(Toronto) Une fois la dernière sirène entendue, lundi soir à Toronto, on a pu voir Marc Bergevin se diriger au pas de course vers le petit couloir, tout près du banc des visiteurs, et se lancer sur Carey Price avec amour.

Ce n’était pas le moment de calculer avec attention la distanciation physique, et pourquoi pas ? Le directeur général du Canadien, le même qui a accordé un immense contrat à Price, venait sans doute de comprendre que cette fois, c’est le gardien qui allait lui permettre de passer à la banque à son tour. Dans un avenir relativement rapproché, sans doute.

À l’autre bout, dans un autre coin de l’aréna, Jack Campbell, le gardien des Maple Leafs, affirmait que le but marqué par Brendan Gallagher était « le pire but » de toute sa vie.

Deux scènes différentes, et deux énormes contrastes. Ça explique, en partie du moins, cette immense surprise causée par le Canadien. Cette victoire de 3-1 dans le cadre de ce septième match présenté à Toronto, qui a aussi mené à l’élimination des Leafs en sept parties.

Ce n’est pas les joueurs universitaires américains de 1980 face aux Soviétiques à Lake Placid ou Buster Douglas contre Mike Tyson, mais dans le rayon des surprises sportives, oui, ç’en est une bonne. Après tout, les Leafs ont conclu la saison avec 18 points de plus que le Canadien…

« Ce fut une victoire difficile à obtenir… c’est toute une équipe de hockey qu’ils ont de l’autre côté, a expliqué Brendan Gallagher. Je pense qu’on vient de trouver de quoi on est faits. Maintenant, on s’en va à Winnipeg pour essayer de refaire la même chose… »

PHOTO NATHAN DENETTE, LA PRESSE CANADIENNE

Brendan Gallagher (11) a marqué le premier but du Canadien, lundi soir.

Winnipeg viendra bien assez vite, mais en attendant, revenons un peu sur ce petit miracle. Car il y avait sous nos yeux deux philosophies : le club offensif à outrance face au club bâti par l’arrière.

Dans le hockey moderne, neuf fois sur dix, ce sera le club offensif qui va gagner. Mais pas cette fois, et à ce chapitre, on a fini par voir une énorme différence devant le filet. Jack Campbell a bien tout donné, mais quand ça s’est mis à chauffer dans ce septième match, on a bien vu qu’il y avait un solide écart entre lui et Carey Price, qui vient de disputer les meilleurs matchs de sa carrière en séries, à égalité avec ceux du printemps 2014.

C’est probablement un bon moment pour rappeler que la perte de John Tavares aura été énorme, mais surtout, que Mitch Marner et Auston Matthews, les deux meilleurs compteurs des Leafs cette saison, ont fini cette série avec un total d’un seul but.

PHOTO NATHAN DENETTE, LA PRESSE CANADIENNE

Auston Matthews (34), Mitchell Marner (16) et Jack Campbell (36)

Marner, en particulier, a joué avec une nervosité qui était perceptible même depuis les hauteurs de l’aréna Scotiabank. On gagne avec les meilleurs, dit-on ? Eh bien, on peut aussi couler avec les meilleurs. Rappelons qu’en saison, ces deux-là avaient réussi un total de 61 buts… On a rarement vu un duo disparaître aussi rapidement depuis Milli Vanilli.

À ce sujet, le trio de Phillip Danault y est sans doute pour quelque chose, et on a vu Matthews et le joueur québécois en grande conversation au terme de la soirée.

« J’ai vu de par son langage corporel qu’il en avait eu assez, a répondu Danault à la caméra, en mangeant une pizza de la victoire. On se respecte, c’est l’un des joueurs les plus difficiles à affronter… »

Et avec tout ça, qui avait pu prédire ceci ? Bien peu de gens, si on veut être honnête. Ce qui est certain, c’est que quand Carey Price a l’air de ça, quand il retrouve de ses airs de 2014 ou 2015, le Canadien est soudainement une autre équipe.

Les Leafs en savent quelque chose.

En hausse

Carey Price

Il a été impérial dans le match numéro sept et dans la plupart des matchs de cette série aussi.

