En avril 2020, Florence Schelling était nommée directrice générale du CP Berne en première division suisse. Elle devenait ainsi la première femme à occuper ce poste dans une équipe professionnelle masculine.

Un peu moins de deux ans plus tard, un important tournoi de hockey féminin est annulé. Un autre petit caillou dans le soulier du hockey féminin qui l’empêche d’avancer au rythme espéré.

« J’étais déçue pour les filles, pour les entraîneurs et pour tous les membres des différentes équipes », a commenté Schelling par téléphone de sa Suisse natale, quelques jours après l’envoi d’une série de gazouillis invectivant la Fédération internationale de hockey sur glace (FIHG).

La Fédération a annulé, le 24 décembre, plusieurs tournois qui devaient avoir lieu en janvier, dont le Championnat mondial féminin des moins de 18 ans. Rappelons que le tournoi n’avait pas eu lieu non plus l’année dernière.

Plusieurs personnalités du monde du hockey ont fait savoir leur mécontentement, notamment en raison de l’iniquité qu’ils percevaient dans la situation. Après tout, le Championnat mondial de hockey junior masculin était toujours prévu au calendrier au moment où était annulé le tournoi féminin.

Néanmoins, ce n’est pas ce qui a le plus indigné l’ancienne gardienne. Dans sa première déclaration, la FIHG n’a jamais évoqué ou proposé le report de l’évènement, et c’est ce qui a davantage dérangé Schelling. Elle se demande pourquoi la Fédération n’a pas préféré le reporter plutôt que d’agir dans l’urgence et annuler le tournoi de manière définitive.

« J’ai déjà travaillé pour la Fédération. Je la connais et je sais que c’est le tournoi masculin U20 qui remplit les coffres. Tout le monde comprend l’importance de ce tournoi, mais il n’y a aucune raison pour la Fédération de ne pas redistribuer l’argent parmi tous les autres tournois pour qu’ils aient tous lieu, aujourd’hui ou à une date ultérieure », a-t-elle indiqué.

La réponse de Luc Tardif

Le président de la FIHG, Luc Tardif, a tenu un point presse mercredi soir à la suite de l’annonce de l’annulation du tournoi junior masculin. Le Québécois d’origine, en fonction depuis septembre, a expliqué brièvement la décision de la Fédération concernant le tournoi féminin et a dit faire son possible, tout en demandant l’indulgence des partisans.

Mardi, la FIHG avait publié un communiqué indiquant que le tournoi n’avait pas été annulé sur la base du sexe, mais plutôt en raison de la COVID-19 et de la réalité économique qui en découle.

Lors de son point de presse, Tardif a prôné la patience, la patience… et la patience : « On a dû annuler le tournoi et je pense que c’était la bonne décision à prendre. On travaille fort pour trouver une manière de refaire jouer les filles et pour revenir avec une proposition concernant les six tournois qu’on a annulés, probablement en juin. On a déjà prévu des rencontres avec les organisateurs. On va se laisser un mois pour se préparer et voir ce qu’il en est. »

Un tournoi nécessaire

Florence Schelling a eu une grande carrière avec l’équipe nationale suisse. Elle a participé quatre fois aux Jeux olympiques et a pris part à 11 Championnats du monde, en plus d’avoir eu un brillant parcours à l’Université Northeastern. Elle comprend donc très bien les conséquences que peut avoir l’annulation du Championnat mondial féminin des moins de 18 ans sur l’avenir des joueuses. D’autant que la catégorie U20 n’existe pas chez les filles.

D’après Schelling, c’est l’avenir des joueuses qui est en jeu. Ce tournoi est une occasion en or pour les Européennes, notamment, de se faire voir par les universités, de décrocher des bourses et de convaincre leur programme national.

À ses yeux, la situation est d’autant plus regrettable pour ces joueuses d’âge junior que le tournoi est annulé pour la deuxième année d’affilée. Schelling a l’impression que le hockey féminin est délaissé. Discours qu’elle n’aurait pas pensé tenir en avril 2020 lorsqu’elle a marqué l’histoire.

Malheureusement, c’est comme ça. Le hockey n’est pas toujours aussi progressiste et égalitaire qu’on pourrait le croire.

Florence Schelling

Il y a du progrès, certes, mais il suffit d’une seule mauvaise décision pour donner l’impression d’un retour en arrière.

De là l’importance de se soulever et de s’indigner, soutient la médaillée olympique. Elle ajoute que le progrès viendra par la prise de parole. Il faut parler des inégalités, soutient-elle, et c’est ce qui l’a convaincue d’écrire une enfilade de tweets, en réaction aux décisions de la Fédération.

« C’est en engageant des discussions et un dialogue autour de certaines situations injustes qui nous concernent que nous allons parvenir à avancer. Nous ne réussirons jamais s’ils annulent le tournoi et que nous, on ne dit rien. »

L’incompréhension de Florence Schelling s’est transformée en déception avant de laisser place à l’indignation au cours des derniers jours. L’ancienne gardienne n’est pas seule dans son camp et elle espère que d’autres prendront aussi la parole. Elle veut changer les choses pour de bon et retirer tous les petits cailloux qui se retrouvent dans les souliers du hockey féminin, pour être certaine de ne jamais revenir en arrière.