Les images de Marc Bergevin et John Sedgwick qui regardent la reprise du troisième but des Maple Leafs, dans la loge du Canadien, ont tourné en boucle.

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Ce qu’on a moins vu, cependant, c’est le nombre de fois que cette reprise a roulé au banc du Canadien. À l’écran qui est sous le banc, dans le dos des joueurs, Dominique Ducharme a dû revoir 75 fois le but. Les joueurs aussi ; Tyler Toffoli, assis devant l’écran, se retournait continuellement pour voir si Joe Thornton avait bel et bien fait de l’obstruction sur Carey Price. Même la tablette à la disposition des joueurs a permis à Paul Byron et Corey Perry de visionner la séquence.

Après de longues minutes, les arbitres ont déterminé qu’il n’y en avait pas, de l’obstruction. C’était donc 3-1 Maple Leafs, avec 26 minutes à jouer au match, et le Canadien se retrouvait en désavantage numérique pour cette contestation rejetée.

Le match était tout sauf terminé. Auston Matthews a certes livré une très, très grande performance, il ne pouvait pas jouer 60 minutes ! Derrière lui, au centre, c’était louche sans John Tavares. Le gardien des Leafs, Jack Campbell, a une très belle histoire, mais il n’a pas encore atteint le niveau de domination d’Andrei Vasilevskiy, disons.

Mais 26 minutes plus tard, la sirène se faisait entendre. 5-1 Maple Leafs, 1-1 dans la série.

L’analyse de Dominique Ducharme : « On a joué une première période très solide. Le momentum a changé en deuxième, ce n’est pas nous qui l’avons changé, ce ne sont pas les Leafs non plus. »

Oh. Voilà une belle façon de critiquer les arbitres sans se mettre dans l’embarras. Pour la créativité, c’est réussi !

Des émotions à gérer

C’est Brendan Gallagher, la semaine dernière, qui disait avoir appris de Daniel Brière, en 2013-2014, comment gérer ses émotions. « Il contrôlait mieux ses émotions que quiconque sur la patinoire », notait le petit numéro 11.

Brière avait du métier. Il avait participé à une finale de la Coupe Stanley avec les Flyers en 2010, à trois finales d’association de suite avant ça avec les Sabres et les Flyers. « À ma première année en séries avec les Flyers, en 2008, on jouait contre le Canadien et les gens à Montréal me détestaient, nous expliquait Brière, rejoint plus tôt cette semaine. J’ai connu la bataille de la Pennsylvanie, entre deux équipes qui se détestent presque autant que Montréal et Boston. C’était un bon test pour contrôler les émotions. »

Aucun doute, son expérience était précieuse. Mais qu’a fait Marc Bergevin depuis l’automne dernier ? Il a rempli son club de gars d’expérience. Vous savez patiner, vous possédez une bague de la Coupe Stanley et votre contrat expirait en 2020 ? Il y a de bonnes chances que vous soyez actuellement dans le vestiaire du Canadien.

De Perry à Toffoli, en passant par Joel Edmundson et Eric Staal, il y a six gagnants de la Coupe Stanley dans cette équipe, en plus de Price et Shea Weber, multiples champions à l’international.

C’est là que l’on comprend mal que cette équipe se soit laissée atteindre par la frustration, une frustration symbolisée par la pénalité dont a écopé Weber en troisième période, avec un pointage encore de 3-1. Le capitaine du Canadien a ainsi écopé d’une des trois pénalités de son équipe pour double-échec, un indice manifeste de frustration.

La contestation rejetée du troisième but des Leafs a sans doute été damnante pour les Montréalais. Idem pour le premier but des vainqueurs, marqué après que l’arbitre Eric Furlatt eut intercepté bien malgré lui un dégagement d’Artturi Lehkonen.

Mais l’avantage premier de l’expérience n’est-il pas de justement contrôler les émotions ? C’est justement Jason Spezza a dit plus tôt cette semaine.

« Il faut être meilleurs, on se le dit, on le sait, il ne faut pas trop contester les arbitres, rester concentrés et continuer à pousser », a admis Phillip Danault.

« On a créé de bonnes chances en première. En deuxième, on a joué en désavantage numérique tout le long. En troisième, on a peut-être mal réagi à la suite de ces événements-là », a ajouté Ducharme.

Cela dit, ce n’est rien qu’une bonne nuit de sommeil ne peut pas changer. Ça, et un peu de perspective, ce qui est difficile d’avoir après une soirée aussi haute en émotions. De la perspective sur le fait, par exemple, qu’aussi cuisante ait été cette défaite, le Canadien rentre à la maison en ayant maintenant l’avantage de la patinoire dans ce qui devient une série 3 de 5.

Encore faut-il que les joueurs réagissent de la bonne façon.

