Des années après que Hockey Canada eut commencé à utiliser les frais d’inscription des joueurs pour créer une importante réserve financière connue sous le nom de Fonds national d’équité afin de couvrir les réclamations pour agression sexuelle et les autres poursuites judiciaires, l’organisation a redirigé une partie importante de cet argent vers un deuxième fonds de plusieurs millions de dollars à des fins similaires.

C’est le Globe and Mail qui en a révélé l’existence lundi matin, à la veille d’une nouvelle audience de Hockey Canada devant le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes. On y attend les témoignages de l’ancien président du conseil d’administration Michael Brind’Amour, parti en août dernier avant la fin de son mandat, et de sa successeure par intérim, Andrea Skinner.

Connue sous le nom de Fonds en fiducie pour l’héritage des participants, cette nouvelle réserve a été créée avec plus de 7,1 millions de dollars provenant du Fonds national d’équité. Selon des documents obtenus par le Globe, l’argent y était destiné « à des questions incluant les abus sexuels, mais sans s’y limiter ».

Rappelons que le Globe avait révélé en juillet que Hockey Canada avait utilisé une autre réserve financière, le Fonds national d’équité, constitué à partir des frais d’inscription des joueurs, pour régler une poursuite de 3,55 millions de dollars déposée par une femme qui allègue avoir été agressée sexuellement par plusieurs membres de l’équipe championne du Mondial junior 2018.

La poursuite a été réglée en quelques semaines, pour une somme non divulguée, sans qu’il n’y ait eu enquête complète par Hockey Canada ni que les joueurs de l’équipe junior de 2018 ne soient forcés d’y collaborer.

L’organisme a aussi reconnu, lors d’audiences fédérales en juillet, que le Fonds avait été utilisé pour régler neuf plaintes pour agression sexuelle totalisant 7,6 millions de dollars depuis 1989, en excluant la plainte réglée cette année.

Le Fonds en fiducie pour l’héritage des participants a été créé en 1999, révèlent des documents déposés à la Cour du Banc du Roi de l’Alberta. Le fonds a été créé pour traiter les réclamations contre les divisions membres de Hockey Canada découlant d’évènements survenus entre 1986 et 1995, avant que Hockey Canada ne commence à souscrire une assurance pour les réclamations pour agression sexuelle et autres responsabilités.

La fiducie devait être dissoute le 15 mai 2020, mais à la fin de 2018 et au début de 2019, Hockey Canada et ses membres se sont adressés aux tribunaux pour modifier les conditions de la fiducie — s’assurant qu’elle serait maintenue en place jusqu’en 2039.

« Les fiduciaires croient que davantage de réclamations seront présentées après la date de division telle qu’elle est définie actuellement, et c’est la principale raison de prolonger la durée de la fiducie », a déclaré le directeur financier de Hockey Canada, Brian Cairo, dans une déclaration sous serment déposée en janvier 2019 devant le tribunal de l’Alberta.

Appelé à réagir par le Globe, le porte-parole de Hockey Canada, Jeremy Knight, a répondu que la déclaration sous serment n’indiquait rien de précis.

« La déclaration de M. Cairo n’était pas fondée sur la connaissance d’une réclamation ou d’un évènement spécifique, ou de toute réclamation ou tout évènement spécifique anticipé. »

« Il est important de garder à l’esprit que depuis 1999, date à laquelle la fiducie a été créée, la compréhension des Canadiens de la nature et de l’étendue des réclamations pour abus sexuels s’est considérablement améliorée. Nous savons maintenant que ces réclamations surviennent souvent des décennies après l’évènement présumé, ce qui explique pourquoi il était raisonnable de demander de prolonger la fiducie au-delà de 2020. »

Il a ajouté que la fiducie ne figure pas au bilan de Hockey Canada parce qu’elle n’est pas considérée comme un actif. Selon M. Knight, la fiducie n’a pas été utilisée, mais elle demeure disponible pour les fins prévues.

Réactions politiques

Le député libéral de Mont-Royal, Anthony Housefather, a immédiatement réagi à la nouvelle sur son compte Twitter. « Il y a plusieurs autres questions que je réserve à Hockey Canada en vue des audiences de mardi. C’est toute une omission que ça n’ait pas été dévoilé lors des deux premières audiences. »

Le député néo-démocrate Peter Julian s’est pour sa part demandé pourquoi Hockey Canada n’avait pas divulgué l’existence de la fiducie, ou pourquoi Hockey Canada avait cherché à la prolonger jusqu’en 2039.

Le nom du fonds est conçu pour dissimuler et il n’y a aucun doute que c’est ce que l’on cherche à faire.

Peter Julian, député néo-démocrate

« C’est un autre exemple d’obstruction et de dissimulation d’informations que les parents de jeunes joueurs de hockey et le grand public doivent connaître », a dit M. Julian au Globe.

Le député conservateur John Nater a déclaré que le comité et le public auraient dû être informés des détails entourant ce second fonds.

« Lorsque les familles mettent leur argent dans les frais d’inscription, elles supposent que cela va être lié à leur enfant, à leur famille, à leur participation au sport. Et d’entendre que les fonds sont utilisés de cette manière, cela échoue au test de la transparence. »