Claude Julien a présenté au monde ses premières combinaisons.

Artturi Lehkonen a immédiatement retenu l’attention, à la droite de Jonathan Drouin et Max Domi. Le Finlandais a obtenu la première audition pour ce qui est probablement le poste disponible le plus convoité. Mais n’allez pas croire que c’est gagné d’avance. Claude Julien n’aurait pas pu être plus clair.

« S’il y a des ajustements à faire, on va les faire. »

Un peu partout dans la formation, l’entraîneur s’est permis quelques expériences. Nick Suzuki et Ryan Poehling, par exemple, n’ont pas reçu de passe-droit. Suzuki était au centre de Charles Hudon et Jordan Weal, et Poehling entre Phil Varone et Matthew Peca. Noah Juulsen était jumelé à Xavier Ouellet. Le message est limpide, là aussi : les jeunes, gagnez votre place. Pas de cadeau.

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L'entraîneur-chef du Canadien, Claude Julien, donne des directives à ses joueurs.

« Ça devient quelque chose comme huit joueurs qui se battent pour cinq postes, » a dit Julien au sujet des luttes pour les rôles de soutien. Et ça reste une évaluation assez conservatrice de la situation.

Ce sera l’ambiance durant tout le camp, une saine compétition dont on a reçu un avant-goût sans équivoque lors de cette première séance officielle d’entraînement. Pourtant, à travers tous les chambardements des prochains jours, il y aura une constante. Le trio qui ne devait pas changer, et qui, évidemment, n’a pas changé.

Phillip Danault, au centre de Tomas Tatar et de Brendan Gallagher.

Jamais il n’a été question de modifier le trio le plus efficace du Canadien de Montréal l’année dernière. Ceci dit, l’été vous a peut-être fait oublier l’ampleur de leur brio. Parlons donc un peu de l’indice Corsi, cette statistique avancée qui calcule quelle équipe dicte le jeu pendant une présence sur la glace. Plus c’est élevé, mieux c’est.

Leur Corsi a été de 61,34 %. Comparons. Prenons par exemple le sublime trio de l’Avalanche du Colorado Gabriel Landeskog, Mikko Rantanen et Nathan MacKinnon. Ils sont à 54,43 %. Regardons donc du côté de Brad Marchand, Patrice Bergeron et David Pastrnak chez les Bruins de Boston : 55,97 %. Brayden Point, Nikita Kucherov et Tyler Johnson chez le Lightning ? 53,73 %.

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Nick Suzuki

C’est beaucoup de chiffres, mais la conclusion est simple. Archisimple même. Danault, Gallagher et Tatar forment l’un des meilleurs trios de la LNH, statistiquement parlant. D’autant plus que leur pourcentage de buts en leur faveur est à 66,1 % (39 buts marqués pour 20 buts accordés à 5 contre 5). Le même tour d’horizon des autres bons trios de la LNH donne la même conclusion : ils sont dans une classe à part. L’élite de l’élite. Et ils l’ont fait contre les meilleurs de la LNH.

Claude Julien a gagné le gros lot en les regroupant. Il y a beaucoup de flair d’entraîneur derrière une telle décision, certainement, un peu de chance aussi.

Comment l’expliquer ?

Brendan Gallagher a d’ailleurs tenté d’expliquer les succès de son trio.

Sa première explication, « pour une raison ou une autre, ça fonctionne », nous laissait sur notre faim. On l’a forcé à un peu plus d’introspection.

« Ces deux joueurs rendent ma vie facile, a-t-il poursuivi. On voit Danault, on parle des détails, mais peu de gens les appliquent mieux que lui. Surtout avec toutes ses responsabilités défensives, contre les meilleurs centres au monde. Tatar a acquis beaucoup d’expérience à Detroit avec des joueurs intelligents et il amène ça dans le groupe. Il comprend le hockey. Pour moi, ça devient plus facile de simplifier mon jeu, d’aller au filet. »

C’est la recette parfaite. Danault est devenu l’année dernière un des meilleurs centres de la LNH. Responsable défensivement, efficace offensivement (12 buts, 41 aides), impitoyable aux cercles de mises en jeu (55,5 % de succès), tenace en récupération de rondelles et en échec avant. Il a reçu à la clé plusieurs votes fort mérités au trophée Selke. Il a été parfaitement complété par Tomas Tatar, qui s’est révélé habile passeur et fabricant de jeu. Puis il y Gallagher qui a été… Gallagher. Avec 33 buts en plus.

On est allés voir Danault pour lui parler des statistiques ahurissantes de son trio.

- « OK, lesquels par exemple ? » a été sa réponse très honnête.

- « Le Corsi. Plusieurs points au-dessus du trio de MacKinnon. »

- « C’est quoi le Corsi ? »

- « (explications du Corsi). Il y a les buts en votre faveur aussi. »

- « Ah oui ? »

C’est le moment où on a compris que ces statistiques étaient peut-être l’arbre qui cachait la forêt. Des détails un peu anodins pour ceux qui essaient au quotidien à faire briller ce trio, la valeur sûre de Claude Julien. Leur succès dépasse les chiffres, c’est surtout une question de tempérament.

« On amène un style différent les trois, a dit Danault. Les trois, on veut aussi jouer défensivement. Ça nous aide à être bons à l’attaque. On travaille avec acharnement. Quand tu travailles, les chances viennent. On a appris à se connaître beaucoup l’an passé et ça peut juste être encore mieux cette année. »

Claude Julien aura plusieurs décisions à prendre au cours des prochains jours. Ce trio sera certainement l’une de ses plus faciles.