C’est probablement notre coloré collègue Richard Labbé, journaliste étoile du plus grand quotidien français d’Amérique, qui a trouvé le mot le plus juste pour prédire ce à quoi ressemblerait cette saison du Canadien : à un laboratoire.

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Les expériences sont déjà nombreuses, parfois pour le mieux — voir à ce sujet les deux victoires de la dernière semaine —, parfois pour le pire. Samedi soir, au Centre Bell, la défaite de 5-2 aux mains des Stars de Dallas n’a pas incarné le pire. Mais ça n’a pas été non plus, pas du tout même, un de ces matchs qui « auraient pu aller d’un côté comme de l’autre ».

Dans le camp texan, une machine bien rodée, bien équilibrée, dont le jeu défensif méticuleux est une marque de commerce depuis quelques années déjà. Dans le camp montréalais, ce fameux laboratoire, où les solutions de rechange en défense côtoient le processus d’essais-erreurs qui poursuit son cours en attaque.

« C’est tout le temps comme ça, de bonne heure dans la saison, a prévenu Jonathan Drouin après la rencontre. Les combinaisons vont encore changer. [Samedi] soir, aucun des trios n’a été constant pendant tout le match. Il faut donner le crédit aux Stars, qui ont joué un bon match défensif et qui ne nous ont pas donné beaucoup d’espace. »

Il est en effet de bonne guerre de rappeler que le Tricolore n’a encore disputé que six matchs. Or, en attaque, avec un groupe de joueurs aussi expérimentés, on semble étrangement loin de l’objectif.

Le trio sur lequel évoluait Drouin constitue un bon exemple. Le site spécialisé Natural Stat Trick calcule qu’à cinq contre cinq, l’unité composée du Québécois, de Kirby Dach et de Josh Anderson n’a maîtrisé que le quart des tentatives de tir et s’est fait écraser sur le plan des chances de marquer de qualité (une contre huit).

Ç’a été globalement pénible, mais jamais autant que sur le quatrième but des Stars, marqué dans les dernières secondes de la deuxième période. Même si les deux défenseurs du CH étaient coincés dans le coin de la patinoire, Drouin et Dach ont complètement abandonné leur couverture dans le haut de la zone. Résultat, le pauvre Anderson s’est retrouvé seul contre quatre joueurs des Stars. Le but d’Esa Lindell a suivi dans la seconde.

PHOTO TIRÉE D’UNE VIDÉO, NHL.COM

Sur le quatrième but des visiteurs, Josh Anderson, du Canadien, s’est retrouvé seul contre quatre joueurs des Stars.

L’entraîneur-chef Martin St-Louis ne critique jamais ouvertement ses joueurs après les matchs. Il n’a pas dérogé à son habitude, mais a néanmoins souligné que son club venait de réduire l’écart à 3-2 au cours des minutes précédentes. « À ce point du match, […] on aurait dû faire la job défensivement. On ne l’a pas faite », a-t-il lancé.

En défense, l’inexpérience pèse plus lourd certains soirs que d’autres. Kaiden Guhle, élève modèle depuis l’ouverture de la saison, s’est retrouvé plusieurs fois dans le pétrin contre les attaques méthodiques des Stars. Jordan Harris a été meilleur, mais certaines séquences l’ont fait mal paraître – notamment le troisième but de Joe Pavelski. Arber Xhekaj se fait remarquer par son jeu robuste, mais défensivement, lui aussi a beaucoup de croûtes à manger. Johnathan Kovacevic était un contributeur offensif efficace dans la Ligue américaine ; il ne l’est pas dans la LNH.

Martin St-Louis a parlé des Stars comme d’« une équipe rapide, assez simple, assez nord-sud ; une équipe de vétérans ».

« C’est de la pression à laquelle beaucoup de nos joueurs ne sont pas habitués. Ils vont gagner de l’expérience. C’est une game qu’on va apprendre. »

Xhekaj en vedette

Le fameux laboratoire viendra, on l’a dit, avec ses moments douloureux, mais on voit déjà poindre des éléments franchement rafraîchissants. Arber Xhekaj n’est pas parfait, cela va de soi, mais il est certainement unique, en tout cas dans l’organisation du Canadien.

À 6 pi 3 po et 220 livres, le défenseur des Stars Esa Lindell ne peut être confondu avec Nathan Gerbe. Sa tentative de mise en échec sur Xhekaj, en troisième période, s’est pourtant soldée au désavantage du Finlandais qui s’est lui-même retrouvé les quatre fers en l’air. La foule du Centre Bell s’est emballée.

L’Ontarien a en outre été récompensé par un but, le premier de sa carrière dans la LNH. La foule s’est déchaînée.

Ne comptez toutefois pas sur lui pour s’en émouvoir toute la semaine.

« Je reste assez calme, et je pense que c’est dans ces moments que je suis à mon sommet, a lancé le jeune homme après la rencontre. J’étais bien sûr content de mon premier but, mais je suis plutôt relax. »

À l’évidence, une histoire d’amour se développe entre les partisans et lui.

« C’est vraiment le fun, surtout pour un gars qui a eu un cheminement assez long, a estimé Jonathan Drouin. Il gagne en confiance, et ce but va l’aider encore plus. »

À le voir malmener ses adversaires le long des bandes, s’il faut en plus qu’il gagne effectivement en confiance, il sera avant longtemps un joueur redouté.

