Il est 9 h en ce lundi de septembre. C’est jour férié, mais ça grouille entre les murs du Centre sportif des Pays-d’en-Haut, à Sainte-Adèle. Poche de hockey sur l’épaule et bâtons en main, hommes et femmes, tous âgés de 70 ans et plus, font leur arrivée.

C’est jour de match pour la ligue des Jeunes aînés des Laurentides 70+, qui vient de voir le jour.

La rencontre doit commencer à 10 h 30, mais la plupart des joueurs arrivent une bonne heure à l’avance. L’ambiance est au plaisir dans les couloirs, devant les vestiaires. Sur les portes, une feuille affiche l’alignement de chaque équipe. Après avoir déposé leur poche, les joueurs se regroupent pour discuter de tout et de rien.

Dès notre arrivée, on fait la connaissance de Raymonde Oger, résidante de Sainte-Agathe et gardienne de but. À 70 ans, Mme Oger n’a jamais joué au hockey. Elle s’est d’abord inscrite parce que son frère Guy, organisateur de la ligue, peinait à trouver des gardiens.

« Mes frères Guy et Marc se parlaient de ça depuis un bout de temps et j’ai dit : “Je vais te régler ton problème et y aller, moi !” Je disais ça comme ça. »

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Raymonde Oger

C’était en juillet. L’été a continué son cours, et Mme Oger espérait que sa proposition tombe dans l’oubli. « Mais une bonne journée, [Guy] m’appelle et dit : “Pour le hockey, je compte sur toi, Raymonde, je n’ai personne d’autre !” J’ai répondu : “Bon, OK, je vais y aller.” »

Au passage de La Presse, c’est le deuxième match de la saison. Le premier a eu lieu trois jours plus tôt et Mme Oger a adoré son expérience… même si elle a appris les rudiments du métier à la dure ! « J’ai oublié qu’il fallait attacher les jambières en dessous du patin. J’avais une jambière qui s’en allait tout le temps sur le côté ! Les patins étaient trop larges ! Mon pied se promenait dedans. Là, j’ai acheté de nouveaux patins. C’est une jeune adolescente de 14 ans qui avait ça. »

« C’est incroyable combien j’étais complètement vidée par le stress de la première partie et le poids de l’équipement. Je ne suis pas habituée ! »

Raymonde Oger s’habille dans le vestiaire des arbitres en compagnie de la seule autre femme permanente de la ligue, Raymonde Millette. Âgée de 78 ans, Mme Millette a commencé le hockey avant la pandémie, mais elle devait faire une heure de route pour se rendre à l’aréna. Cet été, en lisant son journal local, elle est tombée sur un encart au sujet de la nouvelle ligue, à Sainte-Adèle. « C’était l’occasion rêvée ! »

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Raymonde Millette

Ça fait du bien de sortir de la maison quand on est toute seule. À un moment donné, le ramonage de cheminée pis le nettoyage de gouttières, tu es tannée !

Raymonde Millette, joueuse de la ligue des Jeunes aînés des Laurentides 70+

Mme Millette aura 79 ans à la fin du mois, mais elle ne craint pas du tout les blessures. « J’ai toujours dit : je suis tellement courte que je ne tombe pas de haut ! Je ne me blesse jamais quand je tombe ! », s’exclame-t-elle dans un de ses rires contagieux.

Une ligue sur mesure

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Les joueurs de la ligue des Jeunes aînés des Laurentides 70+ en action

Plusieurs membres des Jeunes aînés des Laurentides 70+ évoluaient auparavant au sein de la ligue du même nom, mais destinée aux 55 ans et plus, à Sainte-Agathe. En vieillissant, les joueurs avaient de la difficulté à suivre le rythme. Guy Oger a donc eu l’idée d’implanter une autre ligue destinée aux 70 ans et plus, à Sainte-Adèle, au sein du centre sportif flambant neuf qui a ouvert à la fin d’août.

La ligue est à l’œuvre les lundis et vendredis, de 10 h 30 à 12 h. Au total, une trentaine de joueurs sont inscrits, pour une journée ou l’autre, ou les deux. « Par contre, il nous manque souvent des remplaçants, souligne M. Oger. Nous, quand on se fait mal, parfois c’est long à guérir. Juste ce matin, j’ai quatre remplaçants. »

Sur la patinoire, différentes règles sont en place afin d’éviter les contacts et les blessures. Par exemple, l’arbitre siffle toutes les 90 secondes afin d’ordonner un changement de trios simultané. Et si la rondelle est immobilisée sur le bord de la bande, elle appartient au joueur qui se trouve dans sa zone défensive.

Du plaisir… et du social !

Vers 9 h 30, une autre femme arrive dans les couloirs ; il s’agit de Suzanne Bouchard, fille d’Émile « Butch » Bouchard, un des plus grands défenseurs de l’histoire du Canadien, et sœur de Pierre Bouchard, lui aussi ancien du Tricolore.

Mme Bouchard est remplaçante, mais ne joue pas aujourd’hui ; elle est là pour une livraison spéciale. Son frère lui a demandé d’apporter certaines de ses anciennes pièces d’équipement à un de ses amis qui évolue au sein de la ligue, Jacques « Coco » Couvrette.

« J’ai connu Pierre Bouchard dans la vingtaine, quand il jouait pour les Canadiens juniors. On se voit, mais très rarement », nous raconte Coco, surnommé ainsi depuis toujours.

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Jacques Coco Couvrette avec de l’équipement de protection ayant appartenu à Pierre Bouchard

M. Couvrette, 74 ans, joue au hockey depuis sa tendre enfance. Il en regarde aussi beaucoup : « J’ai regardé les dames jouer cette semaine, c’était le championnat féminin. Ma favorite ? Marie-Philip. Comme tout le monde ! »

M. Couvrette est défenseur droitier. « Ils n’ont pas le droit de me changer de place, prévient-il. J’ai mon petit coin de 20 pi2, je ne bouge pas. Je suis heureux avec ça. » Quand on lui demande ce que le hockey lui apporte, il répond sans hésitation : « Du plaisir. Et surtout le social après ! »

— Vous prenez une bière dans le vestiaire après le match ?

— Ça, c’est un secret !

Chaque joueur rencontré par La Presse a sensiblement le même discours : le plaisir avant tout.

Tout le monde a ses petits problèmes, mais moi quand je joue au hockey, j’oublie tout. Ça me fait du bien moralement.

Guy Oger, organisateur de la ligue des Jeunes aînés des Laurentides 70+

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Les joueurs s’étirent avant le match.

Raymond Langlois, doyen du groupe à quatre-vingt-trois ans « et demi ! », joue depuis de nombreuses années. Il est d’ailleurs membre du Temple de la renommée national des 80 ans et plus. « Je vais devoir compter sur l’amabilité de mes coéquipiers ! Si tu regardes attentivement, je ne suis pas le seul à avoir un petit problème d’équilibre ! », lance-t-il, petit sourire aux lèvres.

« On est tous des camarades. On a du fun. On ne va pas là pour se blesser. À cet âge-là, tu ne veux pas te blesser trop souvent », ajoute Marcel Breton, 79 ans, alors qu’il s’apprête à embarquer sur la patinoire.

Justement, le match commence. Pour un peu de sport… avant le social.