(Toronto) S’il y a quelqu’un qui peut comprendre Kirk Muller, c’est bien Alain Nasreddine. En décembre dernier, le Montréalais s’était retrouvé entraîneur-chef par intérim quand les Devils ont congédié John Hynes. Il a appris sur le tas !

« Je l’ai vécu des deux côtés, je sais que c’est une autre bibitte quand on est le responsable ! Mais Muller a de l’expérience. Ça n’a rien de nouveau pour lui, et tu as vu que les gars ont voulu jouer pour Claude. »

Le Canadien disputera dimanche soir son deuxième match en l’absence de Claude Julien, qui se remet d’une frousse cardiaque subie en pleine nuit jeudi. Ce sera donc encore à Muller, comme entraîneur-chef par intérim, de même qu’à Dominique Ducharme et à Luke Richardson de se partager à trois les tâches qui incombent généralement à quatre personnes.

« On va essayer que ça reste pareil pour les joueurs, expliquait Muller, vendredi midi, avant son premier match comme entraîneur-chef. Luke est bon avec les défenseurs et va continuer avec le désavantage numérique. Dom et moi allons travailler ensemble. Je vais prendre les décisions à cinq contre cinq. Je vais parler avec Dom des différents scénarios. Il va me donner des informations sur les mises en jeu, sur qui va bien, qui va moins bien. »

Succès initial

Le premier test a été réussi avec panache; un gain sans appel de 5-0, marqué par des changements heureux faits par Muller – entraîneur-chef par intérim – dans les trios.

« On a pu voir au premier match que ce n’est pas un problème ! », observe Nasreddine, adjoint chez les Devils, joint à son domicile du New Jersey.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Alain Nasreddine, derrière le banc des Devils du New Jersey

Trois entraîneurs, ça s’est fait pendant des années. Il y en a un qui s’occupe des défenseurs et du désavantage numérique, un autre pour les attaquants et l’avantage numérique. Et puis il y a le chef d’orchestre. Le défi, il est pour Kirk Muller. Il doit être alerte, faire les changements, suivre les matchups. Mais le Canadien est entre bonnes mains.

Alain Nasreddine

« Quand on est entraîneur-chef, on prend des décisions toutes les 15 secondes, ajoute Pascal Vincent, entraîneur-chef du Moose du Manitoba et ancien adjoint chez les Jets de Winnipeg. On change son trio, et 15 secondes plus tard, on doit appeler son prochain trio. On regarde les confrontations, qui va bien, qui ne va pas bien. Kirk va apporter un élément différent, parce que c’est une personne différente. On pourrait voir de petits changements dans les ajustements entre les périodes. Mais j’imagine qu’ils vont essayer de changer le moins de choses possible, pour garder une certaine continuité. »

Il y a effectivement eu une certaine continuité. Les changements apportés par Muller ont fait beaucoup jaser, mais il y a lieu de croire qu’il y a eu un effet domino créé par la rétrogradation de Joel Armia au sein du quatrième trio. Or, cette décision était prévisible; Armia avait vu ses minutes réduites substantiellement par Julien en troisième période du premier match de la série.

Par contre, la décision d’envoyer la première unité d’avantage numérique en fin de match vendredi – choquant ainsi ses adversaires – relevait entièrement de Muller ! Impossible de savoir si Julien en aurait fait autant, mais c’était assurément un message très fort que Muller envoyait aux Flyers.

Comment compenser ?

La grande majorité des équipes travaillent désormais à quatre entraîneurs. Parfois, le quatrième homme est sur la passerelle de presse, observe le jeu d’en haut, et va descendre derrière le banc en troisième période.

S’ils sont quatre, c’est parce qu’il y a assez de travail pour quatre ! Alors, que risquent-ils de manquer en ayant une personne de moins ?