En baisse

Tyler Toffoli

On va oublier son but dans un filet désert parce qu’il avait raté quelques occasions en or et connu une soirée très difficile dans l’ensemble.

Le chiffre

1967

Ça ne pouvait pas être autre chose : c’est l’année de la dernière conquête de la Coupe Stanley par les Leafs. Ça ne changera pas encore cette année…

Ils ont dit

Phillip Danault

« L’idée contre Auston Matthews, c’était de toujours rester dans ses culottes, de jouer avec lui mentalement ; plus que ça avançait et plus ça fonctionnait, mais on a fait ça en équipe aussi, j’étais pas tout seul. On a su saisir le rythme et ça les a découragés aussi. »

Brendan Gallagher

« On était dans le vestiaire après le match cinq, toute l’équipe, et on s’est dit qu’on allait gagner… On savait qu’on allait les avoir. C’est presque plus facile d’être sur la route pour des matchs comme celui-ci… il fallait juste trouver une façon de faire un jeu de plus qu’eux. Et Carey, il est le meilleur que j’ai jamais vu… »

Carey Price

« C’est le meilleur match qu’on a joué cette saison… »

Dominique Ducharme

« Plus le match avançait et plus on était quand même en contrôle… On sentait, en marquant le premier, on a vu que leurs épaules ont tombé un petit peu. Ensuite Carey a été solide. Il a été excellent. On a disputé le cinquième match et le sixième de la même manière : le dos au mur. On s’est préparés de la même manière et les gars étaient prêts. »

Dans le détail

Muzzin sur la touche

Ce septième match n’était même pas encore amorcé que déjà, les Maple Leafs devaient composer avec une bien mauvaise nouvelle : le défenseur Jake Muzzin, qui avait dû abdiquer lors de la deuxième période du sixième match de la série, samedi à Montréal, n’allait pas pouvoir être là, ni pour les trois prochaines semaines si jamais les Leafs devaient survivre (ça n’arrivera pas). À cela s’ajoute bien sûr une autre absence de taille, celle du capitaine John Tavares, blessé à la tête (commotion cérébrale) et à un genou lors de l’ouverture de cette série. Tavares avait bel et bien patiné lundi en matinée, mais il n’était pas encore tout à fait prêt à effectuer un retour. « On sait tous à quel point John travaille fort pour revenir au jeu, à quel point ça lui tient à cœur. En gagnant [lundi soir], on pourrait lui donner la chance de revenir au jeu », avait expliqué l’attaquant Jason Spezza plus tôt dans la journée. Ça non plus, ça n’arrivera pas.

Un beau geste de la part des Leafs

Environ 550 travailleurs et travailleuses de la santé ont été invités au gros match de lundi soir. En arrivant à l’intérieur de l’aréna Scotiabank, ces braves messieurs et dames ont reçu un maillot bleu des Maple Leafs, en plus de recevoir de la pizza. Il s’agit d’un beau geste de la part des Leafs, qui a mené aussi à quelques belles séances de danse dans les gradins pendant les pauses… Malheureusement pour ces fans du club local, les Leafs n’ont pas été en mesure de faire ce qu’ils n’ont pas été capables de faire une seule fois depuis 2004 : gagner une série et passer au deuxième tour. Heureusement, les fans torontois ont eu plusieurs occasions de se faire aller au son des plus grands succès des Tragically Hip, un groupe qui atteint encore des sommets légendaires par ici.

Des défenseurs encore surchargés… mais moins

Samedi soir, lors du sixième match, Dominique Ducharme a pratiquement passé la soirée à faire jouer seulement ses quatre premiers défenseurs, Shea Weber, Ben Chiarot, Jeff Petry et Joel Edmundson. Ce fut encore un peu comme ça pour le match de lundi soir, mais en moins prononcé. Ainsi, Erik Gustafsson et Brett Kulak, les deux derniers défenseurs dans l’organigramme, auront passé 10 : 20 et 12 : 53 sur la glace, respectivement, ce qui est à peu près le double de leur temps de jeu de samedi soir. Cette fois-ci, c’est Ben Chiarot qui a été le joueur le plus occupé chez le Canadien, avec 27 : 58 de temps de jeu.