Johnny Manziel a quitté les Alouettes et la Ligue canadienne depuis bientôt un an, mais cette infâme transaction hante toujours l’organisation, et vient nuire au travail de relance de Danny Maciocia.

L’enthousiasme était au rendez-vous, mercredi midi, lors du meeting dinatoire entre les médias et les entraîneurs de l’équipe, animé par le charismatique entraîneur-chef Khari Jones. Maciocia est évidemment au coeur du mouvement de positivisme dans le camp des Alouettes, mais il a ses préoccupations.

Le nouveau DG des Alouettes voit entre autres arriver le repêchage canadien avec un pincement au coeur. Son prédécesseur Kavis Reed a non seulement cédé l’ailier défensif canadien Jamaal Westerman pour obtenir l’ancien gagnant du trophée Heisman, mais aussi des choix de première ronde en 2020 et 2021. Manziel, acquis sous l’insistance de l’ancien entraîneur Mike Sherman, a pris part à seulement huit matchs pour les Alouettes.

« C’est tout un défi de ne pas avoir de choix de première ronde cette année ni l’an prochain, confiait Maciocia mercredi midi à La Presse. On va ressentir les effets négatifs de ne pas pouvoir mettre la main sur deux excellents joueurs canadiens. Cette année en plus, il y a d’excellents joueurs disponibles qui pourraient avoir un impact dès leur première année, en particulier au Québec. En plus, ce sont des joueurs à leur première année de contrat et ça nous aide à mieux gérer notre plafond salarial. Mais ça donne quoi d’en reparler, ça fait partie de notre réalité et je le savais en acceptant le poste… »

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Le nouveau directeur général des Alouettes, Danny Maciocia, discute avec l'analyste Pierre Vercheval.

Maciocia pourrait toujours effectuer une transaction pour récupérer un choix de première ronde, mais les directeurs généraux s’accrochent généralement à leurs choix, à moins de s’appeler Kavis Reed. « C’est très difficile à réussir. Dans le passé, on a vu ce que ça coûtait. On parle d’un quart comme Mike Reilly. On connaît la valeur d’un choix de première ronde. »

Fraîchement retraité, le nouvel entraineur adjoint de la ligne offensive, Luc Brodeur-Jourdain, partage les préoccupations de son patron. « Tu as besoin d’un quart-arrière pour connaître du succès dans la Ligue canadienne, mais sinon, ton "coeur canadien" va te faire gagner les matchs importants. Et ce "coeur", tu le formes avec le repêchage canadien. Si tu hypothèques ton talent canadien futur pour trouver un quart-arrière productif immédiatement, c’est un bon échange. Sinon, ce n’est pas justifiable. Ça fait mal, et ça va faire mal. C’et le casse-tête dans lequel Danny doit manœuvrer. »

Le prix des mauvaises décisions

L’entraîneur des porteurs de ballon André Bolduc, en outre récemment promu à titre d’adjoint à Khari Jones, a observé en silence, du moins publiquement, les nombreuses décisions incompréhensibles des Alouettes ces dernières années.

« Je n’y ai jamais cru (à Manziel). J’ai voté quatre fois contre cette transaction (dans nos meetings) avant qu’elle ne se produise finalement. Je n’étais pas le seul. Moi, ça ne changeait rien à mon unité. Je m’occupais des porteurs, on protégeait notre quart-arrière. Notre rôle n’a pas changé. Mais ça n’était pas un quart-arrière discipliné dans tout ce qu’il faisait, alors c’était difficile pour tout le monde. »

L’absence de choix de première ronde pour les deux prochaines années préoccupe Danny Maciocia, mais rien ne le tracasse davantage que la gestion du plafond salarial. Un autre cadeau empoisonné de son prédécesseur.

À l’heure actuelle, je n’ai aucune marge de manœuvre, zéro.

Danny Maciocia

Le plafond va être tellement important. On va le régler dans les prochains jours. On va avoir des choix difficiles à faire. Si on veut aller chercher des joueurs à certaines positions, il faut avoir de l’argent. Est-ce qu’on va être agressifs sur le marché, dans trois semaines ? Ça dépend de l’argent à ma disposition. »

Maciocia et les Alouettes devront vivre avec des contrats pour des joueurs non-désirés. « On va continuer à les payer et leur salaire occupera de la place sur la masse, mais ils ne feront pas partie de l’équipe cette saison. On appelle ça dans notre jargon du dead money. Certains sont au courant. On est en train de négocier avec eux. On va modifier leur contrat, sinon on va les libérer. Tu t’attends toujours à hériter des problèmes quand tu acceptes un job, mais c’est loin d’être parfait. On ne peut s’en servir comme excuse, on s’attend à être compétitifs, mais ça fait partie de notre réalité. »

Mais heureusement pour l’équipe, les bonnes nouvelles contribuent à enterrer les mauvaises. Un vent d’optimisme souffle sur l’organisation, l’entraîneur-chef est sous contrat pour plusieurs saisons, le quart-arrière numéro un Vernon Adams fils l’est également.

