(Buffalo) Il y a de ces phrases qu’un entraîneur prononce qui semblent tirées tout droit d’un discours aux joueurs. Il suffit de fermer les yeux et de l’imaginer, au milieu du vestiaire, savonner ses troupes comme Jacques Mercier savait si bien le faire.

On a eu droit à un de ces moments, jeudi, après la gênante défaite de 5-1 du Canadien contre les Sabres. Peut-être était-ce la promiscuité dans l’intime vestiaire des Bandits de Buffalo, qui servait de salle de conférence improvisée. Mais il y avait quelque chose dans la façon dont Ducharme livrait ses réponses qui laissait croire que sa colère était bien réelle. Lui, l’homme toujours maître de ses émotions.

« Ça fait trois mois qu’ils se font dire qu’ils sont bons, qu’ils sont beaux, qu’ils sont extraordinaires, a lancé Dominique Ducharme. À un moment donné, c’est comme quand tu dis à ton jeune de ne pas mettre la main sur le poêle. Il faut qu’il l’essaye, il la met. Je pense qu’ils l’ont ressenti. »

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On ne sait pas de qui ils ont reçu ces compliments, mais si les joueurs se perçoivent réellement comme une équipe du calibre des finalistes de la Coupe Stanley, il y a un sérieux problème.

Pourtant, c’est Cole Caufield qui a répondu, dans une entrevue avec notre confrère de Sportsnet Eric Engels, que « personne ne croit en [eux] ». Et que c’est précisément ce désir de confondre les sceptiques qui lui fait croire que cette équipe pouvait se rendre loin cette année.

Or, les joueurs en blanc sur la patinoire, jeudi, avaient l’air bien au-dessus de leurs affaires, face à une équipe si mauvaise sur papier qu’il n’y avait que 8467 spectateurs – un nombre assurément plus bas en réalité – pour assister à son match d’ouverture…

PHOTO TIMOTHY T. LUDWIG, USA TODAY SPORTS

Anders Bjork (96) célèbre avec ses coéquipiers son but marqué en deuxième période.

« Ce soir, nous n’étions pas une équipe difficile à affronter. Ç’a été un match facile pour les Sabres », a murmuré un Brendan Gallagher abattu, quelques minutes avant l’arrivée de Ducharme.

Manque de leadership ou de défense ?

À vue de nez, ce que dénonce Ducharme peut être perçu comme un problème de leadership.

Au hockey, le capitaine est la courroie de transmission entre un coach et ses joueurs. En l’absence de Shea Weber, mais aussi de Carey Price et de Paul Byron, sans oublier Corey Perry, les courroies de transmission sont plus rares.

C’est d’ailleurs pourquoi, lors de son entrevue avec La Presse en septembre, Ducharme avait mentionné Joel Edmundson (lui aussi absent en ce moment), Ben Chiarot, mais aussi Josh Anderson, le jeune Nick Suzuki et même le nouveau venu Mathieu Perreault parmi les joueurs aptes à exercer du leadership. Or, on peut se demander qui joue assez bien, jusqu’ici, pour se sentir suffisamment à l’aise pour se lever.

Alors, manque-t-il de meneurs ? « Non, a statué Ducharme. Des fois, il faut juste que tu te mettes la main sur le poêle. On en a parlé, ils en sont conscients. C’est la nature humaine. Des fois, il faut que tu l’aies, la taloche derrière la tête, pour te réveiller. »

Et s’il s’agissait d’un problème de défense, tout simplement ? Même en santé, l’unité défensive est affaiblie par la perte de Weber. Sans Edmundson, le portrait est encore pire. Idem au centre, où le départ de Phillip Danault fait aussi mal. Il est anormal que l’avantage numérique des Sabres, pas exactement composé de Fedorov, Larionov et Fetisov, parvienne à enfoncer trois buts.

Sans Danault, Byron, Weber, Edmundson et Price, le CH est privé de ses meilleurs éléments en infériorité numérique. Et pour le moment, les remplaçants ne sont pas à la hauteur. Certains d’entre eux, comme Romanov et Jake Evans, pourraient l’être un jour. Mais ils n’y sont pas encore.

On peut bien dire qu’il est tôt, que la saison n’est vieille que de deux matchs. Mais il suffit de reculer à 2017 pour réaliser que parfois, le début de saison donne l’heure juste, tout simplement. Cette année-là, avec une défense que Marc Bergevin avait qualifiée de « meilleure que l’an dernier », le Canadien s’était fait massacrer 6-2 à Washington à son deuxième duel de la saison.

Le CH venait notamment de perdre les services d’Andrei Markov, Alexei Emelin et Alexander Radulov, et Weber jouait déjà blessé, résultat d’un tir bloqué dès le premier match. Sept matchs plus tard, l’équipe montrait une fiche de 1-6-2. Les carottes étaient cuites.

Si le CH veut éviter le scénario cauchemardesque de 2017-2018, il devra corriger le tir. Ça commence samedi, au Centre Bell, contre les Rangers.

En hausse : Brendan Gallagher

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Vinnie Hinostroza (29) et Brendan Gallagher (11)

Pas facile d’en choisir un. Mais après le premier but des Sabres, son énergie a permis à son équipe d’enfin passer du temps en zone offensive.

