Quand on pense à la Coupe Stanley du Canadien de 1993, celle dont on célèbre en ce moment les 20 ans, on pense souvent aux 10 victoires arrachées en prolongation. Cette année-là, 28 des 85 matchs de séries avaient nécessité la prolongation et 11 d'entre eux avaient impliqué Patrick Roy et ses coéquipiers.

Jamais n'avait-on vu autant de périodes supplémentaires en séries... jusqu'à cette année.

Les deux premiers matchs de la finale opposant les Bruins de Boston aux Blackhawks de Chicago ont nécessité la prolongation, ce qui a porté à 26 le nombre de rencontres (sur 82) qui se sont prolongées. Déjà ex aequo avec le total de 2001, on s'approche maintenant du record de 1993.

Les joueurs en sont-ils venus à s'attendre à une prolongation?

«J'espère que non, a lâché le gardien Tuukka Rask. Ce serait bien de pouvoir gagner à la régulière! Mais il faut être prêt à tout. C'est la finale de la Coupe Stanley.»

On est bien au courant de la fatigue qui s'installe chez les patineurs après d'innombrables allers-retours sur la glace étirés sur quatre, cinq ou même six périodes. Mais ce n'est pas plus évident pour les gardiens.

«C'est différent pour moi, convient Rask. Je reste debout pendant cinq heures. Je ne passe pas tout mon temps à faire des arrêts, mais je dois quand même rester debout et rester concentré. C'est beaucoup de stress mental, et les jambes finissent par se fatiguer.»

Des talons au bout des pieds

Au hockey, il y a plusieurs façons de mesurer ce qui sépare la victoire de la défaite. La largeur d'un poteau. L'épaisseur d'une lame de patin.

Mais on pourrait plaider qu'en prolongation, environ 27,7 cm séparent la victoire de la défaite. C'est la grandeur moyenne des patins dans une équipe de hockey. Et c'est, conséquemment, l'espace qui sépare les talons du bout des pieds.

Et tout se joue là, croit Claude Julien.

«Mes discours avant la prolongation ne durent qu'une minute ou une minute et demie, explique l'entraîneur-chef des Bruins. Et je dis toujours la même chose: ne jouez pas sur les talons. Prenez l'initiative.

«Si tu ne joues pas sur le bout des pieds, tu ne gagneras jamais. Ça se peut que tu perdes, mais tu vas perdre en ayant essayé. Tandis que de jouer sur les talons ne te donne aucune chance.»

Or, selon Julien, les Bruins ont pris l'habitude d'exercer une pression constante quand s'amorce la prolongation. «On ne laisse pas la fatigue devenir un facteur», dit-il.

La confiance des Oursons dans un tel environnement ne fait pas de doute, et explique pourquoi ils présentent une fiche de 5-2 en prolongation durant les présentes séries.

Les Blackhawks ne sont pas en reste, cela dit, avec un dossier de 4-2.

De la parole aux actes

Les Bruins sont heureux d'être sortis de Chicago avec l'égalité 1-1 dans la finale, mais ils ont une leçon à retenir du deuxième match.

«Notre équipe n'avait pas joué une aussi mauvaise première période depuis très longtemps, estime Claude Julien. Je ne m'attends pas à ce que ça se reproduise.»

Comment les Bruins ont joué cette première période? Sur les talons, bien entendu. Ils ont laissé Rask se faire canarder de 18 lancers au cours des 20 premières minutes.

Au premier entracte, des joueurs se sont levés dans le vestiaire pour dire que ça ne pouvait pas durer ainsi. Le vétéran Chris Kelly a été particulièrement loquace.

«C'est un joueur passionné, a raconté Tyler Seguin. Il est encore meilleur quand il utilise cette passion de la bonne façon. Parfois, ses cris sur le banc peuvent être excessifs, mais lorsqu'il est en contrôle comme il l'est depuis quelque temps, il est vraiment un joueur à surveiller. Et on l'a vu samedi.»

Kelly est en effet passé de la parole aux actes en secouant une léthargie personnelle de 23 matchs éliminatoires sans marquer.

L'unité qu'il a pilotée au centre de Seguin et de Daniel Paille à compter de la deuxième période a par la suite marqué le but vainqueur en prolongation.