Il y a de ces secrets si mal gardés qu’ils finissent par ne plus être secrets du tout.

La situation de Jeff Petry, chez le Canadien, a largement dépassé le stade de rumeur.

Dans une entrevue avec La Presse, à la fin du mois de janvier, Kent Hughes avait ouvertement affirmé qu’il était disposé à échanger le vétéran, aux prises avec une situation familiale difficile. Invoquant notamment la lourdeur des mesures sanitaires imposées au Québec, sa femme, Américaine comme lui, est partie vivre au Michigan avec leurs trois garçons. On a appris, par la suite, que le couple attendait un quatrième enfant.

Sur la glace, celui qui était jadis reconnu pour son élégance sur patins ne semblait pas – et ne semble toujours pas – dans son assiette. On se doute que ce n’est pas plus festif chez lui, dans une grande maison vide.

L’embauche de Martin St-Louis a semblé lui redonner le sourire. Dans une rare apparition devant les médias, le 28 février dernier, Petry a avancé qu’il aimerait bien « jouer longtemps » pour ce nouvel entraîneur. Ses plans avaient-ils changé ?

À l’évidence, non. Jeudi, quelques heures après avoir cédé Ben Chiarot aux Panthers de la Floride, Kent Hughes a expliqué qu’il ne tentait activement d’échanger aucun de ses joueurs. À une seule exception : Jeff Petry. Une fois de plus, son contexte familial a été évoqué.

Le discours du DG n’a pas changé. On ne s’est pas donné l’obligation de conclure une transaction coûte que coûte. Les défenseurs droitiers habiles offensivement ne courent pas les rues, et même si Petry gagne cher et qu’il est maladroit, on ne s’en débarrassera pas sans faire une « bonne affaire ». Mais on tente tout de même de l’accommoder.

Délicat

On aurait certainement adoré discuter de la situation avec l’acteur principal de ce téléroman, mais il a décliné la demande formulée par les journalistes de le rencontrer après l’entraînement de vendredi. Autrefois l’un des principaux porte-parole des joueurs auprès des médias, Petry est plus effacé que jamais cette saison.

Ce dossier, pour ses coéquipiers, c’est l’éléphant dans la pièce (ou dans le vestiaire), comme on dit en anglais. Cette situation évidente et connue que personne n’aborde afin de ne pas susciter l’embarras.

Joel Edmundson, son partenaire de toute la saison dernière qu’il vient de retrouver sur la glace, a affirmé vendredi que le numéro 26 n’avait montré « aucun signe » de tracas à ce sujet. « Il est heureux de faire partie du Canadien et joue du bon hockey depuis deux semaines, a dit le Manibotain. C’est un gars que tout le monde apprécie. J’espère qu’il restera. »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Joel Edmundson

Nick Suzuki est allé un tout petit peu plus loin. « Je sais que sa situation familiale n’est pas la meilleure ; on veut qu’il puisse être avec sa famille, c’est ça le plus important », a-t-il dit. Du reste, le joueur de centre persiste : « Jeff aime jouer ici, il fait partie du groupe. Il veut encore aider l’équipe. »

Étonnamment, c’est l’un des membres de l’organisation qui connaît le défenseur depuis le moins longtemps qui a eu la réponse la plus sincère et élaborée à son sujet.

Martin St-Louis est particulièrement bien placé pour comprendre ce qu’il vit. En acceptant de se joindre au Tricolore, il a lui-même dû s’éloigner de sa femme et de leurs trois fils, restés aux États-Unis.

« Je suis ici, je m’amuse, c’est le fun, j’ai un challenge, mais il y a un prix à payer. Ce n’est pas facile de ne pas pouvoir aller voir jouer mes enfants », avait confié St-Louis à La Presse quelques jours après son embauche, en février.

Plus tôt cette semaine, l’entraîneur s’est illuminé en soulignant la visite à Montréal de sa conjointe et de leur plus jeune fils, Mason.

« Je ne le juge pas, parce que je ne marche pas dans ses souliers, a dit St-Louis, vendredi. Mais en étant papa, en ayant une famille, je sais que ce serait très difficile pour moi, dans ma tête, de ne pas être avec eux. »

Communication

Ce n’est évidemment pas la seule chose dont parlent Petry et St-Louis.

