Julien BriseBois n’a pas eu la chance de fêter très longtemps sa conquête de la Coupe Stanley.

Comme bien des patrons d’équipes championnes, le directeur général du Lightning doit déjà songer à liquider des joueurs auxquels il est attaché pour se conformer au plafond salarial…

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Julien BriseBois

« J’ai effectivement un défi au niveau de la gestion du plafond, indiquait-il au téléphone à La Presse, jeudi après-midi. Ma préférence serait de ramener l’équipe telle quelle, mais j’aurai des décisions difficiles à prendre au cours des prochains jours. »

Le Lightning était déjà coincé par le plafond. Le salaire annuel moyen d’Andrei Vasilevskiy passera de 3,5 millions à 9,5 millions, une augmentation de 6 millions.

Les salaires de Mikhail Sergachev, Erik Cernak et Anthony Cirelli occupaient tous moins d’un million sur la masse salariale. Ils deviennent joueurs autonomes avec compensation et obtiendront des augmentations.

« Sergachev, Cernak et Cirelli vont être très bons dans les prochaines années, ils ne sont pas encore à leur apogée, et ils constituent notre priorité. D’autres devront partir. Il y aura certainement des échanges. »

Patrick Maroon, Jan Rutta, Luke Schenn, Kevin Shattenkirk et Zach Bogosian deviendront joueurs autonomes sans compensation, mais aucun ne touchait un salaire supérieur à 2 millions. Il faudra regarder ailleurs. « On risque de perdre des morceaux importants », confirme le DG.

Yanni Gourde, à 5,1 millions, Tyler Johnson, à 5 millions, et Alex Killorn, à 4,45 millions, paraissent plus vulnérables.

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Le gardien des Stars Anton Khudobin (35) après un arrêt aux dépens de l’ailier gauche Yanni Gourde (37).

Une pensée pour ses mentors

Julien BriseBois a cependant savouré chaque moment le soir de la conquête et le lendemain. « J’ai versé dans la nostalgie et je suis retourné au début. André Savard m’a fait entrer dans la Ligue nationale. J’ai eu une pensée pour lui. J’ai été consultant pour le Canadien de Montréal en 2000-2001. Quand André a obtenu le poste de directeur général en octobre 2000, j’ai obtenu un bureau au Centre Bell même si on chargeait encore les factures à mon bureau d’avocat. En août 2001, André m’a offert un poste. »

Jeune homme alors âgé de 24 ans, BriseBois a fait une demande spéciale à Savard. « Je lui ai demandé d’ajouter une clause stipulant que lorsqu’on remporterait la Coupe Stanley, j’allais y avoir mon nom. André s’est mis à rire un peu. Puis il a vérifié s’il pouvait le faire. Il a eu la gentillesse de se le faire confirmer par la Ligue nationale. On l’avait ajouté au contrat. On a remporté la Coupe Stanley en septembre 2020. Ça a pris 19 ans… »

Julien BriseBois n’a pas oublié ses autres mentors. « Martin Madden père, directeur général adjoint, avait une vie remplie d’expériences dans le monde du hockey professionnel, il a partagé ses histoires avec moi. Il y a ensuite eu Bob Gainey, puis Steve Yzerman. J’ai absorbé ce qu’ils ont voulu m’enseigner. »

Sa réaction quand il a soulevé la Coupe mardi soir ? « Je n’avais pas anticipé ce moment de pure joie. Il n’y avait pas d’autre émotion. De la joie. La Coupe Stanley est tellement difficile à gagner. Les directeurs généraux disent ça tout le temps, c’est tellement difficile à gagner. Tu peux prendre un paquet de bonnes décisions, très rarement te tromper, ça ne veut pas dire que tu vas gagner. Il y a de la chance là-dedans, les astres doivent s’aligner. On a été parmi les équipes favorites depuis 2014. On a atteint la finale d’association quatre fois. On s’est rendus au septième match de la finale d’association deux fois. On a atteint la finale de la Coupe Stanley. Et on ne l’a jamais gagnée avant cette année. »

Julien BriseBois est fier d’avoir maintenu sa confiance envers le groupe après l’amère élimination face aux Blue Jackets de Columbus lors du premier tour l’an dernier, après une saison presque parfaite.

« On avait une bonne organisation avec de très bons joueurs et un très bon entraîneur-chef. C’est probablement la décision qui a eu le plus d’impact.

« Si j’avais décidé de faire autrement, on aurait peut-être gagné quand même, on ne le saura jamais. En même temps, ça a été une décision facile. À l’interne, ça n’a jamais vraiment été un sujet de discussion. À l’externe, je suis convaincu que certains ont évoqué cette possibilité. »

Julien BriseBois a conclu que l’élimination en quatre matchs face à Columbus constituait une anomalie. « On venait de connaître une grande saison. On avait remporté plusieurs séries au cours des années précédentes. On avait perdu l’année précédente en finale d’association au septième match contre Washington qui, ultimement, a gagné la Coupe Stanley. Deux ans auparavant, on avait perdu en finale d’association en sept matchs contre Pittsburgh, qui avait aussi gagné la Coupe Stanley. L’année d’avant, on avait perdu en six matchs en finale contre les Blackhawks. »

Le gestionnaire québécois de 43 ans préfère reconnaître le mérite des Blue Jackets pour leur victoire de l’an dernier. « Victor Hedman a raté les deux derniers matchs de la série et, avec le recul, il n’aurait pas dû disputer les deux premiers matchs. C’est un gros élément. Mais Columbus avait un club sous-estimé, transformé une fois les séries arrivées. Leur taux de succès en supériorité numérique avait été moyen toute l’année, mais ils ont fait des transactions à la date limite des échanges, Martin St-Louis a été embauché pour les conseiller en supériorité numérique et ils ont eu du succès à ce chapitre. »

Le DG québécois a néanmoins relevé certaines lacunes au sein de son organisation après cette défaite.

« On voulait être meilleurs dans les tranchées, le long des bandes, devant chacun des deux filets. On devait améliorer notre jeu défensif. »

BriseBois a cédé des choix de premier tour pour obtenir deux joueurs de soutien de luxe, Blake Coleman et Barclay Goodrow.

« Dans le cas de Goodrow, nous avons aussi reçu un choix de milieu de troisième ronde en retour. Nous avons cédé un choix de fin de première ronde. Il y a une grande différence entre un choix dans le top 3, dans le top 10 et en fin de première ronde. On peut toujours repêcher un [David] Pastrnak en fin de première ronde à l’occasion, mais on ne peut pas compter là-dessus. Un seul choix de fin de première ronde sur deux devient productif. »

En fin de compte, le Lightning sera donc passé du 31e au 84e rang du repêchage pour obtenir un joueur, Goodrow, essentiel aux succès de Tampa en séries.

COVID-19 et célébrations

Les célébrations à Tampa Bay ont soulevé une certaine controverse dans un contexte de pandémie mondiale. Beaucoup de gens reprochent aux autorités de la ville de ne pas avoir mis en place les consignes sanitaires nécessaires. « Je ne savais pas à quoi m’attendre, je n’étais pas partie prenante dans ces décisions-là et j’ai fait confiance aux gens en place, dit Julien BriseBois. On a tous été pris de court par l’ampleur du nombre de partisans qui se sont présentés. À compter d’aujourd’hui, on va devoir en tenir compte et mettre en place de meilleures mesures. »