La distance à parcourir n’est pas grande pour qu’un joueur du Canadien rejoigne le Rocket de Laval. Se rendre du Centre Bell à la Place Bell ne nécessite qu’une trentaine de minutes en métro – ou six heures en voiture à l’heure de pointe, c’est selon.

À l’heure actuelle, ce sont pourtant deux mondes différents qui existent de part et d’autre du pont Viau.

Cayden Primeau l’a déjà constaté par le passé, mais jamais autant que ces jours-ci. À l’entraînement du Rocket, lundi matin, l’ambiance était à la bonne humeur, et le jeune homme ne s’est pas fait prier pour suivre la tendance.

Des exercices exécutés à haute intensité, des joueurs qui célèbrent un but comme si c’était le dernier de leur carrière, d’autres qui sifflent les arrêts spectaculaires. Le gardien qui se donne corps et âme et qui, surtout, sourit.

Une tonne de pression s’est retirée des épaules de Primeau lorsque le Tricolore a annoncé l’avoir cédé au Rocket, samedi. L’arrivée du vétéran Andrew Hammond, acquis du Wild du Minnesota, a (enfin) permis à la direction d’envoyer son gardien dans la Ligue américaine. Car dans la LNH, ça n’allait pas du tout.

L’Américain de 22 ans a terminé à peine quatre des matchs qu’il a amorcés. Parmi les 63 gardiens du circuit qui ont vu de l’action dans 10 rencontres ou plus, il arrive au dernier rang autant pour la moyenne de buts alloués (4,88) que pour le taux d’efficacité (,866). Ces derniers temps, ça semblait empirer à vue d’œil.

Aussi bien le dire crûment : depuis le début de la saison, Cayden Primeau a été le pire gardien de la LNH. Et il n’a pas cherché à cacher que ça ne tournait pas rond pour lui à Montréal.

« Je n’étais plus le même gardien qu’au début de la saison, a-t-il avoué, lundi, après la séance d’entraînement. Je suis emballé de revenir [à Laval]. J’ai appris beaucoup de choses avec le Canadien, je vais maintenant continuer à construire mon jeu ici. »

Le travail s’est en effet amorcé au jour 1 de son retour dans les mineures. Primeau a passé au moins 20 minutes seul à seul avec Marco Marciano, entraîneur des gardiens du Rocket. Les deux ont précisé des éléments techniques, mais ont aussi, et surtout, jasé.

« Je veux retrouver le niveau de jeu auquel je devrais être, et celui que je sais pouvoir atteindre », a encore dit Primeau.

Imprévu

Si tout s’était passé comme prévu, Primeau aurait probablement passé la saison entière dans la Ligue américaine.

Lorsqu’on a appris que Carey Price raterait le début du calendrier du Canadien, l’ex-DG Marc Bergevin a acquis Samuel Montembeault afin de seconder Jake Allen. Or, depuis son dernier rappel le 27 décembre, Primeau n’a plus été rétrogradé. Il a perdu ses six matchs… et a été contraint à un isolement forcé après avoir contracté la COVID-19.

Sur la glace, rien ne fonctionnait. Forcément, son état mental n’était pas au sommet lui non plus, résultat des mauvais buts qui se succédaient.

Pendant les matchs, tu n’es pas censé penser à autre chose que de jouer, mais j’ai commencé à tout suranalyser. Je me suis compliqué la vie. C’est pourquoi je veux simplifier les choses aujourd’hui.

Cayden Primeau

Même si être retiré d’un match fait partie de la vie d’un gardien, rentrer au banc après une ou deux périodes à répétition n’est « certainement pas idéal », a-t-il euphémisé.

Or, « ça vient avec la position ». « C’est pour ça que je voulais être gardien, pour être la dernière ligne de défense, celle qui brise ou sauve le match, a rappelé Primeau. L’une des choses les plus importantes est de ne pas aller trop haut quand ça va bien, ni trop bas quand ça va mal. »

C’est cet équilibre qu’il tentera de retrouver à Laval.

Par ailleurs, jamais il ne s’est senti abandonné en cours de route, assure-t-il. Sa famille et ses amis l’ont soutenu dans la tempête. En outre, chez le Canadien, « je pense qu’il n’y a pas une personne qui n’est pas venue me voir pour me parler et savoir comment j’allais ». « Tout le monde voulait m’aider, et j’en suis très reconnaissant. »

« Je ne veux pas tomber dans les clichés ou faire semblant que je suis content de ce qui est arrivé, mais je veux en tirer du positif et l’utiliser pour avancer. C’était dur de passer par là, mais ça va m’aider à long terme. »

« Pas inquiet »

Non seulement Primeau a été accueilli à bras ouverts par ses coéquipiers du Rocket, mais en plus, ceux-ci ont garanti que leur gardien avait tous les outils nécessaires pour rebondir.

« C’est le même Cayden qu’avant, a dit le défenseur Josh Brook. Il est très fort mentalement, il est constant, on sait toujours à quoi s’attendre de lui. C’est un gars incroyable et un excellent gardien. Je ne suis pas inquiet pour lui. »

« Il est arrivé avec la bonne attitude, a confirmé Xavier Ouellet, capitaine de l’équipe. Des fois, un changement de dynamique peut aider. Ça change vite, le hockey, on ne sait jamais ce qui va arriver. Il est bien entouré avec le groupe d’entraîneurs et de joueurs qu’on a. »

Le Rocket amorce cette semaine une séquence de 15 matchs en 25 jours. Si les gardiens du Tricolore restent en santé et que Primeau demeure dans les mineures, il aura la chance de se faire valoir dans un contexte gagnant, alors que le club-école du CH tente d’assurer sa place pour les séries éliminatoires.

« Il va tourner la page rapidement, a prédit l’entraîneur-chef Jean-François Houle. Ça fait partie de l’apprentissage d’un jeune gardien, je ne crois pas que ça va l’affecter à long terme. S’il veut jouer dans la LNH un jour, il va devoir passer par-dessus ça. »

Ce pas de recul ne lui fera tout de même pas de tort.