« Ils m’inspirent. Ça me donne envie d’être comme eux », lâche Émile Giguère, un jeune footballeur de 11 ans, tout juste avant de rencontrer les joueurs des Alouettes et des Carabins de Montréal.

Le jeune homme fait patiemment la file avec son meilleur ami, Arthur Brault, ballon de football entre les mains. Les deux copains font partie des quelques dizaines de personnes venues voir la coupe Grey et la coupe Vanier au pavillon du parc Henri-Bourassa, à Montréal-Nord, mardi soir.

« C’est quand même quelque chose, lance à son tour le sympathique Arthur. C’est Montréal ; on est 2 millions d’habitants contre à côté où ils sont peut-être 30 millions ! On est 2 millions et on arrive à battre tout le monde ! C’est quand même incroyable ! »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Quelques dizaines de personnes venues voir la coupe Grey et la coupe Vanier au pavillon du parc Henri-Bourassa, à Montréal-Nord

C’est la première fois en 43 ans que les deux trophées sont remportés par la même ville. Ce n’est donc pas souvent qu’ils se retrouvent dans la même pièce. Disons qu’il y avait de l’ambiance et beaucoup, beaucoup de sourires.

Il fallait voir la foule scander en chœur des « ohé, ohé, ohé ! », les poings dans les airs, comme si la Coupe Grey venait de se gagner sous leurs yeux. Ou le jeune garçon d’à peine quelques années qui, coton ouaté bleu des Carabins sur le dos, a doucement laissé glisser sa main sur la coupe Vanier après avoir pris une photo avec les joueurs.

« À Montréal-Nord, on sait que ça peut être plus défavorisé, alors d’avoir la chance de rencontrer des jeunes, de leur montrer à quel point croire en son rêve peut être payant… Nous, on était à leur place il y a plusieurs années. Juste de montrer que c’est réalisable si tu crois en toi, que tu mets les efforts… Juste ça, pour nous, c’est magique », dit le secondeur Frédéric Chagnon à La Presse.

Une idée née sous les confettis

Chez les Alouettes, l’idée d’apporter le gros trophée à Montréal-Nord est venue du directeur du personnel des joueurs, Jean-Marc Edmé, lui-même originaire de l’arrondissement. « Quand on a gagné la Coupe Grey, quand j’étais sur le terrain sous les confettis, ma première réflexion, ça a été : je veux l’apporter à Montréal-Nord », nous raconte-t-il.

Au moment où il s’apprêtait à contacter la mairesse, la conseillère municipale Chantal Rossi l’a joint au téléphone. L’évènement a rapidement été organisé.

« C’est beaucoup d’émotions, continue-t-il. Je viens d’ici et, parfois, il y a plus de négatif que de positif qui se passe à Montréal-Nord. En étant ici avec les deux coupes, on fait rayonner Montréal-Nord et on montre qu’avec le sport, on peut faire de belles choses. C’est le but. [Ça] et de motiver les jeunes à continuer de faire du sport, à rester à l’école. »

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Joakim Joseph, 9 ans, avec les joueurs des Carabins

Des six joueurs des Carabins présents sur place, quatre étaient originaires de Montréal-Nord. Du lot, Eduardo-Benjamin Sreng-Flores.

« C’est fou ! s’exclame ce dernier. En 2014, j’étais avec les Béliers et il y avait un coach qui était venu avec la coupe Vanier. On avait fait une cérémonie, c’était vraiment le fun et inspirant. […] Moi, c’est un but depuis le secondaire, de jouer universitaire, de performer. »

Selon l’entraîneur des Carabins, Marco Iadeluca, la présence de joueurs natifs de Montréal-Nord a le potentiel d’inspirer tous ces jeunes footballeurs présents mardi soir.

C’est le fun pour eux de voir que des gars de leur communauté l’ont fait. Le chemin est là, il est tracé ; tu as juste à le suivre.

Marco Iadeluca, entraîneur des Carabins de l’Université de Montréal

Cédrick Ketant, 14 ans et joueur des Spartiates de Calixa-Lavallée, était de ceux-là. « Ça donne le message que si vous voulez avoir ce que vous voulez, vous devez travailler fort comme eux, note-t-il. Les Alouettes, personne n’a cru en eux, mais ils ont quand même réussi. »

Un football en santé

L’image était forte, mardi soir, entre les murs du pavillon du parc Henri-Bourassa. Entre les dizaines de jeunes joueurs de football (les Béliers de l’école Henri-Bourassa, les Louves et Loups du Nord, les Spartiates de l’école Calixa-Lavllée et du cégep du Vieux Montréal) et les joueurs des Alouettes et des Carabins, un fait se détachait : le football est en santé au Québec.

« Il y a beaucoup de potentiel au Québec, à Montréal-Nord aussi, estime Sreng-Flores. Ça vaut la peine de mettre des établissements et des efforts pour le développement des jeunes à Montréal-Nord et à Montréal en général. »

Selon le spécialiste des longues remises des Alouettes Louis-Philippe Bourassa, le football québécois « est à la meilleure place qu’il n’a jamais été ».

« [Ces deux conquêtes sont] juste un statement de la qualité du football, des joueurs qu’on sort au Québec à tous les niveaux, continue-t-il. Il y en a de plus en plus qui réussissent à percer dans la NFL. Dans les programmes universitaires américains aussi. Avant, on ne voyait pas ça. Le football, au Québec, est très en santé.

« Si on compare [nos programmes] avec le reste du Canada, je pense qu’on n’a rien à envier. On est même en tête de peloton. »