Jonathan Drouin nous a montré deux visages depuis le début de la saison.

Celui des trois premiers matchs, statique, un peu trop cérébral, un brin individualiste, en dichotomie avec la nouvelle façon de jouer de l'équipe ; et l'autre, complètement transformé depuis cinq matchs, fougueux, rapide en exécution, émotif.

Le premier a été blanchi à ses trois premiers matchs. Le second vient d'amasser sept points en cinq rencontres.

«Je n'ai pas aimé mes trois premiers matchs, a-t-il confié hier après l'entraînement, avant le départ de l'équipe pour Buffalo. J'ai regardé des vidéos. J'étais trop passif à mon goût. Je suis plus impliqué, davantage en mouvement. J'essaie de créer des choses. Avant, j'attendais, je cherchais à faire le jeu parfait.»

Plutôt que de sévir à son endroit, Claude Julien et les entraîneurs ont cherché les moyens pour le relancer. On a fait quelques séances vidéo sur une base individuelle avec lui, comme on le fait avec chacun des joueurs, insiste Julien.

Électrochoc

À son quatrième match, contre les Penguins de Pittsburgh, il a retrouvé Max Domi au centre (plutôt que Jesperi Kotkaniemi) et joué 24 minutes, sept de plus que son plus haut total des trois premiers matchs. Drouin a obtenu son premier point de la saison au cours de ce match.

«Jonathan n'a pas eu de succès dans les matchs préparatoires, il s'est peut-être mis beaucoup de pression, a expliqué Julien hier. Je voyais un gars qui essayait, mais qui jouait de façon individuelle. Après son premier point, ça lui a enlevé beaucoup de poids sur les épaules. On voit maintenant le vrai Jonathan Drouin. C'est le genre de joueur qu'on avait vu avant l'échange.»

Son retour à la gauche de Domi a eu l'effet d'un électrochoc. Drouin ne pouvait plus se permettre d'être en «réaction» avec des partenaires de trio énergiques comme Domi et Artturi Lehkonen.

Il semble qu'une grande chimie s'est rapidement mise en place entre Domi et Drouin, comme si les deux jeunes hommes, qui proviennent de la même cuvée 2013, avaient passé leur carrière ensemble.

Cette complicité permet de toute évidence à Drouin de se sentir en confiance avec son partenaire et fait en sorte qu'il distribue davantage la rondelle, et plus rapidement, sachant que Domi saura se placer et capter ses passes.

«C'est dur à expliquer, parfois ça clique, parfois non, répond Drouin. [Max] pense comme moi. Il sait comment jouer au hockey. Il n'a pas peur de faire des jeux, il est calme avec la rondelle, son QI hockey est très élevé. Et Lehky [Lehkonen] est fort en échec avant et il possède un bon tir.»

Supériorité numérique

Drouin a aussi un nouveau rôle en supériorité numérique. Il se retrouve désormais au centre de la ligne bleue, dans un rôle de quart-arrière, avec Jeff Petry à sa gauche, Max Domi à droite et deux joueurs à l'orée du filet, Brendan Gallagher et Tomas Tatar.

«C'est arrivé par hasard [samedi] à Ottawa, explique Drouin. [Jeff] Petry s'est retrouvé à ma place sur la bande en milieu de zone offensive [half-wall] et moi à la ligne bleue. Ça a fonctionné puis on en a parlé avec les coachs après et on a décidé de continuer comme ça.»

Sur le jeu en question, contre les Sénateurs, Drouin, de sa nouvelle position à la ligne bleue, a remis à sa droite. La passe un peu trop à gauche n'a pas permis un tir sur réception, mais Domi a récupéré le disque et tiré, pour marquer son premier but de la saison.

En deuxième période hier, à une troisième tentative en supériorité numérique, Drouin a opté pour Jeff Petry à sa gauche. Celui-ci a tiré sur réception et provoqué l'égalité 1-1.

Moins de deux minutes plus tard, en pareilles circonstances, Drouin, encore très patient avec la rondelle, a choisi Domi. Celui-ci, plutôt que de tirer sur réception, a remis à Petry, qui a passé à Brendan Gallagher devant le filet. Le Canadien venait d'obtenir deux buts en supériorité numérique dans le même match pour la première fois de la saison.

Concours de circonstances

Croisé alors qu'il retournait à son bureau après son point de presse, Julien a admis à La Presse qu'il s'agissait d'un heureux concours de circonstances, mais qu'il jonglait déjà avec l'idée de placer Drouin à cet endroit en supériorité numérique.

«J'en avais parlé à Kirk Muller. Jonathan contrôle bien la rondelle à la ligne bleue et il a une bonne vision. Petry a un bon tir. Si on le met de ce côté-là, Jonathan le voit bien, comme il voit bien de l'autre côté en raison de sa vision périphérique.»

Drouin aime bien cette combinaison. «Ça donne des angles de tir différents et surtout des tirs sur réception des deux côtés avec Max et Jeff. Ça ouvre nos options.»

Julien se félicite d'avoir gardé les mêmes combinaisons de joueurs. «On a beaucoup de nouveaux avec Tatar, Domi, et aussi en deuxième vague. Ça prend du temps à bâtir une chimie. C'est pourquoi on n'a pas paniqué en début de saison.»