Autre semaine, même trame narrative. Si l’unité défensive des Alouettes de Montréal a encore porté l’équipe entière vers la victoire, la démonstration de samedi face aux Tiger-Cats de Hamilton avait quelque chose de spécial. Comme une chanson inédite des Beatles.

À la fin du quatrième quart, le match était hors de portée pour les Tiger-Cats. Le chrono a affiché zéro, et les Alouettes ont filé avec la victoire 27-12, ce qui leur vaudra un voyage à Toronto pour disputer la finale de l’Est.

Frustrés de s’être fait battre pour la quatrième fois de la saison par les Montréalais, les joueurs de Hamilton ont provoqué un brasse-camarade suffisamment important pour que les bancs des deux équipes se vident.

Pendant que les officiels tentaient de séparer les dizaines de joueurs empilés les uns sur les autres et que les mouchoirs volaient au-dessus de la mêlée, comme une scène de lutte entre Gaulois et Romains, le disc-jockey maison a fait retentir Imagine, de John Lennon.

Dans les gradins, les 20 127 spectateurs ont sorti leurs téléphones cellulaires, et comme lorsque Patrick Norman a chanté Quand on est en amour sur les plaines d’Abraham, tout l’espace a été dominé par de petites lumières blanches.

« Avec les lumières et le bye-bye… J’ai toujours rêvé de chanter na-na-na, na. Je l’ai fait dans les estrades, mais là, sur le terrain. Je vis mon rêve en ce moment. C’est incroyable, j’en profite le plus possible », a confié Marc-Antoine Dequoy, auteur de la dernière interception du match.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Marc-Antoine Dequoy

Fier et ravi, Dequoy savait trop bien que si cette victoire avait été acquise, c’était grâce à l’unité défensive. Toute la saison, la seule chose à n’avoir jamais flanché dans le camp des Alouettes a été le rendement de la défense. Chaque semaine, elle a été intransigeante, dévouée et productive.

Et c’est demeuré vrai dans le match le plus important de la saison. Les Alouettes ont réussi cinq sacs du quart, deux interceptions et ont rabattu huit passes.

Une étoile est née

Puis, si on attendait Marc-Antoine Dequoy, Tyrice Beverette et Reggie Stubblefield, ce sont des joueurs évoluant plus dans l’ombre qui ont fait pencher la balance. À commencer par Darnell Sankey, auteur de deux sacs du quart et une interception.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Darnell Sankey (1)

Je suis fier de moi. J’ai fait de gros jeux. Si tu veux gagner la Coupe Grey, tu dois faire ce genre de jeux. Ils ont une bonne équipe, mais on savait qu’on était une meilleure équipe.

Darnell Sankey

Le coordonnateur défensif de l’équipe, Noel Thorpe, a reconnu que l’apport de Sankey avait été déterminant. « Ce joueur peut faire mal à l’adversaire. Il contrôle le milieu du terrain, et c’est ce qu’on demande à nos secondeurs. Il l’a montré. Il était partout aujourd’hui. Il a tellement d’habiletés. Il est tellement physique. »

Shawn Lemon n’est pas en reste. L’ailier défensif a réalisé deux sacs du quart.

Et que dire de Lwal Uguak ? L’ailier défensif n’a jamais cessé de s’améliorer cette saison. Ses adversaires se sont butés à lui du début à la fin. « Il est grand, il a l’habileté de bloquer et de rabattre des passes. On le savait qu’en sortant de l’université, c’est quelque chose qu’il savait faire », a indiqué Thorpe.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Lwal Uguak

Avec tout ça, les Alouettes n’ont donné que des miettes à leurs rivaux. Seulement quatre placements, aucun touché et 259 verges d’attaque. « C’est la même cassette chaque semaine, a souligné l’entraîneur-chef Jason Maas. Ils jouent à un très haut niveau chaque semaine. Leur ténacité et leur combativité, sans oublier que Noel [Thorpe] choisit des jeux offensifs. Personne n’est égoïste dans cette défense et ils possèdent de la confiance et de l’expérience. C’est une combinaison dangereuse. »

Soirée unique pour Fajardo

Même si la défense aura été névralgique pour le succès de l’équipe, l’attaque menée par Cody Fajardo a su faire flèche de tout bois. Le front défensif des Tiger-Cats était une menace, le quart-arrière l’avait laissé entendre quelques jours auparavant.

Malgré le peu d’espace, Fajardo a été impressionnant par la course, mais il a surtout été précis aux moments opportuns. Deux fois il a trouvé ses receveurs dans la zone payante après avoir navigué dans sa pochette. Austin Mack pour un touché de 30 verges au deuxième quart. Puis Jake Harty sur 14 verges en fin de quatrième quart.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Cody Fajardo (7)

Sans être extraordinaire, le rendement de Fajardo a été suffisant. Contrairement à celui du porteur de ballon William Stanback, d’ailleurs, qui a miné le jeu au sol, incapable de trouver les brèches avant le quatrième quart.

Mais Maas n’a pas ménagé ses éloges pour Fajardo à la fin du match : « À ce moment-ci de l’année, tu fais tout ce que tu peux pour obtenir le premier jeu. Ça vient avec des sacrifices. Ça se produit aussi durant la semaine de préparation quand Cody arrive à 6 h. Voilà des sacrifices consentis par Cody toute l’année, et c’est pour ça qu’il est si respecté dans ce groupe. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

L’entraîneur-chef des Alouettes, Jason Maas

Son protégé a complété le match avec 15 passes réussies en 23 tentatives, 212 verges par la passe et 62 verges au sol.

Et pour la première fois depuis 2019, Tim Fajardo, le père de Cody, était dans les gradins pour voir jouer son fils. « Le football est très important dans ma famille et c’était important pour moi de la voir là. Parfois, quand les choses n’allaient pas dans le bon sens, c’était bon de savoir que je pouvais regarder vers mon père dans les tribunes. »

Avec tout ça, les joueurs des Alouettes pourront se permettre d’arriver confiants en eux et sereins dans la Ville Reine. Même si les Argonauts ont conclu la saison avec un dossier de 16-2, Montréal peut croire en ses chances si la défense se lève comme lors du match de samedi.

Ultimement, ça ne coûte rien d’y croire. « Si tu ne crois pas en toi, tu ne peux pas gagner. On pense qu’on est la meilleure équipe de la ligue, je n’ai pas peur de le dire et personne ici dans ce vestiaire n’a peur de le dire. Si tu es un athlète et que tu ne crois pas pouvoir être le meilleur, tu as déjà perdu. On veut gagner une Coupe Grey, donc il faut y croire. C’est tout », a lancé Sankey dans le vestiaire.

Vous pouvez dire que Sankey est un rêveur, mais il n’est pas le seul.

Comme dans une chanson de l’ex-Beatle, il suffit d’imaginer. Et de se dire que tout est possible quand un groupe reste aussi uni.