« Il n’y a pas eu beaucoup de stabilité ces dernières années, dit Maciocia. Il n’y en a pas eu au poste de quart depuis Anthony Calvillo. On a maintenant un jeune avec qui on a confiance de gagner, il a 26 ans et il adore Montréal. J’espère aussi qu’on va garder le staff d’entraîneurs ces prochaines années. On a un président dynamique, un propriétaire qui veut être ici à long terme. C’était une des conditions pour moi avant d’accepter le poste de m’assurer de cette stabilité à tous les niveaux. Quand on regarde le succès passé des Alouettes, il y avait de la stabilité avec Jim Popp, Don Matthews, Larry Smith, Anthony Calvillo. »

Même à la tête des Carabins de l’Université de Montréal, notre homme a vécu difficilement les dernières années. « J’ai trouvé ça tellement dur. Quand j’étais jeune, j’allais voir beaucoup de matchs des Alouettes et des Concordes. J’ai assisté à mon premier match de la Coupe Grey à dix ans en 1977 contre les Eskimos. J’ai fait du bénévolat en 1996 et en 1997. Ça m’a fait mal au cœur, et j’ai même eu peur de revivre le départ des Alouettes. »

Danny Maciocia sent le nouvel engouement pour les Alouettes. « L’autre soir, j’étais au Centre Bell, je ne compte plus le nombre de personnes qui m’arrêtaient pour me parler des Alouettes. Ça m’a beaucoup inspiré. En 2009, on avait 17 000, 18 000 détenteurs de billets de saison, on jouait à guichets fermés. Il y avait de l’ambiance. Tout le monde se cherchait des billets. Le football au Québec est en santé, si on peut ramener tout ça avec la stabilité, on peut rêver de le revivre. »

Ils ont dit : André Bolduc

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L’entraîneur des porteurs de ballon des Alouettes, André Bolduc.

« On a eu beaucoup d’incertitudes au fil des années, on a eu toutes sortes de gens ici à des positions-clés dans l’organisation. Depuis un an, on sent une stabilité, si on compare aux programmes qui ont du succès en Amériques du Nord, tous sports confondus. Khari Jones est ici pour trois ans, il a amené son staff à 80 %, on a un DG passionné qui vient de la place, un président passionné, dont c’était le rêve de devenir président. On a un proprio qui semble nous appuyer dans tout ce qu’on veut faire. C’est un bel environnement en ce moment. Le logo, les gars et les fans l’aiment beaucoup. Tout ça mis ensemble, on va dans la bonne direction.

« Les dernières années ont été difficiles. Quand Jacques Chapdelaine a été nommé, je me suis dit : "Enfin un francophone à la tête des Alouettes". Je voulais que ça marche, ça n’a pas fonctionné. Ça me rendait triste. Puis après, tu rentres dans le moule, tu te dis c’est mon travail et je suis payé pour le faire. Ce n’est pas comme ça que ça devrait marcher. Si on travaille dans le sport, on doit être passionné à chaque jour. C’est ça qui m’allume. C’était rendu un emploi où je ne savais même plus quoi dire aux fans. Tu te fais toujours poser les mêmes questions. Je venais travailler, mais là c’est le fun. »

« Khari Jones, sa façon de communiquer, avec nous, avec les fans, c’est contagieux. Il y a beaucoup de choses qu’on aime chez lui, c’est un père de famille, c’est un gars qui écoute beaucoup, il ne fait pas juste parler. Ça part de lui. Déjà, en une semaine, de pouvoir travailler avec Danny, c’est vraiment plaisant. Danny vient nous parler, il nous donne de l’information, il sait que ça doit être secret, il nous fait confiance. On est entre bonnes mains. »

Ils ont dit : Luc Brodeur-Jourdain

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Le nouvel entraineur adjoint de la ligne offensive des Alouettes, Luc Brodeur-Jourdain.

« J’étais capable de comprendre la limitation de mon pouvoir ces dernières saisons, j’étais un joueur. J’essayais d’être productif, positif. C’était un défi quotidien. C’était de toujours aborder les choses avec un sourire. Ça a été difficile dans un certain sens. Je faisais les entrevues après les matchs et j’expliquais pourquoi on avait perdu le match, j’étais quand même factuel dans mon approche, mais de réussir à camoufler mes émotions était le défi principal. Je n’avais pas nécessairement envie de faire parler mon cœur à tout moment. Mon cœur est plus léger en ce moment. Et je sens l’enthousiasme des fans. Avant, la tape dans le dos, c’était lâchez pas, vous êtes capables. Maintenant c’est continuez, on est fiers de vous autres ! »

« L’an dernier, on n’était pas voué à grand-chose à l’origine. J’ai vu le changement dans le processus (avec Khari Jones). On s’est arrangé pour avoir des joueurs frais pour les matchs. Clairement au fil des rencontres, on était capable de revenir en deuxième demie et on a fait de gros retours. Ça démontre à la fois du caractère et une disponibilité d’énergie. Une disponibilité d’énergie, ça veut dire se préparer durant la semaine à disputer un match de football, et non pas jouer un match de football à tous les jours (en référence aux méthodes de Mike Sherman). On a modifié la dose et ça a rapporté des dividendes. C’est difficile d’être de la nouvelle école quand ton dirigeant est de la vieille école… »