Il n’a pas inventé de machine à voyager dans le temps. Il n’a pas, à notre connaissance, créé le légendaire convecteur temporel. Mais dans ses rêves les plus fous, Benoît Pont aimerait bien devenir le Doc Brown du hockey.

« C’est comme dans Retour vers le futur : on sait ce qui va arriver dans 10 ans, et il faut l’expliquer aux gens d’aujourd’hui », nous explique Pont, de son domicile en Suisse.

Ce futur, c’est une approche hyper individualisée que Pont, ancien joueur devenu entraîneur privé, souhaite vendre au monde du hockey. Parmi ceux qui sont déjà ses clients, on retrouve ses compatriotes Roman Josi, Nino Niederreiter, Yannick Weber et Gaëtan Haas, de même qu’Artem Anisimov et Vladislav Namestnikov.

L’homme de 45 ans, qui travaille aussi pour l’équipe nationale suisse, a donc un pied dans la LNH, mais il rêve qu’une ou des équipes du circuit Bettman fassent appel à ses services. Il espérait d’ailleurs rencontrer le Canadien le printemps dernier, mais la pandémie l’a contraint à rester à la maison.

La première équipe de la LNH qui utilisera intelligemment cette approche aura un avantage important pour gagner un championnat.

Benoît Pont

L’individu au cœur de tout

C’est bien connu, les joueurs professionnels font de plus en plus appel à des entraîneurs dits d’habiletés, que ce soit pour améliorer leur coup de patin, leur tir ou autre. Ils le font généralement sur une base privée.

Les équipes développent quant à elles des mesures de plus en plus poussées de chaque individu. Le Canadien, par exemple, s’est doté en 2017 d’un bureau de science du sport, qui permet à l’équipe de mesurer les capacités physiques de chaque joueur et de trouver les conditions optimales de succès.

Benoît Pont estime qu’il y a moyen de pousser encore plus cette individualisation en l’appliquant aussi aux techniques de jeu enseignées aux joueurs. Mais il est aussi conscient des limites qu’il doit respecter entre le joueur et l’équipe, une zone parfois grise.

« Tout le monde va chercher des clés, un edge, des entraîneurs privés. Mais il y a parfois des conflits. Il y a quelques années, Adam Oates était l’entraîneur privé de trois des cinq joueurs du Wild du Minnesota en avantage numérique. Les gens se demandaient qui était l’entraîneur de l’avantage numérique ! Chez ProKeyCoach, c’est orienté sur la technique et la tactique individuelles. Je vais montrer le tir sur réception, mais pas la façon de jouer en unité de cinq. Et c’est au bénéfice de l’équipe. Si Roman Josi joue 2 ou 3 % de mieux, l’équipe va en profiter. »

Dans une présentation vidéo de huit minutes dont il nous a fourni une copie, Pont utilise comme point de départ une bande dessinée où l’on voit plusieurs animaux – dont un poisson dans un aquarium – soumis au même test : grimper dans un arbre. Le message est puissant.

IMAGE FOURNIE PAR PROHOCKEYCOACH

« Les équipes font les mêmes tests et les mêmes entraînements pour tout le monde », souligne Benoît Pont.

« Les équipes font les mêmes tests et les mêmes entraînements pour tout le monde, souligne-t-il. Prenez deux joueurs de centre dans une même équipe : ils feront les mêmes exercices. Les équipes font une distinction entre joueurs de différentes positions, elles ne donneront pas le même entraînement aux centres qu’aux défenseurs. Mais il n’y a pas de distinction entre joueurs d’une même position. Moi, si je prends deux défenseurs, je ne vais pas nécessairement leur montrer à gagner un duel de la même façon. »

Concrètement, Pont propose à ses clients un test de typologie motrice qui permet de leur créer un profil. Ce test révèle aussi des informations sur la personnalité du joueur, par exemple si une personne est introvertie ou extravertie, si elle se fie à sa pensée ou à ses sentiments, etc., un peu comme les 16 catégories du questionnaire MBTI (Myers-Briggs Type Indicator). Mais le test dévoile aussi les préférences motrices de la personne.

On a découvert que les gens d’un même profil agissent de la même façon sur la patinoire. Ils patinent de la même façon, ils tirent de la même façon, ils perdent la rondelle de la même façon et ils se font frapper de la même façon.

Benoît Pont

« Le profil, c’est ce qui détermine si tu vas développer le potentiel d’un joueur à 10 %, à 80 % ou si tu vas le dégoûter du sport », dit-il en entrevue. Il ajoute que son approche peut aider à éviter « 30 à 40 % des commotions cérébrales ».

Les indications obtenues sur la motricité du joueur sont nombreuses : préférences dans les mouvements, préférences visuelles (ce qu’il appelle le radar), récupération. Ce test est accompagné d’une analyse de quelques matchs du joueur, présence par présence, afin d’en valider les résultats.

Dans un échantillon de document, il donne l’exemple d’une fiche fictive de Nathan MacKinnon, dont le radar est surtout du côté gauche, ce qui signifie qu’il lit les situations et y réagit plus rapidement quand elles se passent à sa gauche. Il lui conseille donc – on répète que l’exemple est fictif – de tenter de « garder l’action du côté gauche de son nez » et de « simplifier son jeu » quand l’action se passe à sa droite.

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Fiche fictive de Nathan MacKinnon

« Ce qui est intéressant, c’est qu’une fois qu’on a évalué une personne, ça peut l’aider dans son quotidien. Ça lui donne des clés pour se connaître. Quand on accepte que dans un vestiaire, dans une équipe, dans un bureau, les gens ne sont pas tous comme nous, ça aide beaucoup ! »

Étudiant et athlète

On ne parle que de Benoît Pont depuis le début, mais il nous en voudrait si on ne mentionnait pas Bertrand Théraulaz, son mentor.

« Quand on a présenté notre approche aux Predators de Nashville, ils sont restés trois heures à écouter. C’est notre approche, on est les pionniers, donc il faut s’expliquer. Les Suisses, nous sommes très humbles de nature. Mais moi, je peux vanter l’approche, parce que ce n’est pas moi qui l’ai inventée ! Mais je l’ai développée et appliquée au hockey. »

Ça n’empêche pas Pont d’avoir eu un parcours inspirant. De 1996 à 2008, il a joué en Ligue nationale A, la première division suisse. En parallèle à sa carrière de joueur, il a obtenu sa maîtrise en science du sport à l’Université de Neuchâtel.

« Notre système n’est pas aussi bien fait qu’aux États-Unis. Il faut réellement concilier le sport et les études. Je devais louper des entraînements pour l’école, et louper l’école pour des entraînements. J’ai écouté des cours sur un Walkman. J’avais la motivation ! »

Ne reste qu’à voir si ses efforts lui ouvriront les portes de la LNH.