Jordan Binnington, Matt Murray. Une dizaine d’années plus tôt, Cam Ward. Et bien longtemps avant eux, Patrick Roy.

La liste des jeunes gardiens qui ont transporté leur équipe jusqu’aux grands honneurs alors qu’on ne les y attendait pas est garnie d’histoires émouvantes, inspirantes, parfois hors du commun.

Puis il y a Anton Khudobin. Qui n’a rien, mais rien du tout du gardien-type qui se retrouve à une victoire d’accéder à la grande finale.

À 34 ans, il a fait une croix depuis longtemps sur un poste de partant dans la LNH. Le rôle d’adjoint lui va à ravir, mais c’est bien ce que tout le monde voit en lui : un adjoint.

Enfin, presque tout le monde, à en croire son entraîneur Rick Bowness.

« C’est vous qui êtes surpris de ce qui lui arrive, pas nous », a-t-il dit en souriant à un journaliste quelques heures avant le match.

Malgré tout le respect qu’on doit à Bowness, le conte de fées que traverse Khudobin, personne n’aurait vraiment pu le voir venir. Pourtant, c’est lui qui a réalisé 32 arrêts sur les 33 tirs dirigés sur son but samedi soir, en route vers une victoire de 2-1 qui confère aux Stars de Dallas une avance de 3-1 face aux Golden Knights de Vegas dans cette finale de conférence de l’ouest.

Plusieurs facteurs ont contribué au succès que connaît le Kazakh. Il y a bien sûr l’absence du gardien Ben Bishop, qui n’est pas en mesure de jouer. Il y a aussi la personnalité intrinsèque de celui qui a joué pour une douzaine d’équipes professionnelles en Russie et en Amérique du Nord. « Un combattant qui va se battre jusqu’à la fin », de dire son entraîneur. « Un compétiteur qui se présente chaque soir », d’ajouter le capitaine Jamie Benn.

Bref, tout le monde aime Anton Khudobin. Un garçon au demeurant généreux envers ses coéquipiers, dont il a vanté le travail « énorme » pour le protéger en fin de rencontre. Un qualificatif qu’il a répété à deux autres reprises, pour appuyer toute la reconnaissance qu’il éprouve à leur endroit.

« Les gars se sont sacrifiés, ils ont des cicatrices et des bosses partout, ils ont travaillé comme des damnés pour s’assurer que je voie la rondelle et que [les Golden Knights] ne marquent pas », a-t-il énuméré.

Mine de rien, on se rapproche de ce qui pèse sans doute le plus lourd en faveur de Khudobin dans cette série.

Ses comparses étoilés offrent peut-être un spectacle longuet, parfois plate à mourir, mais ils font résolument les bonnes choses pour rendre fous les pauvres chevaliers dorés, pourtant dotés d’une bien meilleure force de frappe à l’attaque.

Au cours des dernières 3 minutes et 52 secondes du match de samedi, aucune rondelle n’a atteint Khudobin. Aucune. Et quelques secondes avant cette séquence, le triangle défensif devant le gardien écoulait plus d’une minute d’infériorité numérique à 3 contre 5, forçant les Knights à décocher des tirs décevants, rendant la vie bien facile à l’improbable héros.

N’empêche, loin de nous l’idée de lancer que des fleurs aux Stars : au cours de la première moitié de la rencontre, ils semblaient complètement dépassés. À mi-chemin en deuxième période, le tableau des tirs au but indiquait 21-6 à l’avantage marqué de Vegas. Mais le septième tir des Texans, venu du vétéran Joe Pavelski, a étrangement trouvé son chemin derrière Robin Lehner après un jeu brouillon en défense de Nate Schmidt. Et avant la fin de l’engagement, une punition stupide de Brendan McNabb a pavé la voie au but gagnant de Jamie Benn.

Ça suffisait amplement pour que les Stars ferment le jeu. Et confirment cette victoire inattendue, leur troisième dans cette série.

Déception

Sans surprise, les visages étaient longs dans le camp des perdants après la rencontre. « On doit envoyer plus de rondelles vers le filet », a laconiquement exposé Reilly Smith.

Plus guilleret, Alec Martinez a fait valoir qu’« il fallait user de patience, ne pas chercher à faire des choses extraordinaires ».

Car il y a bien quelque chose qui ne tourne pas rond chez les Knights. C’est encore un défenseur, Martinez, justement, qui a marqué samedi soir. Au cours des sept derniers matchs, les attaquants de Vegas n’ont marqué que quatre buts. Leurs gros canons sont totalement éteints. Sur une même séquence, Max Pacioretty a frappé la cible et tiré à l’extérieur d’un filet abandonné. Blanchi depuis 10 matchs, Jonathan Marchessault semble tirer de partout, mais rarement de manière efficace. William Karlsson est quasi invisible. Seul Mark Stone semble animé du feu de Dieu à chacune de ses présences.

« L’effort est là, a encore dit l’entraîneur-chef Peter DeBoer. On a eu suffisamment de chance pour gonfler notre avance, mais on n’y est pas arrivés. Défensivement, on joue bien. Tout ce dont on a besoin, c’est de finir nos jeux. »

« On s’est retrouvés dans cette situation auparavant, nous devons faire preuve de persévérance. Nous allons être meilleurs », a-t-il promis.

On ne sait pas trop comment recevoir cette promesse. Car s’il est vrai que les Knights ont déjà fait face à l’élimination, leur bilan n’est pas particulièrement reluisant. Les deux premiers matchs sans lendemain de leur courte histoire se sont soldés par des défaites, contre Washington en 2018 puis contre San Jose en 2019. Et leur dernier en lice, contre Vancouver au tour précédent, a nécessité un but dramatique en fin de troisième période du match #7 pour éviter l’humiliation.

Il n’y a évidemment rien d’impossible, surtout avec autant de bons éléments dans la formation, à commencer par le défenseur Shea Theodore, encore impérial samedi.

Mais la côte à remonter est soudain très abrupte. Surtout lorsqu’elle est gardée par Anton Khudobin.

Voilà 15 ans qu’il attend sa chance d’aller jusqu’au bout. Il ne semble pas vouloir la rater.