Ce n'est pas banal de disputer un premier match dans la Ligue nationale à l'âge de 29 ans. Ce l'est encore moins quand on a appris les rudiments du patinage dans le sud de la France afin d'imiter sa grande soeur.

Ce parcours, c'est celui de Pierre-Édouard Bellemare, membre du quatrième trio des Flyers de Philadelphie qui affrontaient le Canadien, samedi soir, au Centre Bell. Entre les premiers coups de patin à Montpellier et les débuts dans la Ligue nationale, l'ailier gauche a écrit un scénario assez unique où l'action a tranquillement débuté en France avant de s'emballer en Suède.

Le choix du hockey dans une région française mordue de soccer? C'est parce qu'il «n'aimait pas courir» et qu'il a «toujours apprécié les choses différentes». Il s'est néanmoins laissé prendre au jeu au fil des matchs et des changements de club effectués sous l'impulsion de sa mère. Après une dernière parenthèse avec les Castors d'Avignon, puis cinq ans à Paris, les choses sont devenues sérieuses quand il a intégré le centre de formation des Dragons de Rouen à l'âge de 16 ans. «Avec ma maman, on a plus ou moins décidé de faire en sorte que le hockey devienne mon travail dans un cadre plus professionnel, explique-t-il en entrevue téléphonique. Rouen était, et est encore, un club formateur et une ville où l'intérêt est le plus gros en France. J'ai fait des tests et ils m'ont accepté.»

D'abord la Ligue Magnus

À l'époque, son rêve était d'évoluer en Ligue Magnus, la première division française. Celui de rejoindre, un jour, la Ligue nationale était carrément inexistant. Peut-être jugeait-il la chose inaccessible, mais l'intérêt pour ce championnat, alors peu visible en France, n'était tout simplement pas là. «Je savais très bien qu'il y avait une ligue aux États-Unis qui était bien plus forte qu'en France, mais je ne suivais pas du tout, avoue-t-il. J'avais bien trop à faire avec l'école et tout le reste pour me consacrer à ça. Puis à l'époque, en France, c'était moins médiatisé qu'aujourd'hui.»

Même pour un oeil habitué aux différentes ligues nord-américaines, il était difficile de prévoir la trajectoire de Bellemare. Son premier entraîneur avec l'équipe première des Dragons, Guy Fournier - qui a quitté le Québec à l'âge de 22 ans -, aurait misé sur une «belle carrière européenne». La LNH? «Je n'aurais pas pu le prévoir», lance celui qui le considère comme un talent exceptionnel. «En général, nos juniors composent notre quatrième trio et les meilleurs jouent sur le troisième trio. Lui, à 20 ans, il était déjà sur les deux premiers et il tournait à un point par match, souligne la figure emblématique des Dragons et de la Ligue Magnus. Il était réellement au-dessus. Il était doué naturellement avec d'excellentes mains.»

Après un titre de meilleur espoir du championnat de France, en 2003-2004, et cinq saisons à Rouen, Bellemare a pris le chemin de la Suède («Pour l'évolution de sa carrière, il valait mieux qu'il parte», reconnaît Fournier). Trois campagnes en deuxième division à Leksand - dont une conclue avec 31 buts en 41 parties - l'ont ensuite propulsé à Skelleftea où il est rapidement devenu un favori de la foule et un grand protagoniste de l'élite suédoise. «En dehors de la patinoire, c'est l'un des joueurs les plus sympathiques que j'ai rencontrés et son rapide apprentissage de la langue a fait de lui une figure populaire parmi les fans ou les médias, résume Mattias Ek, journaliste au quotidien Expressen. Sur la glace, il peut jouer au centre, à l'aile, marquer des buts, et il ne rechignera jamais à faire de bons replis défensifs. Comme ses chiffres le montrent, il s'est bien développé en Suède.»

Sensible à l'appel des Flyers

En Scandinavie, Bellemare confirme avoir appris à évoluer en équipe tout en améliorant son jeu défensif. Au cours des dernières années, ce mélange a d'ailleurs suscité l'intérêt de plusieurs équipes de la LNH, dont les Blackhawks de Chicago, il y a deux saisons. Mais c'est le discours des Flyers, lors des derniers championnats du monde, qui l'a convaincu. «Ce qui m'a fait signer [à Philadelphie], c'est la façon dont ils m'ont parlé de l'équipe, de leurs besoins et de leur objectif, résume le détenteur d'un contrat à deux volets. En arrivant au camp, je ne savais pas à quoi m'attendre. Je voulais juste jouer au hockey et montrer ce dont j'étais capable pour faire partie de l'équipe. Je n'avais aucune sécurité, mais je me disais que s'il fallait essayer, c'était le moment ou jamais.»

Et pour l'instant, les choses tournent plutôt bien pour Bellemare, qui passe plus de 13 minutes sur la glace, en moyenne. Avant le match de vendredi à Columbus, l'ailier gauche avait amassé 4 points, dont 3 buts, en 14 rencontres. Il a même été promu sur la deuxième ligne durant la blessure à un pied de Vincent Lecavalier. Son importance est aussi visible lors des désavantages numériques. «Je suis content de faire ce début-là car j'ai l'impression de pouvoir aider l'équipe défensivement, à quatre contre cinq, et d'apporter de l'énergie. Mais je n'ai pas 20 ans, cela fait 10 ans que je suis professionnel et que je dispute les Mondiaux où j'ai croisé des joueurs de la LNH. J'avais un peu la référence sur le niveau, raconte-t-il. Après, me retrouver sur la même ligne ou sur la même glace qu'eux, c'est vrai que cela reste quelque chose d'incroyable.»