On se transporte à l’hiver 2021, cette douce époque où un couvre-feu régissait nos soirées. C’était aussi l’entrée en matière de Dominique Ducharme comme entraîneur-chef du Canadien.

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On a tendance à l’oublier, pour la simple et bonne raison que la saison du Tricolore s’est finie en juillet, à trois victoires de la Coupe Stanley. Mais cette entrée en matière avait été tout sauf paisible.

Après 13 matchs en 2021-2022, nous y revoici. Avec une défaite de 5-2 aux mains des Golden Knights de Vegas, le Tricolore affiche un rendement de 3-10-0. La catastrophe dans une ligue où il est convenu qu’une équipe exclue du portrait des séries à l’Action de grâce américaine est dans le pétrin. Ça arrive dans exactement 19 jours, et il faut comprendre qu’avec un tel dossier, le CH sera encore en mode rattrapage quand Joe Biden graciera une dinde.

« On est passés à travers ça l’an dernier quand Dom est arrivé, mais ça a fini par fonctionner pour nous. On sait comment on peut jouer, je crois en nos gars pour qu’on s’en sorte », a rappelé Nick Suzuki.

On peut comprendre Suzuki d’y croire. Comme nous, il voit ces moments de brillance où cette ressemble à celle du printemps dernier. Comme cette première période où les Montréalais ont pilonné les visiteurs, les dominant 20-1 aux tirs au but. Ces moments comme le match de mardi, une victoire de 3-0 contre le Detroit, un triomphe qui aurait pu être à sens unique n’eut été le gardien Alex Nedeljkovic.

Et l’an passé, Suzuki y était pour la transition entre Claude Julien et Ducharme. Nommé entraîneur-chef le 24 février, Ducharme avait dû attendre au 30 mars avant de voir son équipe aligner deux victoires de suite. Avant la formidable lancée des séries, le CH avait connu une seule autre série victorieuse. La fiche de l’équipe sous Ducharme en fin de saison : 15-16-7.

Sur deux saisons, ça donne donc un rendement de 18-26-7, soit 18 victoires en 51 matchs.

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David Savard, Jake Allen et Jonathan Marchessault

Sauf qu’entre ces résultats, il y a les séries, une fiche de 13-9, une série de sept victoires de suite pour permettre à Montréal d’éliminer les Maple Leafs et les Jets. Il y a aussi eu des progrès tangibles dans certains aspects très spécifiques du jeu, par exemple le jeu à 3 contre 3 en prolongation. Le Canadien a perdu les cinq premiers bris d’égalité sous Ducharme, qui devait chaque fois expliquer sa stratégie. L’équipe a fini par en gagner quatre d’affilée.

C’est bien la preuve qu’à force de patience, les résultats peuvent finir par se matérialiser. C’est de croire au bon sacro-saint « processus », la valeur-refuge des coachs qui voient leur équipe enchaîner les défaites.

« Notre soutien et jeu en zone défensive s’est vraiment amélioré, a relevé le gardien Jake Allen. Le centre joue bas, on utilise davantage le milieu de la patinoire. Nos sorties de zone sont 10 fois meilleures qu’il y a quelques semaines. »

« C’est important d’être forts mentalement, de croire au processus et non pas aux résultats, a ajouté Brendan Gallagher. Il faut travailler et le mériter. Ça ne sera pas facile. Personne ne va se sentir mal pour nous, les adversaires vont essayer de nous garder dans notre trou. Il faut penser à court terme. On en est capables. »

Une côte à remonter

Le problème, c’est que le Tricolore de l’an dernier comptait sur un joli coussin au classement, résultat d’un début de saison du tonnerre.

Cette année, c’est l’inverse. Le CH vit déjà à crédit. Pour amasser les 95 points qui assurent généralement une place en séries, il doit maintenant jouer pour ,645 dans les 69 derniers matchs. C’est le taux de succès, bon an mal an, des cinq ou six meilleures équipes de la LNH. Le Canadien, avec ses blessés, ses pertes de la saison morte et sa ligne de centre louche, fait-il partie de cette élite de la LNH ? Poser la question, c’est y répondre.