Un vrai « joueur de hockey », dixit Martin St-Louis. Ses coéquipiers ne s’en plaindront pas. Les partisans non plus.

En hausse

Arber Xhekaj

Un but — son premier dans la LNH — et une mention d’aide, en plus de sept mises en échec. Le jeune défenseur continue de faire bonne impression.

En baisse

Kaiden Guhle

Son duo avec David Savard a peiné toute la soirée contre le premier trio des Stars. Un rappel légitime que Guhle n’a pas encore deux semaines d’expérience dans la LNH.

Le chiffre du match

66

Joe Pavelski a réussi le 66match de plus d’un but de sa carrière. Depuis ses débuts dans la LNH, en 2006-2007, seulement trois joueurs en ont eu davantage : Alex Ovechkin (150), Steven Stamkos (86) et Sidney Crosby (82).

Ils ont dit

J’étais content, mais on perdait encore par un but. J’ai accordé un but tout de suite après, donc ça a un peu annulé l’effet du but. Je suis un gars qui a du plaisir quand l’équipe joue bien. C’est plus important que le but à mes yeux.

Arber Xhekaj, auteur de son premier but dans la LNH

Il y avait un peu moins d’espace ce soir que dans les derniers matchs, mais on le savait avant que le match commence. On a créé un peu de chances, mais il aurait fallu en créer un peu plus, comme ils l’ont fait tout le long du match.

Jonathan Drouin

Le premier but, ça fait 20 ans que je regarde du hockey, je n’ai jamais vu un but du revers comme ça, shortside [du côté rapproché]. Il a développé un talent autour du filet quand il était à San Jose, et ça va continuer pas mal.

Jonathan Drouin, au sujet du premier but de Joe Pavelski

On savait qui on affrontait. On s’est dit qu’il ne fallait pas les prendre à la légère. Si tu es imprudent avec la rondelle, ils peuvent te le faire payer. Jake [Oettinger] a été solide et notre échec avant a pris le contrôle.

Joe Pavelski

J’avais entendu son nom, mais j’en savais très peu sur lui. J’ai vraiment été impressionné. A-t-il été repêché ? Pas repêché, il arrive au camp, et il avait l’air à son aise ce soir. Il patine, il fait circuler la rondelle. Il est impressionnant.

Pete DeBoer, au sujet d’Arber Xhekaj

Dans le détail

Des traitements pour Gallagher

Rarement a-t-on vu un simple objet inanimé à ce point tourmenter une équipe. On parle ici du bâton de Nick Suzuki, qui traînait sur la patinoire en milieu de match. Non seulement la crosse maudite a privé Evgenii Dadonov d’une échappée, mais elle a aussi infligé douleur et inconfort à Brendan Gallagher, qui s’est encastré dans la bande après avoir posé le pied sur ledit bâton. Gallagher a fait quelques allers-retours vers le vestiaire, mais il a terminé le match. Toutefois, son malaise — visiblement à une jambe — était manifeste sur certaines séquences. Sans surprise, il subissait des traitements après le match, selon l’équipe, ce qui l’a dispensé des entrevues. « Je le regarde aller depuis des années, il n’y a pas plus dur que lui, a témoigné Arber Xhekaj. C’est bon pour l’équipe qu’il se pousse comme ça. Il aurait le droit d’aller s’asseoir dans le vestiaire, mais il n’est pas ce gars-là. Il est un élément clé de notre équipe. »

Ils en ont encore dedans !

PHOTO DAVID KIROUAC, USA TODAY SPORTS

Joe Pavelski

Les plus jeunes membres du Canadien accaparent toute l’attention, en ce début de saison, mais les Stars nous ont rappelé, le temps d’une soirée, que les aînés de la LNH n’ont pas dit leur dernier mot. Parlez-en à Joe Pavelski, auteur d’un tour du chapeau. À 38 ans, il est le doyen des attaquants du circuit, mais il a eu l’air de tout sauf d’un joueur au bout du rouleau. Signe de ses talents de marqueur, il a inscrit trois buts complètement différents : un tout près de la peinture bleue, un autre en se faisant oublier dans l’enclave et le dernier sur une échappée où il a profité d’un bond favorable. « C’est comme si le temps s’était arrêté il y a cinq ou six ans, et on dirait qu’il pourrait le faire pendant encore cinq ou six ans », a constaté l’entraîneur-chef des Stars, Pete DeBoer. Pavelski est devenu le 21e joueur de l’histoire de la LNH à inscrire un tour du chapeau passé son 38e anniversaire de naissance. Le voici à sept points après cinq matchs cette saison.

Benn aussi

PHOTO ABBIE PARR, ASSOCIATED PRESS

Jamie Benn

À 33 ans, Jamie Benn a lui aussi eu son mot à dire dans ce triomphe. Il ne vieillit certainement pas aussi bien que Pavelski, mais samedi, il ressemblait un peu plus au joueur qui, dans la vingtaine, amassait un point par match, bon an, mal an. « Benn a vraiment été notre meneur ce soir », a affirmé DeBoer. Le frère de Jordie a donné le ton à cette rencontre en obtenant la toute première chance de marquer dès la première minute et a été menaçant toute la soirée. C’est aussi sa discipline devant Arber Xhekaj, en fin de deuxième période, qui a permis à Esa Lindell de porter la marque à 4-2 et de briser les reins du CH. Benn a en outre remporté 9 de ses 13 mises en jeu et a malmené Kirby Dach (4 en 5 contre lui) dans cette facette du jeu.