Dans le détail

Un retour et un but

Il a peut-être marqué, mais Jesperi Kotkaniemi n’a pas non plus joué au niveau qu’il avait démontré l’été dernier dans la bulle. Pour son but, donnons-lui cependant ce qui lui revient : il a été dans le trafic et a marqué un but « laid » comme Dominique Ducharme l’a souvent évoqué. Cependant, c’est son bon ami Joel Armia qui a fait le gros du travail en exerçant de la pression et en soutirant la rondelle au gros Justin Holl. Du reste, il a connu des hauts et des bas, hésitant sur quelques présences, et dominé physiquement par Zach Hyman en fin de deuxième période. « Je me sentais assez bien en première période, mais il y a eu beaucoup de pénalités en deuxième période, ça a un peu tué mon match », a noté le jeune homme de 20 ans. Il faudra voir si le fait d’avoir mis fin à sa séquence de 24 matchs sans but le relancera ; ce sera plus facile à mesurer dans un match où le CH sera plus compétitif…

Quand les entraîneurs s’amusent…

Dominique Ducharme nous réserve souvent de petites surprises avec sa formation de départ, déployant un trio inattendu, avant de revenir à ses combinaisons vues à l’échauffement. Il a refait le coup samedi en envoyant Phillip Danault avec… Paul Byron et Josh Anderson ! Il a ainsi déployé trois bons joueurs défensifs, mais son rival a répliqué. Sheldon Keefe a en effet dépêché Auston Matthews et Zach Hyman, mais avec Wayne Simmonds comme ailier droit, plutôt que Mitch Marner. On pouvait s’attendre à des flammèches entre Anderson et Simmonds, mais les deux jouant à droite, ils n’étaient pas face à face à la mise au jeu. Simmonds a cependant bousculé Byron dès le départ, tandis qu’Anderson et Morgan Rielly ont lutté quelques secondes plus tard. Dès la présence suivante, Ducharme revenait à ses combinaisons habituelles.

Des Leafs plus robustes !

Sheldon Keefe en a surpris plusieurs en point de presse vendredi avec cette remarque : « Je ne sais pas qui compte les mises en échec, mais ce n’est certainement pas un partisan des Maple Leafs ! » Keefe revenait ainsi sur l’avantage de 55-27 qu’a eu le Canadien dans les mises en échec dans le premier match. Les chiffres ont encore été à « l’avantage » des Montréalais samedi (44-36), mais les hommes en bleu se sont assurés que leurs coups d’épaule soient bien vus, un cas où la qualité valait plus que la quantité. Et surtout, ils l’ont fait en restant disciplinés. Zach Hyman s’est servi de son gros gabarit, tout comme Jake Muzzin et Zach Bogosian en défense. C’est sans oublier Jason Spezza qui s’est lui aussi impliqué comme un bon vétéran est capable de le faire, servant notamment une percutante mise en échec à Jon Merrill. Il était beaucoup question du « papier sablé » que les Leafs ont ajouté depuis l’an dernier, et ça sautait aux yeux dans ce match.

Ils ont dit

Je n’ai pas vu la reprise.

Carey Price, quand on lui a demandé si Joe Thornton l’avait empêché de faire l’arrêt sur le troisième but de Toronto

Sur nos radios, on a Mario [Leblanc], Éric [Gravel], on a [John Sedgwick] qui était à la ligue avant, on a [Sean Burke], notre coach des gardiens. Je voyais dès le départ que Thornton avait touché le bâton de Carey. J’ai demandé de voir un autre angle. J’étais convaincu. C’est moi qui a le dernier mot. Il fallait le challenger.

Dominique Ducharme

Ce sont eux qui veulent en faire une guerre. Si tu fais ça, c’est au risque d’écoper de pénalités.

Sheldon Keefe

Les changements dans les trios ne sont pas un défi. Je connais tous les gars, je suis habitué à jouer avec eux. Les pénalités étaient le problème. Il faut en prendre moins.

Jesperi Kotkaniemi

Il nous importe, du mieux de nos habiletés, de continuer à faire ce que l’on a pu faire (samedi soir), et de le refaire lors du prochain match. Pour nous, la clé, c’est de lancer et d’aller au filet.

Auston Matthews

Je crois n’avoir guère marqué une seule fois en un an et demi… je fus un peu contrarié quand j’ai constaté, de mes yeux, que l’adversaire exigea une reprise vidéo sur ce jeu… ce but, je le voulais !

Rasmus Sandin

Il nous importe de pouvoir bâtir quelque chose à partir de ce succès. Auston a été notre meilleur joueur, il l’est souvent aussi avec Mitch. Ainsi vont-ils, ainsi allons-nous.

Jason Spezza

En hausse 

Jeff Petry

Personne ne mérite vraiment d’étoile à son cahier ; Petry obtient le vote un peu par défaut, car il a été le moins pire des six défenseurs.

En baisse 

Ben Chiarot

Il a passé la soirée assiégé dans son territoire. Les Leafs ont marqué quatre fois pendant qu’il était sur la patinoire.

Le chiffre du match

92 %

Auston Matthews a gagné 11 de ses 12 aux mises au jeu (92 %) contre Phillip Danault, le joueur le plus habile du Canadien dans cette facette du jeu.