Steve Smith n'a pas la réputation d'un gars super sympa. Alors, quand il vous demande ce que vous lui voulez, ça vous prend une bonne réponse. Vite.

« Tu peux répondre à quelques questions, Steve?

- Est-ce que tu vas me poser des questions rhétoriques? «

C'était bien mal parti. C'est là que Charlie Dayton, le vénérable directeur des communications des Panthers de la Caroline, s'est interposé. M. Dayton a expliqué au receveur vedette des Panthers que le reporter de La Presse venait de Montréal, et qu'il voulait aborder «des angles différents».

 

Steve Smith m'a alors lancé un regard qui aurait pu traverser un gilet pare-balles.

« Des angles différents... comme quoi? «

Je me suis mis à suer un peu. J'avais presque le goût de lui demander ce qu'il pensait du jeu des frères Kostitsyn. Ça, ç'aurait été un angle vraiment différent. Mais je lui ai plutôt demandé s'il avait déjà mis les pieds à Montréal. C'est ma question favorite quand vient le temps de briser la glace avec une vedette de la NFL.

«Non, je n'ai jamais mis les pieds à Montréal, mais je connais un joueur des Alouettes, Ken-Yon Rambo, avec qui j'ai fait de la course à l'école secondaire...»

Ken-Yon Rambo est en fait un membre des Stampeders de Calgary, mais je n'allais surtout pas énerver Smith avec ça. Après tout, quand on obtient une entrevue seul à seul avec l'un des meilleurs receveurs du football américain, il faut en profiter.

S'il a mauvaise réputation, c'est un peu à cause de... Steve Smith. Le joueur de 29 ans a bien mal commencé sa saison; après une bagarre au camp d'entraînement avec un coéquipier, il a été suspendu pour les deux premiers matchs du calendrier régulier par son équipe. C'était la deuxième fois qu'il était suspendu pour avoir cassé le nez d'un coéquipier. La première fois, c'était en 2002, au terme d'une bagarre avec le receveur Anthony Bright.

J'aurais bien voulu causer de tout ça avec le principal intéressé, hier midi dans le vestiaire des Panthers. Sauf que pour lui, c'est du passé. «Dans les médias, on fait parfois tout un plat avec pas grand-chose, a-t-il dit. Des fois, la caméra est ton ami, des fois non. C'est une arme à double tranchant. Je ne suis pas prêt à dire que les joueurs d'aujourd'hui sont pires qu'avant; des joueurs qui font des erreurs, ça existe depuis toujours. C'est juste que de nos jours, tout finit par se savoir.»

Chanceux d'être là

Steve Smith peut se considérer chanceux d'être encore là. En 2004, lors du premier match de la saison, le sort lui a donné un sérieux coup de massue: jambe gauche fracturée. Saison terminée. Bref, le genre de blessure qui peut compromettre la carrière d'un type dont le métier consiste à courir très très vite...

«Cette saison-là, j'ai suivi un programme de réhabilitation d'octobre à mars, sans arrêt, explique le receveur. Quand tu subis une blessure comme celle-là, c'est inquiétant. C'était très grave, il y avait des fissures dans ma jambe. Quand je suis revenu au jeu, j'étais un peu hésitant au début...»

Un peu hésitant, mais pas trop, finalement. En 2005, l'année de son grand retour, Steve Smith a récolté 1563 verges de gains (un record d'équipe chez les Panthers), en plus de s'offrir la meilleure saison de sa vie. Il a atteint le cap des 1000 verges en 2006 et en 2007, et pourrait en faire autant cette saison, malgré les deux matchs ratés en raison de sa suspension.

À sa huitième année chez les pros, le numéro 89 des Panthers demeure un receveur d'élite que l'adversaire ne doit jamais perdre de vue. Cette saison, sa moyenne de 17 verges de gains par attrapé nous rappelle que l'homme peut encore faire des flammèches sur le terrain.

«J'étais un peu inquiet après la blessure, a-t-il reconnu. Mais lors d'un match, on ne peut pas avoir peur. On ne peut pas se mettre à penser à la possibilité d'une blessure. Notre sport est violent, et il y aura toujours des risques de blessure. On ne peut pas penser à ça.»

Je lui ai alors demandé à quoi il pensait quand il voyait tous ces joueurs ennemis foncer sur lui. C'est là que Steve Smith s'est mis à sourire devant son casier.

«Sur le terrain, il faut toujours s'assurer de prendre bien soin de soi-même... et il faut prier!»