Au fil du temps, Maurice Richard a eu de nombreux coéquipiers, de nombreux amis, et de nombreux ennemis aussi, il faut bien l’admettre.

Mais sur ce long parcours, qui s’est fermé pour de bon le 27 mai 2000, le Rocket n’a eu vraiment qu’un seul « écrivain », comme il aimait bien l’appeler.

Alain de Repentigny, « l’écrivain » en question, est bien connu dans la grande famille de La Presse. C’est lui qui était le directeur des Sports quand Maurice Richard a fermé ses yeux de feu pour la dernière fois, il y a 20 ans.

PHOTO FOURNIE PAR ALAIN DE REPENTIGNY

Alain de Repentigny et Maurice Richard en 1993. Alain : « J’avais croisé à Glasgow, en juin, un Écossais, Ken Douglas, fan fini de Maurice Richard et je lui avais envoyé cette cravate qu’a portée le Rocket sur la photo. »

Aussi, c’est lui qui était « l’écrivain », donc, titre qu’il a hérité parce que de 1985 à 1994, c’est lui qui était chargé de recueillir les commentaires du Rocket et d’en faire une chronique hebdomadaire, dans laquelle le célèbre ancien joueur avait l’habitude de tout dire sans filtre. Un peu comme dans la vraie vie, quoi.

« C’est une chronique qu’il avait commencée dans les années 50 et dans un autre journal, se souvient Alain de Repentigny au bout du fil. Mais la LNH avait eu vent de ça et lui avait interdit de continuer. Il a recommencé plus tard, dans les pages du Dimanche-Matin, et quand ce journal-là a fermé en 1985, La Presse l’a appelé tout de suite. »

Alain de Repentigny n’a pas été le seul à coucher les confidences du Rocket sur papier, mais à La Presse, il a été celui qui l’a fait le plus souvent, le plus longtemps aussi. Avec comme heureux résultat que Maurice Richard, pourtant pas le plus facile d’approche, a fini par lui ouvrir les portes de son petit univers ; par exemple, il arrivait que les deux hommes et leurs femmes aillent voir un match du Canadien pour mieux finir ça ensuite, à la bonne franquette, devant des assiettes de poulet et de salade de chou au St-Hubert de la rue Lajeunesse.

« Quand on y pense, combien de gens ont vraiment vu jouer Maurice Richard ? Moi-même, je ne m’en souviens pas, j’avais seulement 8 ans quand il a pris sa retraite, en 1960. Mais malgré ça, et après toutes ces années, il y avait, partout où on allait, toujours des gens qui voulaient lui parler, lui faire signer des cartes ou des rondelles. »

Les gens l’appelaient Maurice gros comme le bras, parce qu’il demeurait accessible, comme s’il était un membre de la famille.

Alain de Repentigny

« Je me demande si on va voir un autre joueur avec un tel impact un jour. Il y a eu [Jean] Béliveau, mais ce n’était pas la même ferveur. À qui on peut penser depuis ? Guy Lafleur, probablement. Mais Lafleur n’est pas le même type de personnage. »

Un phénomène

Alain de Repentigny se souvient encore de la dernière fois qu’il a vu le Rocket : au Centre Molson, le 8 avril 2000. Un match tout ce qu’il y avait de plus ordinaire, contre les Sénateurs d’Ottawa, mais ce fut le dernier match du Rocket, qui a succombé à un cancer le mois suivant.

« Je me rappelle qu’on marchait dans le garage du Centre Molson, les gens qui le croisaient voulaient lui parler, mais il en était incapable… Il avait encore cet ascendant sur les gens après toutes ces années. Et puis quand il est décédé au mois de mai, un samedi, à La Presse, on avait encore un cahier spécial le samedi suivant ! Ça a duré une semaine. Il ne faut pas oublier, il a été exposé en chapelle ardente au Centre Molson. Qui d’autre a droit à ça ?

PHOTO RYAN REMIORZ, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Maurice Richard est exposé au Centre Molson le 30 mai 2000.

Pour cette raison, Alain de Repentigny a toujours cru que le Rocket allait pousser son dernier souffle au terme d’un effort surhumain. Qu’il allait connaître une sorte de fin tragique et soudaine, comme une crise cardiaque après avoir coursé contre un cheval ou après avoir voulu déplacer une voiture de ses propres mains.

« Il était rendu à 70 ans et ses amis de pêche racontaient qu’il était encore capable de transporter un moteur hors-bord sur une épaule et son matériel de pêche de l’autre main… »

Ainsi, « l’écrivain » le dira à quelques reprises lors de notre conversation : Maurice, c’était un phénomène. Vingt ans plus tard, c’est encore vrai.