(Ottawa) Empêtrée dans des allégations de violences sexuelles en série, Hockey Canada a dépensé 1,6 million depuis le début de juillet – sans puiser dans les fonds publics, jure-t-elle – afin d’obtenir les conseils de la firme de gestion de crise Navigator. La fédération a néanmoins perdu au fil des semaines environ 24 millions en revenus publicitaires, larguée par une flopée de commanditaires.

Le député néo-démocrate Peter Julian est apparu médusé lorsque Pat McLaughlin, premier vice-président de Hockey Canada, a révélé aux élus du Comité permanent du patrimoine canadien que l’organisation avait jusqu’à présent déboursé 1,6 million pour s’offrir les services de Navigator.

La fédération sportive a fait appel aux services du cabinet torontois de relations publiques en juillet dernier, au moment où sa gestion des cas d’agression sexuelle allégués n’en finissait plus d’attirer les critiques, et que ses dirigeants ne parvenaient pas à éteindre le feu.

« Le personnel de Hockey Canada a reçu au début du mois de juillet l’instruction du conseil d’administration de contacter Navigator […]. Ils ont commencé à travailler avec Hockey Canada le 8 juillet », a expliqué par visioconférence M. McLaughlin, assurant que l’exercice n’en était pas un « de communication ».

Il s’agissait plutôt de faire preuve de « transparence » : la firme a prodigué au conseil d’administration « des conseils en matière de gouvernance » et pour « nous aider à travailler au jour le jour avec les médias », l’équipe de communications de Hockey Canada étant « petite », a-t-il enchaîné.

Aucuns fonds publics n’ont été utilisés pour éponger la facture, qui atteint 1,6 million, a dévoilé Pat McLaughlin.

« Un… Un point six m… », a laissé tomber Peter Julian, cherchant ses mots.

C’est « cher payé pour ce qu’on a vu et entendu de l’organisation depuis le début de cette crise », a pour sa part regretté la ministre des Sports, Pascale St-Onge, dans une déclaration écrite fournie par son bureau mardi soir.

De coûteux retraits de commanditaires

Après qu’une collègue avant elle eut égréné un chapelet de commanditaires qui ont largué Hockey Canada, la libérale Lisa Hepfner a demandé à Pat McLaughlin de décrire comment l’image de marque de la fédération a souffert.

« Ç’a été extrêmement difficile, ce qui est un euphémisme, a-t-il lâché. Ce que je suis en mesure de partager ici, c’est que l’impact sera d’environ 23,5 millions à 24 millions, d’après les projections de notre directeur financier. »

Il faudra encore plusieurs mois, voire environ deux ans, avant que Hockey Canada ne retrouve son lustre d’antan, croit Bernard Motulsky, professeur au département de communication publique et sociale de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« Pour l’instant, je pense que l’approche est plus de se faire oublier, le temps qu’on ait des choses pertinentes à dire, qu’on arrive avec une nouvelle équipe de direction. […] Je pense que l’année prochaine, on pourra voir une nouvelle image, mais ça prendra au moins deux ans », expose-t-il.

« J’aimerais pouvoir revenir en arrière »

Le comité entendait aussi mardi Bob Nicholson, qui a été président et chef de la direction de 1998 à 2014. Il a exprimé des regrets de n’avoir pas suffisamment encadré, à l’époque, le comportement des athlètes autant à l’extérieur de la patinoire que sur la glace.

« J’aimerais pouvoir revenir en arrière. J’aimerais avoir implanté davantage de politiques. Mon boulot, à titre de PDG, c’était de m’occuper des opérations. Les politiques venaient du conseil d’administration », a-t-il argué en réponse à une question du libéral Anthony Housefather.

« Je ne veux pas me défiler », a immédiatement précisé M. Nicholson, qui est maintenant président des Oilers d’Edmonton. « J’étais PDG et j’aurais dû encourager la mise en place de politiques. J’aurais aimé l’avoir fait, et je ne l’ai pas fait. J’en suis désolé. »

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Bob Nicholson

Il a dit ne pas se souvenir « exactement » du nombre de dossiers d’inconduite sexuelle qui ont atterri sur son bureau pendant ses années à la tête de Hockey Canada.

Le nouveau conseil d’administration de Hockey Canada sera en place le 17 décembre prochain. Ses membres devront notamment s’atteler à la tâche de trouver un remplaçant à Scott Smith, dont les clauses de rupture de contrat n’ont pas été divulguées à la table du comité, mardi.

La ministre Pascale St-Onge a vu une différence entre cette comparution et les trois qui l’avaient précédée.

« Je constate un changement de ton qui permet de croire que l’organisation laisse l’arrogance de côté. On s’attend maintenant à des changements organisationnels profonds qui persisteront dans le temps, en plus d’actions concrètes pour enrayer les violences sexuelles et la culture du silence », a-t-elle affirmé.