Après une remise en question, la cycliste de Sainte-Adèle a fini 9e aux Championnats du monde de cyclocross, au début du mois.

Maghalie Rochette hésite à employer le mot « burn-out », mais elle n’en était pas loin l’été dernier. Au point où la cycliste a annoncé à ses parents qu’elle avait effectué ses derniers coups de pédale en compétition.

« Je ne suis plus capable, je ne l’ai plus, je n’ai plus la passion qui brûle en moi. Je pense que c’est la fin… »

À 29 ans, l’ancienne vététiste et spécialiste de cyclocross n’avait plus la force ni le moral pour s’entraîner. « Ça me faisait vraiment de la peine, mais en même temps, je l’acceptais, a-t-elle expliqué dans une entrevue récente. Si ce n’est plus là, je ne vais pas le forcer. »

Tout un revirement de situation pour l’athlète de Sainte-Adèle. Quelques mois plus tôt, elle avait annoncé son retour au vélo de montagne avec l’ambition de se qualifier pour les Jeux olympiques de Paris en 2024, un rêve de petite fille réanimé à l’été 2021 en suivant les compétitions aux Jeux de Tokyo.

Sur l’élan de sa septième place aux Championnats du monde de cyclocross de Fayetteville, en Arkansas, Rochette s’est lancée à corps perdu dans le vélo de montagne, discipline qu’elle avait pratiquée à un haut niveau à l’adolescence avant d’être happée par la « fièvre » du cyclocross, une expression dont elle a fait une marque de commerce personnelle.

Au printemps, elle a donc fait un retour sur le circuit de la Coupe du monde de vélo de montagne, terminant 33e au Brésil et ne ralliant pas l’arrivée en Allemagne.

Avec le recul, elle réalise que mener deux carrières de front en cyclisme professionnel est un défi hasardeux, surtout pour une Nord-Américaine qui doit limiter ses séjours en Europe à un maximum de 90 jours sur une période de 180.

« Beaucoup d’athlètes comme Tom Pidcock ou Pauline Ferrand-Prévot essaient de faire les deux disciplines. Je pense que c’est déjà un défi pour eux et c’est impressionnant de voir ce qu’ils réussissent. Mais pour une Nord-Américaine, c’est un défi supplémentaire. Tu ajoutes énormément de voyagement. Au bout du compte, ce sont des ressources financières, mais aussi de l’énergie et du temps où tu ne peux pas t’entraîner. »

Un choix difficile

Plus fondamentalement, Maghalie Rochette a réalisé qu’elle ne pouvait pas être au maximum de ses capacités 12 mois sur 12.

« En mai, je n’arrivais pas à terminer des séances d’entraînement et j’étais complètement brûlée. J’ai dû prendre une décision : soit je mets tout en péril ou je fais un choix difficile. »

Le vélo de montagne est donc passé à la trappe, du moins sa dimension compétitive au plus haut niveau. Le cyclocross lui plaît davantage, et elle pense pouvoir atteindre son apogée en ciblant une période dans l’année.

« Je me suis rendu compte que ce qui est le fun pour moi, c’est de voir à quel point je peux être bonne. Ce qui m’allume est de savoir si je suis capable de faire d’autres podiums en Coupe du monde [de cyclocross] ou de gagner un championnat du monde. Je ne pense pas que ma meilleure chance d’y arriver est de courir 12 mois par année. »

Le corollaire de ce constat est que Rochette a dû rayer ses ambitions olympiques à nouveau.

« Oui, ç’a été difficile. J’avais déjà fait une croix là-dessus ! Les Olympiques, tout le monde sait ce que c’est. Au final, je me rends compte que c’était peut-être un petit truc d’ego. Oui, j’aimerais faire partie de ce club d’athlètes. Mais ma carrière peut être valable même sans ça. »

Beaucoup d’athlètes ne sont pas allés aux Jeux olympiques. Je pense par exemple à Lucinda Brand. C’est l’une des meilleures athlètes au monde en route et en cyclocross, mais elle n’y est pas allée. J’ai comme fait la paix avec ça.

