(MIAMI) Laurent Duvernay-Tardif fait beaucoup parler de lui en cette semaine de Super Bowl à Miami. Il y a cependant un autre joueur qui participera au match de dimanche qui s’illustre par ses idées et ses qualités d’orateur.

Si l’Association des joueurs de la NFL se cherche un nouveau président un jour, elle devrait sérieusement considérer Richard Sherman pour le poste. Le demi de coin des 49ers de San Francisco n’a jamais eu la langue dans sa poche et est très doué pour argumenter, même s’il avoue s’être assagi un peu.

« Je suis le père d’un garçon de 5 ans et un homme marié, alors plusieurs choses fondamentales ont changé (depuis sa première participation au Super Bowl il y a six ans). Je dirais que je suis plus patient et compréhensif, je suis plus introspectif. »

Sherman a parlé de deux enjeux qui l’interpellent particulièrement au cours des derniers jours à Miami : du prochain contrat de travail entre la NFL et l’Association des joueurs, plus précisément du désir des propriétaires d’augmenter le nombre de matchs par saison ; et du faible nombre d’entraîneurs-chefs issus de minorités qui sont embauchés.

Des rumeurs circulent selon lesquelles une nouvelle convention collective pourrait voir le jour sous peu. Sherman en doute fortement.

« Je pense que ce n’est que de la spéculation et que ce sont les propriétaires qui utilisent les médias pour contrôler le discours. En toute honnêteté, je ne pense pas que l’idée de disputer plus de matchs ait beaucoup de soutien parmi les joueurs. Et si la ligue insiste sur ce point, je crois que les négociations seront beaucoup plus longues. »

PHOTO KIRBY LEE, USA TODAY SPORTS

« C’est très étrange à mes yeux. La ligue soutient que la santé des joueurs est sa plus grande préoccupation, mais il y a manifestement un prix qui y est rattaché. Cette santé devient secondaire lorsqu’il est question de disputer 17 matchs et faire plus d’argent. »

« Les joueurs sont plus conscients de leur santé, de leur longévité et de leur qualité de vie après le football. La ligue prétend qu’elle l’est tout autant. Elle change des règlements, donne des amendes aux joueurs qui donnent des coups illégaux, puis elle propose d’ajouter un match, et c’est deux matchs en réalité. Ils parlent de 17 afin de pouvoir augmenter à 18 », croit Sherman.

« Personne n’a la bravoure de dénoncer cette hypocrisie. J’espère qu’un jour, quelqu’un sera assez brave pour le faire. »

Le blâme aux médias

Quant à la question du peu d’entraîneurs issus de minorités qui sont embauchés malgré le fameux Rooney Rule, Sherman a montré les médias du doigt lorsqu’on lui a demandé quelle lecture il faisait de la situation.

« Je suis un joueur afro-américain et je pense que j’ai parlé haut et fort et le plus que je pouvais à ce sujet. Je mets la responsabilité sur vous, les médias. Vous demandez l’opinion aux joueurs, qui n’ont absolument aucun droit de regard sur ça. Mais vous ne mettez aucune pression sur les gens qui prennent les décisions, en occurrence les propriétaires. Vous ne voulez par leur déplaire. Au bout du compte, c’est de votre faute », a lancé Sherman.

« Allez poser la question aux types qui prennent ces décisions, ceux qui embauchent et congédient ces entraîneurs. Peut-être ne voulez-vous pas des réponses parce que vous connaissez déjà la vérité au fond ? »

Sherman s’est toujours démarqué par son franc-parler et vivacité d’esprit. Certains l’apprécient beaucoup, d’autres ne le blairent pas.

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Kyle Shanahan, l’entraîneur-chef des 49ers.

« Richard est l’un des joueurs les plus intelligents que vous rencontrerez. Il est nettement mieux articulé que moi et l’est plus que la plupart des gens, sauf les anciens de l’Université Stanford comme lui, par exemple notre DG (John Lynch) », a résumé Kyle Shanahan, l’entraîneur-chef des 49ers.

De retour au sommet

Joueur de premier plan durant sa carrière avec les Seahawks, Sherman a surpris bien des gens en redevenant l’un des bons demis de coin de la NFL chez les 49ers. Il a lui-même négocié son contrat avec les Niners en 2018.

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Richard Sherman (25)

« Je me suis déchiré le tendon d’Achilles et j’ai été libéré (par les Seahawks). Mais on peut accomplir presque n’importe quoi si on y croit et qu’on travaille fort pour y parvenir. Je ne me suis jamais dit que je ne redeviendrais pas le joueur que j’étais auparavant, c’était la barre, et je savais que je l’atteindrais », a raconté Sherman.

La tertiaire des 49ers a connu une excellente saison en 2019. Elle a bien sûr profité d’un front défensif dominant devant elle, mais le groupe a très bien fait et Sherman a été son meneur. Grâce à son talent et à son expérience, de même que sa robustesse et une combativité que l’on voit rarement à sa position.

« La réputation des demis de coin est celle de ne pas vouloir plaquer. Je pense qu’il est pourtant essentiel que les demis défensifs s’impliquent contre le jeu au sol pour avoir une défense dominante. »

« Lorsqu’il y a une victoire et une défaite dans l’équation, je deviens une personne extrêmement intense et compétitive. Mes parents et mes enseignants l’ont vite remarqué. Si vous mettez un enjeu, qu’il s’agisse d’un concours d’épellation, d’un quiz, peu importe quoi, je vais faire tout ce que je peux pour gagner. »

Sherman voit par ailleurs des similitudes entre son équipe actuelle et celle des Seahawks qui a remporté le Super Bowl contre Denver.

« Deux équipes avec la mentalité du négligé. Plusieurs de nos joueurs ont été libérés ou étaient considérés comme des flops en tant qu’anciens choix de premier tour il n’y a pas si longtemps. »

Son ami Kobe

C’est dans l’avion qui transportait les 49ers à Miami que Sherman a appris la mort tragique de son ami Kobe Bryant, dimanche soir. Les deux hommes s’étaient liés d’amitié au début de la décennie dernière.

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Une murale illustrant Kobe Bryant et sa fille Gianna, tous deux morts dans un écrasement d’hélicoptère, dimanche dernier

« J’ai rencontré Kobe lors d’un tournage pour Nike en 2011 ou 2012. L’un des représentants de la compagnie m’a dit que Kobe me précéderait dans le tournage et m’a demandé si je voulais le rencontrer, ce que je souhaitais au plus haut point. »

« On dit souvent que ce n’est pas une bonne idée de rencontrer vos héros parce qu’ils ne seront pas à la hauteur de vos attentes. Kobe a excédé les miennes. L’une des personnes les plus authentiques que j’ai connues. »

« On a eu plusieurs discussions ensemble et je sais quelles étaient ses valeurs. Il était un homme bon, un bon père et un grand joueur. J’étais convaincu qu’il serait reconnu pour beaucoup plus que sa carrière au basketball un jour. Je sais qu’il se serait illustré comme homme d’affaires et philanthrope. C’est très triste de savoir qu’on ne le verra pas atteindre son plein potentiel. »