Maintenant, on a un iPad pour montrer de la vidéo aux joueurs entre leurs présences. Ce n’est pas quelque chose que les entraîneurs-chefs ont le temps de faire derrière le banc. Alors c’est peut-être ce qu’ils pourront faire un peu moins.

Dan Bylsma, ancien entraîneur-chef des Penguins et des Sabres, aujourd’hui adjoint à Detroit

« Pour les coachs aussi, pour revoir un jeu ou une situation, ça aide d’avoir la tablette. Ça, ça pourrait être un petit problème, prévient André Tourigny, ancien adjoint chez l’Avalanche et les Sénateurs, aujourd’hui pilote des 67 d’Ottawa. Mais la tablette reste disponible pour les joueurs. Ils peuvent regarder leur dernier jeu. »

D’ailleurs, la situation demandera justement une certaine discipline de la part des joueurs.

« Les gars sont des pros, ils comprennent la situation, précise Nasreddine. Même si c’est Kirk et que ce n’est pas Claude, ils doivent tout de même suivre les consignes. Mais là-dessus, comme ils sont en séries, ce sera facile de faire embarquer les joueurs pour qu’ils facilitent le travail de Kirk. Il ne faut pas non plus que les joueurs commencent à coacher ! »

« Les joueurs sont en mode playoffs, renchérit Tourigny. Ils ne sortiront pas de leur zone de confort et vont garder leur routine. À long terme, par contre, ça aura assurément un impact, même si ce ne sont pas des incompétents ! Les trois adjoints pourraient être entraîneurs-chefs.

« Julien a de l’expérience, il a fait ses preuves, l’équipe est moulée à son image. Mais dans l’immédiat, pour la prochaine série, je ne vois pas de problème. »

Des amis partout !

Claude Julien a certainement sa part de détracteurs dans le grand public depuis son retour à Montréal. Cela dit, le respect de ses pairs ne semble pas avoir diminué d’un iota.

Pascal Vincent a eu comme seul employeur l’organisation des Jets depuis qu’il est chez les pros. Il n’a donc jamais travaillé avec Julien ni joué pour lui. Mais le milieu des entraîneurs professionnels étant un petit monde, les deux hommes se connaissent.

PHOTO FOURNIE PAR LES JETS DE WINNIPEG

Pascal Vincent

Il y a trois ans, j’étais à la recherche d’un adjoint. Claude était au courant et m’a dit : “J’ai quelqu’un à te proposer, c’est Marty Johnston. Ça serait un bon fit avec toi, te connaissant.” Marty était déjà sur ma liste, mais là, ça venait de Claude, je le respecte beaucoup et je connais ses valeurs. On a fini par l’engager.

Pascal Vincent

Dan Bylsma n’a pas plus de lien avec Julien. Ils se sont toutefois affrontés trois fois par année quand l’un dirigeait les Bruins et l’autre, les Penguins. Puis, en finale de l’Est en 2013, les Bruins de Julien ont balayé les Penguins de Bylsma en quatre petits matchs.

PHOTO GENE J. PUSKAR, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Dan Bylsma

Lors de la poignée de main, sur la patinoire, il avait eu de bons mots et de bons conseils pour moi. Puis on s’est croisés après le match sous les gradins et il est encore venu me parler. Ces discussions vont rester entre lui et moi, mais je vais toujours le respecter pour ça.

Dan Bylsma

Alain Nasreddine, lui, a joué deux ans pour Julien… chez les Bulldogs de Hamilton, de 2000 à 2002. Une dizaine d’années plus tard, leurs chemins se sont croisés lors d’un tournoi des recrues, quand Nasreddine faisait ses premiers pas comme adjoint à Wilkes-Barre.

Je me souviens, je venais de commencer à coacher, il m’avait regardé et il m’avait dit : “Ça paraît que tu viens de commencer, t’as pas mal de cheveux !” Je me regarde sept ou huit ans plus tard, j’en ai moins épais, et ils sont pas mal plus gris !

Alain Nasreddine