Maghalie Rochette

Cette réflexion ne réglait pas son problème d’apathie physique et mentale. Deux infections à la COVID-19 ont largement contribué à cet état. « Après la deuxième fois, en juillet, ça a peut-être duré trois mois avant que je me sente normale. […] Ça a pris du temps avant de comprendre pourquoi j’étais si fatiguée, pas motivée du tout. […] Je me demandais comment j’arriverais à passer à travers tout ça. C’était vraiment difficile. »

Résignée au point de penser à raccrocher, elle a pris une pause complète de près de deux mois à la maison. Tranquillement, elle a intégré le yoga et de la préparation physique et neurologique à sa routine, avant de remonter en selle. « J’ai pris le temps de faire des prises de sang, de me remettre en santé. C’était surtout ça, ma priorité. »

Un déclic s’est produit en novembre aux Championnats panaméricains de cyclocross au Massachusetts, abordés en forme sous-optimale et sur la pointe des pieds.

« Je n’étais pas sûre de bien faire et j’avais un peu peur du jugement, a noté celle qui a été double championne continentale en 2018 et 2019. J’avais aussi peur de ne pas aimer ça et d’en être déçue. »

La Canadienne a terminé troisième, mais elle s’est surtout amusée à tirer le meilleur parti de ses capacités physiques limitées ce jour-là.

« La plus grande victoire »

Un mois et demi plus tard, elle a adopté la même attitude à son retour en Coupe du monde, se propulsant jusqu’à la cinquième place sur un parcours enneigé à Val di Sole, en Italie.

Le 4 février, Rochette était sur la ligne de départ de ses septièmes Championnats du monde consécutifs, à Hoogerheide, aux Pays-Bas. Bloquée par la chute d’une concurrente dès le départ, elle est partie du tout dernier rang pour remonter jusqu’au neuvième échelon, à la faveur d’une poursuite de tous les instants.

« J’ai très bien roulé et si on regarde les temps au tour, j’allais aussi vite que la cinquième ou la sixième, a noté la seule non-Européenne parmi les 15 premières. Ça aurait été cool de pouvoir courir avec elles, mais les circonstances ont fait que le mieux que j’ai pu faire, c’était neuvième. Mais j’étais vraiment fière de la ride que j’ai faite. »

Rochette, cinquième en 2017, était surtout heureuse d’avoir pu se distinguer à chaque instant de l’épreuve sans pour autant avoir ses meilleures jambes.

« Ça m’a poussée à utiliser tout ce que je sais sur le plan de la tactique et de l’intelligence de course. C’est l’une des choses que m’aura apprises cette drôle de saison. »

Cette « drôle de saison » lui aura avant tout permis de retomber amoureuse du cyclocross.

« Je suis possiblement plus motivée et passionnée par le sport que dans les dernières années. Pour moi, c’est la plus grande victoire parce que je pensais que ce serait fini. »

Des jumelles passent à l’histoire

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITETR @UCI_CX

Isabella et Ava Holmgren

Une page d’histoire s’est écrite aux Championnats du monde d’Hoogerheide : les jumelles Isabella et Ava Holmgren sont devenues les premières Canadiennes à remporter une médaille, terminant respectivement première et deuxième dans la catégorie junior. « Leur réussite est d’autant plus incroyable que le Canada n’est pas du tout une nation de cyclocross, dit Maghalie Rochette. Historiquement, on a eu quelques bons coureurs. Moi, j’ai pu regarder Lyne Bessette bien faire au niveau mondial. Mais durant mes années, il n’y avait pas grand monde autre que moi. Souvent [son entraîneur] David [Gagnon] et moi, on se rendait en Europe par nous-mêmes, sans beaucoup de structures du Canada. […]. Avec une relève aussi forte, ça va tous nous rendre meilleurs en tant que nation. C’est vraiment génial. »