En baisse : Cédric Paquette

PHOTO TIMOTHY T. LUDWIG, USA TODAY SPORTS

Rasmus Asplund (74) et Cédric Paquette (13)

Il y a surabondance de candidats ici. Mais après deux matchs, il n’a gagné que 2 de ses 13 mises au jeu et sa pénalité en première période a permis aux Sabres d’ouvrir la marque. Est-il encore incommodé par sa blessure du camp ?

Le chiffre du match 

3

C’est le nombre de pénalités de Ben Chiarot après deux matchs.

Dans le détail

Deux fois la même histoire

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Cole Caufield

Pour le deuxième match de suite, le Canadien avait la chance de revenir dans un match grâce à un avantage numérique à cinq contre trois. Et pour le deuxième match de suite, l’équipe a fait patate. Remarquez que la supériorité numérique de deux hommes n’a duré que 26 secondes, mais les Montréalais ont été incapables de faire autre chose que de se passer la rondelle en suivant le rectangle de la pointe jusqu’au bas des cercles de mises au jeu, sans rien tenter au milieu. Une fois à cinq contre quatre, Cole Caufield a eu droit à un bon tir grâce à une jolie passe transversale de Jonathan Drouin, mais ce fut l’unique vraie menace du CH en 7 min 34 s d’attaque à cinq. On ne pensait jamais écrire ça, mais c’est à croire que Mike Hoffman, spécialiste de l’avantage numérique, sera attendu en sauveur quand il sera remis de sa blessure…

Okposo l’a encore !

PHOTO TIMOTHY T. LUDWIG, USA TODAY SPORTS

Kyle Okposo (21) célèbre son but marqué en première période.

On ne déclarera pas la renaissance offensive de Kyle Okposo après un match, mais force est d’admettre que le doyen de l’attaque des Sabres était prêt pour le début de la saison. Son bilan dans la seule première période : un but, un tir sur le poteau qui ressemblait drôlement à un but du haut de la passerelle, et une magistrale feinte à Joel Armia en zone neutre. Okposo en a remis en deuxième période, cette fois en sortant David Savard de ses culottes. Okposo, qui a été naguère un marqueur de 25 buts assez régulier, a perdu en productivité ces dernières années et n’a amassé que 2 buts et 11 passes en 35 matchs la saison dernière. Il demeure toutefois un employé apprécié de ses entraîneurs, comme en fait foi le « A » qui est cousu sur son chandail. Il amorce la saison au sein du seul trio d’expérience des Sabres, avec Cody Eakin et Zemgus Girgensons. Cela dit, son empreinte de 6 millions de dollars sous le plafond salarial demeure très lourde.

Les moments de Cozens

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Dylan Cozens (24)

On disait qu’Okposo était le doyen de l’attaque. À l’autre bout du spectre, Dylan Cozens est le plus jeune des Sabres, à 20 ans. On sent les Sabres prudents, puisqu’ils ont placé leur choix de premier tour en 2019 avec des joueurs de soutien, soit Anders Bjork et Drake Caggiula, de même qu’au sein de la deuxième vague de l’avantage numérique. On voit toutefois des flashs de son immense talent, par exemple en deuxième période, lorsqu’il a rattrapé Josh Anderson en zone neutre pour lui enlever la rondelle et réorganiser l’attaque des siens. Quelques secondes plus tard, Victor Olofsson, mais Cozens n’a pas obtenu d’aide sur le jeu. Le jeune homme du Yukon a aussi provoqué une pénalité imposée à Jonathan Drouin pendant cette même période médiane. Reste à voir ce qu’il obtiendra comme responsabilités. Casey Mittelstadt, qui joue au centre comme Cozens, a quitté le match en deuxième période, blessé au haut du corps.

Ils ont dit

On ne l’a pas aidé beaucoup, surtout avec le nombre de punitions. C’est difficile à juger.

Dominique Ducharme, à propos du gardien Samuel Montembeault

On leur a facilité le travail. Ils ont travaillé fort, on n’a pas travaillé aussi fort qu’eux, on ne leur a pas répondu, on leur a donné un match facile.

Jeff Petry

Nous devons simplifier notre jeu. Nous devons d’abord réussir nos entrées de zone et nous installer, faire circuler la rondelle, obtenir des tirs et le jeu va s’ouvrir. Le cinq contre trois, on a eu peu de temps pour en parler avant Toronto. On en a parlé aujourd’hui. Il faut lire leur façon de jouer et découvrir leurs faiblesses. Nous ne l’avons pas assez bien reconnu dans nos deux matchs jusqu’ici.

Petry, au sujet de l’avantage numérique

Ce n’était pas le résultat que je voulais. J’ai eu l’impression que je faisais beaucoup de bonnes choses en deuxième période, j’ai fait de bons arrêts et à la fin, deux mauvais bonds sont rentrés et là, j’avais accordé quatre buts. On va faire de la vidéo avec Éric [Raymond, entraîneur des gardiens]. On a une longue séquence à la maison, il va y avoir de bons entraînements et on va s’améliorer pour le prochain match.

Samuel Montembeault