne. Cela signifiait donc qu’il y aurait un surplus d’espoirs, et qu’il n’y aurait pas de place pour tout le monde, tous les soirs.

Quelques jours après le renvoi de Juulsen, les Canucks s’informent. Le DG des Panthers, Bill Zito, contacte aussitôt son joueur pour lui exposer la situation. Une belle attention envers un joueur qui n’avait pas de statut particulier au sein de l’équipe.

Bill a été très bon avec moi. Il a été juste et m’a dit ce qui se passait. Quand il m’a parlé pour l’échange, il m’a prévenu que comme on partageait le club-école avec Seattle, je ne serais peut-être pas dans la formation tous les jours.

Noah Juulsen

C’est un Juulsen encore fragile qui réfléchit. « J’ai dû prendre une journée pour y penser. Je ne savais pas où j’en étais dans ma carrière. »

Il fait finalement le saut et un an plus tard, il ne regrette rien. « C’est la meilleure chose qui pouvait m’arriver », assure le Britanno-Colombien, qui joue ainsi à la maison.

La santé tient toujours. Il disputait mercredi son neuvième match de la saison avec Abbotsford, et a eu droit à deux joutes avec Vancouver.

« Ce n’est pas un gars qui demande, c’est un gars qui donne, vante son entraîneur-chef, Jeremy Colliton. On l’utilise maintenant en avantage numérique parce qu’il a un bon tir. Mais sa grande force est à cinq contre cinq, à jouer les minutes difficiles, écouler les pénalités, bloquer des tirs. »

Les liens avec Montréal sont à l’évidence coupés. Quand on lui demande avec qui il a gardé contact, il nomme Michael McCarron, Charlie Lindgren et Gustav Olofsson, qui jouent tous sous d’autres cieux.

« Je suis reconnaissant que le Canadien ait tenté sa chance avec moi. La première année, ç’a bien été, puis je me suis blessé l’année suivante. Les fans ont été bons pour moi. Mais c’est du passé. C’est un bon début de saison pour moi, comme joueur et comme personne. »