(Brossard) Aussi bien le dire froidement : l’unité de désavantage numérique du Canadien, en matchs d’avant-saison, a parfois eu les apparences d’un accident de train.

Onze buts accordés en huit rencontres. Des quatuors souvent désorganisés, voire confus. La saison dernière, l’équipe avait fini parmi les dernières de la ligue avec un homme en moins, mais là, c’était pire que tout.

Évidemment, les matchs hors concours sont le lieu d’expériences. Les combinaisons changent souvent, encore davantage lorsque les blessures s’accumulent. Il fallait donc prendre cette déconfiture avec un grain de sel.

Il n’empêche qu’à l’approche du match inaugural de la saison, mercredi, contre le meilleur avantage numérique de la LNH en 2021-2022, les attentes étaient basses. Or, les sceptiques ont été confondus, puisque le Tricolore a réduit les puissants Maple Leafs au silence en 6 min 46 s de travail en infériorité numérique.

« On a beaucoup travaillé là-dessus, a expliqué Jordan Harris jeudi matin après l’entraînement des siens. On a épuré certaines choses et on est restés plus compacts, moins éparpillés. Ça a beaucoup aidé. »

Du banc, le gardien réserviste Samuel Montembeault a aussi vu ses coéquipiers faire « du bon boulot pour laisser Jake [Allen] voir les lancers ».

À chaque début de saison, il est bon de se rappeler qu’un match (ou deux, ou cinq…) n’est pas un échantillon probant de ce qui attend l’équipe au cours des semaines suivantes. La règle reste vraie. La performance de mercredi en désavantage numérique frappe toutefois l’imaginaire pour deux raisons.

D’abord, elle défie les performances habituelles des Leafs. Ceux-ci ont produit à un rythme de 10,38 buts par tranche de 60 minutes la saison dernière en supériorité numérique. Ce taux aurait dû se traduire par au moins un but, mercredi.

Ensuite, l’inexpérience des troupes de Martin St-Louis. En défense, les quatre recrues en uniforme ont joué en infériorité numérique. Kaiden Guhle a été l’arrière le plus sollicité (3 min 43 s), tout juste devant David Savard. Johnathan Kovacevic (3 min), Jordan Harris (2 min 8 s) et Arber Xhekaj (1 min 2 s) ont suivi dans l’ordre. Le vétéran Chris Wideman n’a pas été employé dans cette phase de jeu.

En attaque, la surprise est venue d’Evgenii Dadonov. Seul Christian Dvorak (4 min) a joué plus que lui (2 min 49 s). En fait, il s’agissait pratiquement de la première fois que Dadonov, 33 ans, jouait en désavantage numérique dans la LNH. Depuis ses débuts en 2010, il avait dépassé les 22 secondes une seule fois.

« Un professionnel »

Peu loquace, le principal intéressé a indiqué qu’il accomplissait simplement le travail que son entraîneur lui demandait de faire. « Il m’a demandé si j’étais prêt à essayer et j’ai dit oui », a succinctement souligné Dadonov.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Evgenii Dadonov

Martin St-Louis a confirmé qu’il n’avait pas eu besoin de s’« asseoir pour lui demander s’il vous plaît ».

« C’est un professionnel, un joueur très intelligent, qui joue avec énergie et ténacité, a poursuivi l’entraîneur-chef. J’en ai parlé à toute l’équipe : je leur ai dit qu’on a beaucoup de joueurs capables de jouer en avantage numérique, mais que ça va en prendre aussi en désavantage. Je n’ai pas eu à convaincre personne. »

De fait, avec Joel Armia et Paul Byron sur le carreau, et depuis le départ d’Artturi Lehkonen pour le Colorado à la fin de la saison dernière, les spécialistes sont devenus beaucoup plus rares chez le Tricolore.

Dadonov n’est pas le seul qui s’est retrouvé à renouer avec une tâche qu’il n’avait pas accomplie depuis longtemps. Dans une moindre mesure, Sean Monahan a aussi été mis à contribution, lui qui ne touchait presque plus à cette phase de jeu depuis trois ans chez les Flames de Calgary.

Avec autant de patineurs qui doivent se familiariser ou renouer avec les rouages du désavantage numérique, on peut se demander quel est le principal défi qui se pose.

Pour moi, c’est probablement de refermer l’espace en zone neutre sur la contre-attaque. Bien sûr, ça prendra un peu de temps pour m’habituer, mais on étudiait déjà les avantages numériques des autres équipes. C’est juste un autre aspect de notre travail.

Evgenii Dadonov

« Il faut davantage jouer en unité qu’à cinq contre cinq, a quant à lui analysé Jordan Harris. On doit se synchroniser, bouger ensemble. Ça prend beaucoup de répétitions. »

David Savard, incontestable spécialiste chez les défenseurs du Canadien – « il a été fantastique », dixit Harris –, mise en toute simplicité sur l’importance de « comprendre où la rondelle va aller ».

C’est ce qui peut faire le succès d’un joueur comme Dadonov, selon lui. « Il est capable de savoir ce que les joueurs adverses vont faire. Il le fait lui-même dans l’autre sens, puisqu’il a tellement joué en avantage numérique dans sa vie. Ce sont des choses qui peuvent aider. »

« L’apprentissage est pour tout le monde, insiste le Québécois. Avec plus de répétitions, chaque gars va davantage savoir quand exercer de la pression et faire de meilleures lectures. C’est un travail qui va se poursuivre toute l’année, mais je suis content de ce qu’on a accompli. »

Ça se poursuit en effet dès ce vendredi, avec une visite à Detroit, puis samedi à Washington et lundi contre les Penguins de Pittsburgh, à Montréal. Après avoir tenu Auston Matthews au silence, ce ne sera pas plus reposant contre Alex Ovechkin ou Sidney Crosby.

Jake Allen sera le gardien partant contre les Red Wings. On s’attend à ce que Samuel Montembeault obtienne le filet le lendemain.