Le joueur qui suscite le plus de fébrilité au camp d’entraînement du Canadien a 18 ans. Le nouveau capitaine de l’équipe, à 23 ans, est le plus vert de l’histoire de la franchise. La relève en défense regorge de talent.

Le processus de reconstruction dans lequel l’organisation est engagée ne pourrait être plus clair : on fait place à la jeunesse afin que les plus beaux espoirs d’aujourd’hui transportent le club vers le succès lorsqu’ils auront atteint leur maturité.

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Le Tricolore de 2022-2023 est-il pour autant une formation jeune ? Ce n’est pas si clair.

Pas moins de 14 joueurs, parmi ceux qui sont le plus susceptibles d’être retenus cette saison, ont au moins 27 ans – cela inclut Paul Byron, mais exclut Carey Price. Quatre autres ont 25 ou 26 ans.

La haute direction de l’équipe rappelle régulièrement que ses objectifs sont à moyen et long terme. Corollaire : la campagne qui s’amorcera le 12 octobre ne sera pas facile. Une participation aux séries éliminatoires est hautement improbable. On voudra de nouveau, c’est une évidence, décrocher une position enviable au repêchage.

Si le plan peut être emballant pour les plus jeunes du groupe, il peut logiquement être reçu bien différemment par les vétérans. Ainsi, au cours d’une longue entrevue avec La Presse, Martin St-Louis n’a pas fait de cachettes : son approche ne sera pas la même avec Juraj Slafkovsky qu’avec Evgenii Dadonov, nouveau doyen chez le Canadien.

« Le gars qui a joué 500 ou 600 matchs, il n’a pas les mêmes besoins que celui qui arrive », souligne l’entraîneur-chef.

Les plus expérimentés, reconnaît-il, « vont avoir plus d’opinions ». Des manières de faire, de penser, plus ancrées. « C’est correct », insiste-t-il.

« Je suis dans la business de convaincre », rappelle St-Louis. À ce titre, « les plus jeunes, c’est plus facile de les convaincre que les plus vieux ».

Reprenons l’exemple de Dadonov. À 33 ans, le Russe n’est pas dans une situation rêvée. Il entreprendra la saison dans un troisième uniforme en trois ans. Si les Golden Knights de Vegas l’ont échangé au Tricolore, c’est pour se libérer de son salaire. Il est en position de donner un coup de main à sa nouvelle équipe, mais disons pour résumer qu’il n’incarne pas l’avenir de la franchise. Surtout avec une seule année à écouler à son contrat.

Lorsque La Presse présente cette situation à St-Louis, il ne bronche pas. « Ce qui m’intéresse, c’est comment il peut nous aider aujourd’hui, insiste le Québécois. S’il se concentre sur ses affaires, peut-être qu’il peut apporter beaucoup de valeur. Il a son sort en main. C’est le cas pour beaucoup de vétérans. »

Ambassadeurs

Ce que St-Louis souhaite d’abord et avant tout, c’est responsabiliser ses vétérans. Il cite sa propre expérience : dans la deuxième moitié de sa carrière de joueur, il s’est toujours retrouvé en « position de leadership ».

« J’aidais des joueurs à performer ; si ça n’allait pas bien pour eux, je leur donnais des idées », énumère-t-il.

« Mes 10 dernières années, je coachais beaucoup, ajoute-t-il. Je n’avais pas peur d’amener des idées aux entraîneurs. Je pense que j’avais suffisamment gagné leur respect pour avoir des discussions avec eux, pour faire les choses différemment. Comme entraîneur, il faut être ouvert. »

Il n’est pas un « right fighter », dit-il. L’expression anglaise, difficile à traduire, désigne une personne qui veut avoir raison à tout prix.

Ses joueurs plus âgés, il veut leur parler de travail collectif, mais aussi d’aspects individuels à améliorer. Eux aussi devront avoir « l’esprit ouvert », répète-t-il.

Martin St-Louis s’attend à ce que les vétérans du Canadien deviennent des ambassadeurs de la « culture » qu’il souhaite implanter dans l’équipe.

Il paraphrase une maxime importante à ses yeux : « Tu veux du monde qui va planter des arbres, mais qui ne s’assoira jamais à l’ombre de ces arbres-là. »

Interprétation : il souhaite compter sur des porteurs d’un projet qui savent qu’ils n’en récolteront pas les fruits.

Une recherche sur l’internet retrace la citation originale au XIXsiècle dans les sermons du théologien français Hyacinthe Loison, qui pourrait l’avoir lui-même empruntée aux écrits de Cicéron.

Qu’importe, St-Louis est ferme : il a « besoin du monde de même ».

« J’aidais Stamkos et Hedman »

De son propre parcours de joueur, l’histoire retient surtout les exploits d’un attaquant étoile qui a soulevé la Coupe Stanley et qui est aujourd’hui au Temple de la renommée du hockey.

Or, ce que vivront David Savard, Joel Edmundson et Jake Allen cette saison, « j’étais dans cette situation-là, en fin de carrière », note-t-il.

« À Tampa, quand j’avais 35 ans, j’aidais Steven Stamkos et Victor Hedman, mais je n’ai pas gagné la Coupe avec eux ! Le leadership, c’est la chose la plus importante à passer à la gang d’en bas. Il faut montrer l’exemple tous les jours. À un moment donné [les plus jeunes], ce sera à leur tour de planter des arbres ; ils ne s’assoiront pas dans l’ombre de ceux qui sont partis. »

Plusieurs fois, depuis son arrivée chez le Canadien, St-Louis a indiqué qu’il avait pratiquement tout vécu. « Il n’y a pas un gars sur mon banc dont je ne comprends pas ce qu’il traverse », dit-il.

Il estime donc être la personne toute désignée pour « aider tout le monde à naviguer » à travers la saison 2022-2023. Dans ses moments les plus réjouissants comme dans ses tempêtes les plus houleuses.

Il lance donc le défi à ses joueurs d’adhérer à sa manière de voir les choses. Et si sa courte expérience derrière le banc a jusqu’ici démontré une chose, c’est qu’il peut se faire convaincant.