Les athlètes professionnels devraient-ils être obligés de répondre aux questions des journalistes? Selon la Ligue nationale de football, oui. C'est pour ça qu'elle a infligé une amende de 100 000 $ à Marshawn Lynch en novembre dernier.

Cela fait un an que la réticence du porteur de ballon des Seahawks de Seattle à parler aux médias fait les manchettes. Ce fut entre autres l'un des principaux sujets d'actualité lors du Super Bowl de l'année dernière, au New Jersey.

Depuis qu'il a été mis à l'amende il y a deux mois, Lynch répond aux questions qui lui sont adressées de trois ou quatre façons différentes: «merci de me le demander», «oui», «peut-être»... Après un match, l'ancien premier choix des Bills de Buffalo aurait répondu à 22 questions avec un total de 50 mots.

Pour expliquer son refus de s'entretenir régulièrement avec les médias, Lynch soutient qu'il a de la difficulté à faire quelque chose lorsque cela est exigé de lui. Il a également évoqué ses origines, ayant grandi dans un milieu défavorisé d'Oakland, en Californie.

Que ce soit pour une raison ou une autre, il est clair que Lynch n'est pas à l'aise lorsqu'il y a des micros et des caméras autour de lui. Et selon bien des gens, dont le golfeur Rory Mcllroy, qui s'est récemment porté à la défense du demi offensif sur Twitter, Lynch ne devrait pas être tenu de parler aux médias si ça l'angoisse.

C'est un avis que partagent des dizaines de milliers d'amateurs, si l'on se fie à une pétition lancée par un partisan des Seahawks sur le site GoPetition.com. En gros, la pétition demande à la NFL de réviser sa politique média et de cesser son «intimidation financière», autrement dit de mettre à l'amende les joueurs qui ne veulent pas se plier aux demandes des médias.

Pendant que cette controverse continue d'alimenter les discussions, Lynch continue de faire parler son immense talent. Cette saison, il a mené la NFL pour une deuxième année d'affilée avec 13 touchés au sol et il en totalise 48 à ses quatre dernières campagnes.

Celui que l'on surnomme Beast Mode a également récolté 1306 verges au sol, dépassant ainsi le plateau des 1200 pour une quatrième année consécutive. Cette autre excellente saison lui a valu sa cinquième invitation au Pro Bowl, sa quatrième de suite.

En regardant Lynch jouer, on a l'impression qu'il est l'un des demis les plus imposants de la ligue. Or, il mesure 5'11 et pèse 215 lbs, ce qui est au plus dans la moyenne des joueurs à sa position. Mais quel rouleau compresseur! Qui ne se souvient pas de sa course en séries contre les Saints de La Nouvelle-Orléans, il y a quatre ans? Lynch avait résisté à neuf plaqués avant d'inscrire un touché sur ce jeu.

Ce qui est peut-être le plus remarquable dans le cas du joueur de 28 ans, c'est qu'il a toujours fait partie d'attaques dont le jeu aérien était médiocre depuis qu'il est dans la NFL, autant à Buffalo qu'à Seattle. Imaginez les ravages qu'il pourrait faire si les Seahawks possédaient un receveur de premier plan.

Un homme d'affaires

Ce sont justement son style de jeu et ses courses effrénées qui ont valu le surnom de Beast Mode à Lynch. Un terme qui est devenu une marque déposée (trademark) du demi offensif. Selon ESPN, Lynch exige 20% des ventes aux entreprises avec lesquelles il accepte de faire affaire et qui utilisent l'appellation Beast Mode. Il refuserait cependant plusieurs offres d'entreprises désireuses de s'associer à lui.

Lynch a également conclu une entente avec la marque de friandises Skittles, dont il raffole. Tous les profits qu'il génère avec ces deux ententes (Beast Mode et Skittles) sont remis à sa fondation Fam 1st Family Foundation, qui vient en aide aux enfants de milieux défavorisés dans la région d'Oakland et à travers les États-Unis.

Lynch a la graine d'un businessman, il va sans dire. Insatisfait du salaire qu'il devait originellement toucher en 2014, il ne s'est d'ailleurs pas présenté au camp d'entraînement des Seahawks, l'été dernier. Selon le Seattle Times, l'organisation lui aurait finalement garanti 1,5 million de plus afin qu'il rejoigne l'équipe.

De l'avis de son coéquipier Richard Sherman, ce n'est pas un hasard si Lynch célèbre ses touchés en distribuant des poignées de main. «Tout est de la business pour lui», a récemment dit le volubile demi de coin à l'Associated Press.

Un nouveau contrat?

Si Lynch n'était pas content de son contrat cette saison, il y a fort à parier qu'il le sera encore moins dans quelques mois. D'après le Times, la somme supplémentaire de 1,5 million qu'il aurait reçue cette saison aurait été déduite de son salaire de 2015...

Les Seahawks ont conclu de nouvelles ententes avec plusieurs de leurs joueurs importants au cours de la dernière année (Sherman, Earl Thomas, Cliff Avril, Michael Bennett, Doug Baldwin). Russell Wilson et Bobby Wagner obtiendront toutefois leur autonomie dans un peu plus d'un an s'ils ne signent pas de nouveaux contrats d'ici là.

Paul Allen et les Seahawks trouveront-ils l'argent nécessaire pour offrir un autre contrat à Lynch? Même si Robert Turbin et, surtout, Christine Michael attendent leur tour, les Seahawks devraient y penser à deux fois avant de se départir de Lynch, qui est rarement blessé et toujours productif. Parlez-en aux Bills, qui n'ont reçu qu'un choix de quatrième ronde en 2011 et un de cinquième en 2012 en retour du porteur de ballon.

Nul doute que certaines équipes regrettent de ne pas avoir transigé avec les Bills en 2010. L'une des équipes qui songeaient à mettre la main sur Lynch à l'époque était les Packers de Green Bay. Le Milwaukee-Wisconsin Journal Sentinel a rapporté qu'Aaron Rodgers, qui était le coéquipier de Lynch à l'Université de Californie à Berkeley, avait fait du lobbying afin de convaincre les Packers de conclure une transaction, mais en vain.

Les Packers ont tout de même remporté le Super Bowl quelques mois plus tard, mais s'ils ne gagnent pas celui dans deux semaines, il y a de fortes chances que ce sera parce que Lynch leur aura barré la route en finale de la Conférence nationale, dimanche, à Seattle.