Il y a évidemment « le hockey et l’équipe », qui doivent « continuer à avancer ». « C’est une question d’équilibre, et on va continuer de balancer ça avec Jeff. »

La communication, on le comprend, est au cœur de la philosophie de Martin St-Louis. Plus d’une fois, déjà, il a souligné à quel point il était primordial, pour lui, de connaître les « individus », les « personnalités » qui sont assises sur son banc, afin de « maximiser le potentiel des joueurs ».

Ce n’est pas une approche qu’il a lui-même expérimentée comme joueur – « quand j’ai pris ma retraite, en 2015, je ne peux pas dire qu’il y avait beaucoup de communication ». Or, dans une ligue de plus en plus jeune, et à plus forte raison avec la prise de conscience collective qui s’exerce au sujet de la santé mentale, les non-dits et une froide relation employeur-employé ne sont plus au goût du jour.

« Ça ne veut pas dire qu’on n’est pas sévères, mais je pense qu’il y a un plus gros côté humain dans le développement des joueurs », a encore estimé l’entraîneur.

C’est donc dans cette optique qu’il demande à Jeff Petry, l’humain et le hockeyeur, de le « rencontrer à mi-chemin ». Une sorte d’entente tacite entre les deux qui, en tenant compte du contexte, ne soustrait pas le défenseur aux impératifs de l’équipe.

« Je travaille individuellement avec les joueurs, et Jeff fait partie de ces gars. On espère que les choses se placent pour lui, d’une manière ou d’une autre, pour que l’on continue d’avancer comme équipe et qu’il continue de s’améliorer comme joueur », a conclu St-Louis.

À l’approche de la date limite des transactions, tous les joueurs répètent qu’ils se concentrent sur le hockey et que les échanges font partie de la vie d’un athlète professionnel. On se doute toutefois que Jeff Petry gardera un œil attentif sur son téléphone d’ici lundi, 15 h.

En bref

Price franchit une nouvelle étape

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Carey Price

Au cours des derniers jours, Carey Price a franchi une nouvelle étape dans sa rééducation en amorçant du travail spécialisé en compagnie de l’entraîneur des gardiens Éric Raymond. Selon ce que laisse entendre l’équipe, il s’agirait du dernier échelon à franchir avant qu’il ne prenne part à des entraînements complets, avec tout le groupe. Opéré à un genou en juillet dernier, Price n’a toujours pas joué cette saison ; après deux régressions dans son programme de retour au jeu, le voilà toutefois plus avancé que jamais. De quoi donner raison à son DG, qui affirmait jeudi garder espoir de le voir disputer au moins un match cette saison.

L’infirmerie occupée

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Paul Byron

Aucune précision n’a été fournie sur leur état de santé, mais Artturi Lehkonen, Paul Byron, Nick Suzuki et Brendan Gallagher ne se sont pas entraînés, vendredi, alors qu’ils étaient en « journée de traitements ». Gallagher a semblé ébranlé par un contact avec la bande, jeudi soir, contre les Stars de Dallas. Après avoir raté une partie de la deuxième période, il est revenu au jeu au troisième vingt. Autrement, Jonathan Drouin, blessé à un poignet, a participé à un autre entraînement complet, sans contrainte, mais il fait toujours l’objet d’une évaluation quotidienne. Il n’est pas encore prêt à jouer, a indiqué l’équipe. David Savard (cheville), Andrew Hammond (bas du corps), Josh Anderson (bas du corps) et Kale Clague (blessure non divulguée) ont tous patiné avec un thérapeute du sport.

Perreault encore dans le noir

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Mathieu Perreault

On ne connaît toujours pas le sort qui attend Mathieu Perreault. Ignoré au ballottage plus tôt cette semaine, le Québécois devait encore rencontrer la direction de l’équipe, vendredi. Trois scénarios se dessinent pour lui. Un renvoi chez le Rocket de Laval, dans la Ligue américaine. Un échange à une autre équipe, qui aurait elle aussi le loisir de le rétrograder à son club-école puisqu’il vient tout juste d’être soumis au ballottage ; on pourrait alors le garder en réserve jusqu’aux séries éliminatoires, puis le rappeler dans la LNH au moment où le plafond salarial n’existe plus. Ou encore une résiliation de son contrat, encore que cette option en ferait un joueur autonome, une situation plutôt inusitée, donc improbable, à ce stade de la saison. À suivre.