Éric Gélinas se souvient encore de la première fois qu’il a remarqué Mattias Norlinder.

« On faisait de la vidéo pour préparer un match contre Frölunda, raconte le Québécois, porte-couleurs du Rögle BK d’Ängelholm. Sur un jeu, Norlinder est derrière son but, il passe à son ailier, décolle, et il arrive le premier à la deuxième ligne bleue ! Son coup de patin est vraiment impressionnant. Même quand tu ne sais pas qui c’est, son patin saute aux yeux. »

Une autre séquence qui a marqué Gélinas : quand Norlinder a tenté de marquer de l’arrière du but, en collant la rondelle sur sa palette.

« Il a essayé de faire le move de Zorro derrière le but. Moi, ça ne me passe pas dans la tête d’essayer ça ! lance en rigolant l’ancien défenseur des Devils du New Jersey et de l’Avalanche du Colorado. Les jeunes semblent de plus en plus habiles. On dirait que le développement des jeunes en Suède est plus axé là-dessus. »

Ce ne sont pas tous les défenseurs recrues qui oseraient faire ce que Norlinder essaie de faire. Mais c’est aussi un jeune homme qui se sent libre d’exprimer sa créativité.

« Je joue autour de 18 minutes pas mal tous les soirs, a-t-il souligné en entrevue avec La Presse, samedi. C’est bien d’avoir cette confiance des entraîneurs. Je pense qu’ils comprennent que des erreurs, tout le monde en fait. Personne ne sera fâché si un jeu que tu essaies ne fonctionne pas. Je sais donc que même si je commets une erreur, je ne serai pas cloué au banc. »

Encore deux ans

Ignoré à sa première année d’admissibilité, en 2018, il démontre depuis une belle progression, qui a incité le Tricolore à le réclamer au 64e rang l’an dernier. Les dirigeants du Canadien le voient dans leur soupe.

« Ouf… Il est plaisant à regarder ! », avait lancé le directeur du développement des joueurs, Rob Ramage, en visioconférence la semaine dernière.

Christer Rockström, le recruteur du Canadien en Suède qui a repéré Norlinder, en entrevue avec Mathias Brunet : « Vous pouvez me citer. Vous avez raison d’être excités. »

Marc Bergevin, lui, a déclaré le mois dernier à Jean-François Chaumont, du Journal de Montréal, qu’après Alexander Romanov, Jesperi Kotkaniemi et Nick Suzuki, « c’est probablement lui qui nous impressionne le plus » parmi les espoirs de l’organisation.

Cela dit, il faudra être patient avant de déterminer si le Canadien a réalisé un vol en le réclamant au troisième tour.

Tout d’abord, parce que le jeune homme de 20 ans a un contrat qui le lie à Frolunda – en première division suédoise (SHL) – jusqu’au terme de la saison 2021-2022. Il pourrait donc faire comme Artturi Lehkonen, qui avait disputé trois saisons complètes en Europe après son repêchage avant de s’amener à Montréal.

Il me reste encore deux ans de contrat. Je n’ai aucune idée de ce qui va se passer ensuite. J’y vais un jour à la fois. Il reste encore beaucoup de temps.

Mattias Norlinder

Dans l’intervalle, l’organisation s’assure de garder contact avec lui. « Rob m’a appelé il y a deux jours. Christer m’appelle aussi de temps en temps. J’ai une bonne relation avec eux », poursuit Norlinder.

Il y a aussi le fait que Norlinder a beau multiplier les jeux qui deviennent des vidéos virales sur le web, il demeure en plein développement. En 13 matchs cette saison, il a été limité à 3 points, même s’il joue en avantage numérique.

« Je n’ai pas autant de points que je le souhaitais, concède-t-il. Je n’ai pas eu de bonds favorables. Mais si je n’y pense pas trop, je sais que ça va revenir. L’équipe gagne, et c’est ça l’important. »

Ses 18 min 7 s par match le placent au troisième rang des défenseurs du club pour le temps d’utilisation.

Bref, il n’est pas en train d’écraser la compétition. Et même s’il le faisait, doit-on rappeler que Lehkonen, qui avait conclu sa carrière à Frölunda avec 19 points en 16 matchs éliminatoires, n’est pas devenu pour autant un joueur offensif à Montréal ?

Mais le fait de jouer en SHL, après avoir passé la dernière saison en deuxième division, lui permet tout de même de progresser, et de tirer les mêmes conclusions qu’une recrue qui arrive dans la LNH.

« Le jeu est plus intense. Ici, dès que tu fais une erreur, ça crée une chance de marquer pour l’adversaire. C’est la plus grande différence », estime Norlinder.

Fait à noter, Norlinder joue surtout à droite, même s’il est gaucher. Une information intéressante quand on sait que tous les espoirs du Canadien à la ligne bleue tirent de la gauche.

Les petits défenseurs

Éric Gélinas, lui, aime bien ce qu’il voit jusqu’ici. Il a affronté Norlinder deux fois pendant le calendrier préparatoire et une fois en saison. « Il est très fluide, il est beau à voir avec la rondelle. C’est pour ça qu’il est reconnu. C’est smooth. »

On lui pose la question toujours malaisante : voit-il des faiblesses dans le jeu de l’espoir du CH ?

« Si j’avais à en trouver une, je dirais qu’il n’est pas le plus robuste. Il n’est pas très gros non plus. Mais avec son patin, il s’en tire en jouant différemment. Vu comme ça, ce n’est pas vraiment une lacune ! »

Au sujet de son gabarit, Norlinder nous reprend fièrement quand on lui dit que HockeyDB et même son équipe le répertorient à 179 lb. « Je pèse maintenant 87 kg [191 lb] », lance l’adepte du système métrique.

Il faudra maintenant voir ce qu’il deviendra. Les Cale Makar, Quinn Hughes et Samuel Girard font rêver les amateurs quant au potentiel des défenseurs de petite taille. Norlinder mesure 1,80 m (5 pi 11 po), soit exactement comme Makar, et il est plus costaud que Hughes et Girard (5 pi 10 po, 170 lb chacun).

Mais pour tous les Makar et les Hughes, il y a aussi des Matt Grzelcyk et des Will Butcher, dont la contribution est plus modeste. À Montréal, Victor Mete est également fait dans ce moule, et devra se battre pour garder sa place dans la LNH la saison prochaine.

À réévaluer dans quelques années.