Le match a eu lieu il y a 25 ans et j'étais déjà bien installé dans l'âge adulte. Jeune reporter heureux d'être au légendaire Madison Square Garden, celui de Joe Louis, de Frank Sinatra et tous les grands.

Pour accéder à la patinoire, il fallait monter jusqu'au cinquième étage, ce que je n'ai jamais compris. À l'étage au-dessous, si la porte de l'ascenseur s'ouvrait, nous étions assommés par une odeur d'excrément. C'était celui des éléphants d'un cirque permanent. Ce problème n'a jamais été réglé. Il faut croire qu'un éléphant, ça chie énormément.

La galerie de presse était située à une dizaine de rangées de la glace, derrière les buts. Nous étions tout près de l'action, assez pour recevoir une rondelle. Il fallait taper sur nos dactylos en fer avec un oeil sur le caoutchouc.

Les fans des Rangers sont peut-être les plus bizarres de la LNH. On voyait des vedettes du spectacle et des rabbins le long des bandes. Ils sont nettement les plus grossiers aussi.

Ce jour-là, ils se contentaient de chantonner Roouu-Aaaa, Roouu-Aaaa, pour déranger le jeune gardien du Canadien. Nous étions le 5 mai 1986, au troisième match de la demi-finale de la Coupe Stanley, et Jean Perron venait d'avoir une idée de génie en tassant deux vétérans pour envoyer au front un grand maigrichon de 19-20 ans qui arrivait des mineures.

En voyant Patrick Roy s'amener de sa démarche lente, en traînant les pieds, on remarquait ses longs bras qui semblaient descendre jusqu'aux genoux. S'il en avait eu huit, il aurait été une pieuvre.

Ce soir-là, Roy a été le premier à le dire, il se trouvait dans une «zone». Une fraction de seconde d'avance sur ses rivaux. On se souvient du chiffre: 44 lancers de la part des Rangers, un peu plus de 10 de la part du Canadien.

Le flandrin arrêtait les rondelles de toutes les façons. On a calculé jusqu'à 13 lancers de suite en une séquence.

À un certain moment, Roy a échappé son bâton et s'est retourné, à genoux, pour le reprendre. Pendant cette seconde, les Rangers lui ont lancé deux fois dans le dos. Je m'étais dit qu'il avait aussi les choses dans l'eau bénite. Ou dans le caca d'éléphant.

En première période de prolongation, avec un score de 3-3, le Canadien s'est échappé à deux contre un et Claude Lemieux a mis fin à un des matchs les plus bizarres de l'histoire du détail. Sauf que... ce but aurait dû être refusé. S'il n'y avait qu'un défenseur des Rangers, c'est que l'autre avait trébuché sur un bâton mal intentionné du Canadien. Celui de Mike McPhee ou Brian Skrudland, il me semble. Carrément enfargé, le pauvre...

L'arbitre n'avait rien vu ou bien avait laissé passer parce que le match s'éternisait. On ne le saura jamais.

Mais ce but n'était pas bon. J'étais sur place. Aussi pas bon que celui d'Alain Côté. J'étais sur place là encore.

Après le match, nous avions trouvé le sympathique entraîneur des Rangers, Ted Sator, la tête dans les mains.

«Qu'est-ce qu'on aurait pu faire de plus?»

Nous n'avions rien trouvé à lui répondre.