Et le processus s’améliore-t-il à ce point ? Ducharme jure que oui. Après avoir défendu son équipe après la défaite de 6-2 jeudi, il s’est dit encouragé par ce qu’il a vu samedi. Et malgré le pointage peu flatteur, c’était effectivement un match d’un but jusqu’à ce que les Knights en inscrivent deux dans un filet désert.

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Brendan Gallgaher et Tyler Toffoli célèbrent après le but de ce dernier.

« À 23-7 aux chances de marquer, je prendrais ça tous les soirs, a assuré Ducharme. Neuf fois sur 10, la victoire va venir de notre côté. Je pense qu’on méritait mieux. »

Malgré les signes encourageants qu’ils voient, il y a aussi des indices de fragilité. Une pénalité signifie un danger imminent ; on l’a constaté deux fois plutôt qu’une samedi. Parmi les pistes de solution ? « On ne haït pas d’où les lancers sont venus. Il faut juste réussir à en bloquer plus, et avoir un arrêt ou deux de plus. » Ces arrêts « de plus » devraient théoriquement être plus fréquents avec Carey Price devant le filet. Mais il est encore à quelques semaines d’un retour.

« À 3-10, c’est complètement différent. Si on était proches de ,500, ça changerait tout. Mais c’est dur à accepter, on voit toutes les équipes devant nous et on sait qu’on a une bonne équipe, a admis Allen. C’est dur à accepter, mais il faut finir notre séjour à la maison du bon pied. Il faut se ressourcer demain et arriver lundi avec la bonne attitude. Mais ça prend du courage pour y parvenir, pour arriver avec la bonne attitude, car c’est facile de sombrer de l’autre côté. »

Dans le détail

« Horrible » première période

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Robin Lehner

Ce ne sera une surprise pour personne, mais dans le camp des Golden Knights, l’analyse de la première période n’a pas été la même que chez les partisans du Canadien. Après 20 minutes de jeu, le CH avait décoché 33 tirs, dont 20 ont atteint la cible. Les Knights ont répliqué avec un maigre tir cadré sur cinq tentatives. Les Chevaliers commencent à avoir l’habitude des amorces chancelantes. Au cours de leurs quatre matchs précédents, ils avaient concédé 15, 8, 13 et 16 tirs au premier vingt. Or, cette fois, c’était pire que tout. Le gardien Robin Lehner a parlé d’un départ « inacceptable ». L’entraîneur-chef Peter DeBoer a, quant à lui, utilisé le mot « horrible », ajoutant que le CH aurait facilement pu prendre les devants par quatre ou cinq buts et placer le match hors de portée. Apparemment, on a utilisé des mots qui sonnent pendant le premier entracte, et les choses se sont replacées après que les visiteurs eurent écoulé une pénalité très tôt au deuxième engagement. DeBoer a attribué la remontée subséquente au « caractère » de ses hommes.

Déblocage à cinq contre quatre

Les Knights sont débarqués à Montréal au cœur d’une surprenante disette : au cours de leurs 10 premiers matchs de la saison, ils n’avaient inscrit aucun but en avantage numérique, et ce, malgré 19 occasions d’y arriver. Quoi de mieux qu’une visite à Montréal (voir la capsule suivante) pour y remédier ? Les deux seules punitions dont a écopé le Canadien, en excluant les mineures doubles, ont donné autant de but à ses adversaires dorés. Souriant, Peter DeBoer a ironisé sur le fait que cela « signifiait davantage » pour les journalistes que pour lui. Le défenseur Alex Pietrangelo, qui a amassé deux points dans cette phase de jeu, a toutefois confirmé que son équipe récoltait enfin les fruits de ses efforts et a souhaité que cette performance propulse son équipe pour la suite. L’avantage numérique des Knights, juge-t-il, « n’est pas assez bon pour le talent qu’on a dans ce vestiaire ».

