Jamel Richardson parle. Et il parle beaucoup. Mais ses paroles ne sont pas que du vent. Une fois sur le terrain, le demi inséré répond aux attentes. Portrait d'un leader aussi productif qu'expressif.

Des leaders, il y en a une bonne dizaine chez les Alouettes. D'Anthony Calvillo à Anwar Stewart, en passant par Ben Cahoon et Eric Wilson, des joueurs qui mènent par l'exemple, on en trouve aux quatre coins du vestiaire.

Mais des leaders émotifs, qui galvanisent leurs coéquipiers avec leurs paroles, il y en a deux qui ressortent du lot - et tous les joueurs du club les nommeraient en moins de temps qu'il ne faut pour dire touché: Avon Cobourne et Jamel Richardson.

«Oui, ils sont très volubiles! Ils parlent beaucoup à nos adversaires, mais également dans notre vestiaire. On peut voir la passion qu'ils ont pour leur sport et notre équipe en tire profit, car elle carbure à leur émotion», a expliqué Calvillo, la semaine dernière.

Si les propos de Cobourne sont un peu plus réservés que par le passé, ce n'est pas tout à fait le cas de Richardson. Lorsqu'on lui a demandé ce qu'il pensait de son exclusion de l'équipe d'étoiles de la LCF - malgré qu'il ait fini au premier rang avec 97 attrapés -, le demi inséré n'a pas caché son irritation, quelques jours avant la finale de l'Est.

«Il faut croire que je devrai leur (les médias) en montrer un peu plus, dimanche. Attendez-vous à une bonne performance de ma part, j'ai quelques lapins dans mon chapeau», a-t-il dit, sourire en coin.

Richardson n'a pas l'habitude de parler à travers son chapeau, et les Argonauts viennent de l'apprendre. Le receveur étoile avait déjà 100 verges de gains au milieu du premier quart, et il a terminé son après-midi avec deux touchés.

«La beauté, c'est que ce ne sont pas que des paroles en l'air. Il parle beaucoup, mais il fait le boulot sur le terrain - et c'est rare. On a eu plusieurs joueurs qui parlaient beaucoup, mais qui disparaissaient lors des matchs importants. Ce n'était que du vent. Après un certain temps, on ne les écoute plus. Mais Jamel est aussi productif qu'il est expressif», a dit Calvillo.

Une promesse de victoire

La victoire des Alouettes contre les Argos n'était pas vieille de 15 minutes que déjà Richardson y allait d'une autre déclaration juteuse. Il a prédit une victoire des siens au match de la Coupe Grey, dimanche.

«Je suis désolé si mes opinions dérangent certaines personnes. Mais pourquoi ne penserait-on pas qu'on va l'emporter? On doit aborder chaque match en croyant qu'on va le gagner», s'est défendu Richardson, au lendemain de sa déclaration.

Marc Trestman n'est pas du genre à apprécier ce genre de commentaires. Pas étonnant qu'il répète souvent à Richardson de faire gaffe.

«Tous les joueurs suivent un certain processus de maturité, et je tolère Jamel pendant qu'il suit le sien. Il est l'un de nos joueurs les plus intelligents et travaillants, et il n'y pas d'égoïsme ni de malice chez lui. Mais tout le monde a des défauts et je continue de lui parler de sa volubilité», admet l'entraîneur-chef, qui souligne cependant qu'il ne cherche pas à restreindre l'enthousiasme et l'émotivité de son receveur.

«Jamel ne fait jamais rien qui pourrait nuire à l'équipe, mais il dit parfois des choses qu'il pourrait finir par regretter sur le plan individuel. J'espère qu'il apprendra à mieux maîtriser ses émotions et ses propos. Cela dit, tous les joueurs sont différents et aucun d'eux ne se motive de la même façon.»

Richardson se motive en parlant beaucoup, et il ne semble pas très pressé de changer. Il confirme que Trestman préférerait parfois qu'il soit un peu plus discret, avant d'ajouter qu'il est ainsi fait, n'en «La plupart du temps, les entraîneurs me laissent être moi-même. Je suis émotif et je joue avec mes tripes», tranche Jamel Richardson.

De Regina à Montréal

Lorsqu'il discute de ses succès des dernières saisons, Richardson souligne toujours qu'il a obtenu une véritable chance de s'illustrer chez les Alouettes, ce qui avait plus ou moins été le cas avec les Roughriders de la Saskatchewan.

Au cours de ses quatre saisons à Regina (de 2003 à 2006), il n'a participé qu'à 30 matchs et n'a capté que 113 passes. Or, dès son arrivée à Montréal, en 2008, Richardson s'est élevé au rang des meilleurs joueurs de la LCF. En trois saisons, il a saisi 273 passes et marqué 32 touchés.

«Les Alouettes, c'est vite devenu ma famille. Je suis tellement heureux de pouvoir côtoyer ces joueurs et ces entraîneurs chaque jour. J'ai été très choyé de me retrouver au sein d'une équipe aussi bonne et de connaître autant de succès.»

Les Alouettes, eux, sont choyés de pouvoir compter sur un receveur aussi dominant - et un meneur aussi expressif.

«Si l'un de nos coéquipiers ne joue pas au niveau des attentes, Jamel ne se gênera pas pour le lui dire. Mais il est encore plus exigeant avec lui-même que ses coéquipiers. J'irais au combat avec ce gars-là - et je ne dis pas ça de plusieurs personnes. J'ai une confiance absolue en Jamel», dit Cobourne.

«Je suis très émotif et je n'hésite pas à secouer notre équipe lorsque je sens qu'elle en a besoin. Je devais toutefois obtenir le respect de mes coéquipiers avant de devenir un leader, et je pense avoir réussi suffisamment de jeux au cours des dernières saisons pour l'obtenir», observe Richardson.

De l'essence sur le feu

Pour une deuxième saison consécutive, Richardson affrontera son ancienne formation en finale. Comme il l'a fait cette année, le joueur de 28 ans avait prédit une victoire des Alouettes quelques jours avant la finale de l'an dernier - puis avait largement contribué au gain de 28-27 des Oiseaux. Après avoir échappé quelques passes au premier quart, il avait terminé le match avec huit attrapés pour 113 verges et un touché.

«Si je n'aimais pas la pression et l'attention, je ne ferais pas des déclarations semblables. Mais si on parle beaucoup, on doit être capable de répondre aux attentes. Les joueurs étoiles brillent sous les réflecteurs.»

L'Américain s'attend par contre à ce que les Roughriders obtiennent plus de publicité que son club au cours des prochains jours.

«On possède énormément de talent dans notre équipe, mais les gens et les médias parlent très peu de nous.

«On n'obtient pas le mérite qui nous revient à l'échelle du pays et ça nous irrite. Les gens tiennent nos succès pour acquis et s'attendent toujours à ce qu'on gagne facilement. Or, comme n'importe quelle équipe, on doit travailler très fort afin d'obtenir du succès», souligne Richardson.

«Je sais que les médias vont accorder beaucoup d'attention aux Roughriders. On n'aime pas ça, mais allez-y, vantez-les... Ajoutez de l'essence sur notre feu!»