John Bowman jongle avec l’idée de prendre sa retraite depuis quelques années déjà. Ultimement, c’est la crise de la COVID-19 qui risque de forcer l’ailier défensif des Alouettes à se retirer.

« S’il n’y a pas de football cette année, il n’y a aucun doute dans mon esprit que ce serait la fin de ma carrière », a confirmé Bowman en entrevue téléphonique, mardi.

Premier au chapitre des sacs dans l’histoire des Alouettes avec 134 en carrière, Bowman est également vice-président de l’Association des joueurs de la Ligue canadienne de football (LCF).

Il est ainsi directement impliqué dans les discussions concernant un éventuel retour à la compétition du circuit canadien, dont les camps d’entraînement devaient à l’origine s’amorcer le week-end dernier.

« Lorsqu’on recevra le feu vert, on retournera au travail, mais il est essentiel d’établir comment on pourra le faire de façon sécuritaire. On ne sera donc pas pris de court si on peut reprendre nos activités. L’Association des joueurs et la Ligue travaillent donc étroitement afin d’avoir un plan en place en ce sens. »

« Pour le moment, on suit les recommandations des agences de santé publique. On doit continuer de respecter les mesures de distanciation physique jusqu’à nouvel ordre. »

Entretien positif

Il y a deux semaines, le commissaire de la LCF, Randy Ambrosie, a fait son plaidoyer auprès du comité de finance canadien en vue d’obtenir une aide gouvernementale qui pourrait atteindre la faramineuse somme de 150 millions afin d’aider la ligue à traverser la crise de la COVID-19. Comme plusieurs, Bowman n’a pas été très impressionné par Ambrosie, qui a offert très peu d’explications au comité en question.

« Ça fait 14 ans que je joue dans cette ligue et je ne connais rien au plan d’affaires de la ligue ni à sa structure financière. Ce qui m’a le plus déçu dans la présentation d’Ambrosie, c’est qu’il n’avait pas vraiment de plan et que les joueurs n’étaient pas représentés. Ils n’avaient même pas été consultés au préalable. »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

John Bowman (7) a disputé 14 saisons avec les Alouettes.

Bowman et l’Association des joueurs ont cependant eu des discussions positives avec trois membres du Parlement canadien la semaine dernière : Kevin Waugh, Steven Blaney et Blake Richards.

« Ce fut très positif comme entretien. On ne veut pas seulement défendre les intérêts des joueurs, on a également fait valoir l’importance de la LCF pour l’économie canadienne, pour les gens qui travaillent dans les stades, de même que pour les jeunes qui jouent au football et qui rêvent de faire carrière au football professionnel. »

« La LCF touche indirectement beaucoup plus de gens qu’on semble le croire. Je ne connais pas la somme d’argent dont la ligue a vraiment besoin. Ce que je sais, c’est que les joueurs devraient avoir leur mot à dire. »

Argent canadien pour joueurs américains ?

En excluant celui des quarts-arrières, le salaire de la très grande majorité des joueurs de la LCF s’est situé entre 50 000 et 100 000 $ en 2019. De bons salaires, certes, mais en rien comparables à ceux que touchent les joueurs de la NFL ou de la LNH.

Mais la possibilité que des joueurs professionnels puissent obtenir une aide financière à partir de fonds publics ne sera jamais vue d’un bon œil, et pour cause. Encore moins lorsqu’approximativement la moitié de ces joueurs sont américains…

Or, Bowman s’explique mal le tollé qu’une pareille situation serait certaine de provoquer auprès du public.

« Si un groupe d’amis commande de la pizza et qu’ils paient tous leur juste part, je pense qu’une personne devrait pouvoir apporter sa part chez elle. On paie des impôts et des taxes au Canada comme tout le monde, alors l’aide que les joueurs demandent n’est pas un don. Je reçois des T4 tous les ans comme vous. »

« À mon avis, seuls les joueurs ayant disputé la saison dernière et qui ont encore un contrat devraient pouvoir toucher cet argent puisqu’ils ont payé leur part d’impôts. Non seulement on paie de l’impôt comme tous les citoyens, on doit également en payer à notre retour aux États-Unis, en plus de perdre 30 % de la valeur de notre argent [taux de change]. »

Des scénarios étudiés

Comme la LNH, la NBA et le baseball majeur, la LCF a récemment étudié la possibilité d’installer ses neuf équipes dans quelques villes afin d’y disputer sa saison, qui ne s’amorcera pas le 11 juin comme il était prévu. Regina pourrait être l’une de ces villes si un tel scénario voyait le jour.

« Oui, on a discuté de ce scénario, de même que celui de jouer dans quatre villes au total. On doit étudier toutes les possibilités, et c’est ce qu’on fait », a expliqué Bowman.

« Plusieurs facteurs doivent cependant être considérés, dont notre rémunération, le voyagement, les repas et l’hébergement. À titre d’exemple, il n’y a que trois ou quatre hôtels à Regina. Ce ne serait donc pas si simple de loger plusieurs équipes. »

« On discute de tous les aspects et on a analysé ce qui me semble être un million de scénarios différents. Mais au final, ce ne sera pas notre décision. »

Les joueurs espèrent pouvoir jouer et on aimerait être l’une des premières ligues professionnelles à reprendre ses activités. Mais tant et aussi longtemps que ce ne sera pas sécuritaire de le faire, on ne le fera pas.

John Bowman

« Le football est déjà un sport extrêmement dangereux. Chaque fois qu’on saute sur le terrain, on peut y laisser un bras ou une jambe. On ne devrait donc pas avoir à s’inquiéter de contracter un virus hyper contagieux en plus. On veut donc s’assurer que ce soit le plus sécuritaire possible avant de recommencer à jouer », a martelé le chasseur de quarts, qui n’a toujours pas décidé s’il disputerait une 15e et dernière saison s’il devait y avoir du football dans quelques mois.

« Je n’ai toujours pas pris de décision définitive, et à vrai dire, ce n’est pas seulement la mienne. J’ai très peu parlé à Danny Maciocia [le directeur général des Alouettes]. J’ai un contrat pour 2020, mais ça ne veut pas dire grand-chose au football, les contrats étant rarement garantis.

« De toute façon, comme la plupart des gens, j’ai d’autres préoccupations pour le moment. On traversera cette rivière au moment opportun. »