De mal en pis à quatre contre cinq

Bien sûr, il y a des circonstances atténuantes. Le tir de Pietrangelo a dévié sur Jeff Petry. Et celui de Dylan Coghlan s’est faufilé derrière Jake Allen alors que Keegan Kolesar obstruait complètement la vue du gardien. « On n’haït pas d’où les lancers sont venus », a tempéré Dominique Ducharme, estimant que ses spécialistes du désavantage numérique méritaient mieux. Va pour ça. Il demeure tout de même qu’à court d’un homme, la situation du CH ne va pas en s’améliorant, tout au contraire. Après la rencontre de samedi, l’équipe croupit au 30e rang du circuit avec un taux de réussite épouvantable de 66 %. Exprimé autrement : chaque fois que le Tricolore écope de trois punitions, il accorde un but. Ducharme a insisté sur le fait que, structurellement, son unité n’était pas totalement dysfonctionnelle. Or, « en ce moment, dans les situations à 50-50, la rondelle ne touche pas l’extérieur du poteau, elle touche à l’intérieur et entre dans le but ». Aussi bien dire, rendu là, que la « puck ne roule pas » pour son équipe, ce qui n’est pas faux, remarquez. Mais ça n’explique pas un rendement aussi faible sur

Ils ont dit

En deuxième période, avant la punition [à Ben Chiarot], on était en contrôle. Ils ont profité de leurs chances. Je pense qu’on méritait mieux.

Dominique Ducharme

Il faut trouver une façon de marquer le prochain but. On a travaillé plus fort que tout le monde sauf leur gardien. Je me mets dans cette catégorie : on a une chance de marquer, il faut en profiter.

Brendan Gallagher

C’est dur de dire de garder le moral ces temps-ci. Si on regarde nos trois derniers matchs, on voit vraiment que ça va dans la bonne direction. Il faut trouver une façon de gagner. Il faut puiser dans nos réserves et trouver des façons. […] Il faut gagner. On peut bien parler tant qu’on veut, il faut passer à l’action.

Jake Allen

Personne n’aime perdre et ça nous arrive trop souvent. On essaie de notre mieux. L’atmosphère est différente par rapport à quand ça va bien. Il y a des moments où ce n’est pas la joie dans le vestiaire. Ça n’aide pas d’être pris dans un trou. On essaie de rester positifs.

Nick Suzuki

La manière dont on a commencé le match [prouve] qu’on était concentrés sur aujourd’hui, pas sur ce qui s’est passé au cours du dernier mois ou sur ce qui s’en vient dans les cinq prochains mois. Ce qu’on contrôle, c’est le moment présent. Et on va continuer de faire la même chose. On va pratiquer lundi et se préparer pour [le match de] mardi, et s’assurer qu’on a un bon départ et encore un meilleur match.

Dominique Ducharme

On a combattu l’adversité et on s’est accrochés pour rester compétitifs. Chaque point [au classement] compte, on ne peut pas se sortir de la course aussi tôt, c’est trop dur de revenir. On doit trouver une manière de rester dans le coup et tout le monde doit y contribuer. Cette victoire nous donne l’occasion d’identifier ce qu’il faut faire pour la suite.

Robin Lehner sur le défi de gagner sans les nombreux attaquants blessés

Lehner est un gardien incroyable, on vient d’en avoir un autre exemple. Mais on ne peut pas le laisser faire tout le travail chaque soir.

Alex Pietrangelo

En hausse 

Joel Armia

Il a annoncé ses couleurs dès le départ en subtilisant une rondelle après l’autre aux Golden Knights. Cela dit, comme pour son équipe, les résultats concrets se font attendre.

En baisse

Cédric Paquette

À son retour au jeu, il s’est rendu coupable d’une pénalité en zone offensive qui a permis à Vegas d’inscrire ce qui s’est avéré le but gagnant.

Le chiffre du match

10

Christian Dvorak a été sur la patinoire pour 10 buts des adversaires dans les 2 derniers matchs. Samedi, il y en a eu 2 en désavantage numérique et 2 dans un filet désert, donc il y a des circonstances atténuantes. Mais ça fait plusieurs présences où il revient en beau fusil au banc…